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| موضوع: DROIT EUROPEEN ACTUALITES Cour européenne des droits de l'homme الخميس يناير 28, 2010 4:29 pm | |
| DROIT EUROPÉEN ACTUALITÉS
Cour européenne des droits de l'homme - Droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion (article 9 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales)
Dans l'arrêt X... c/ France, requête n° 27058/05, rendu le 4 décembre 2008, la Cour conclut à l'unanimité la non-violation de l'article 9 (droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion) de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Dans cette affaire, la Cour se prononce sur la compatibilité de l'interdiction du port du voile dans le cadre d'un cours d'éducation physique et sportive, au sein d'un établissement scolaire public, ayant entraîné l'exclusion de l'élève, avec l'article 9 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Faits :
La requérante, Belgin X..., âgée de 11 ans à l'époque des faits, de confession musulmane, avait refusé de retirer son foulard durant les cours d'éducation physique et sportive, malgré les demandes répétées de son professeur et les explications de celui-ci concernant l'incompatibilité du port d'un tel foulard avec la pratique de l'éducation physique. En février 1999, le conseil de discipline du collège prononça son exclusion définitive pour non-respect de l'obligation d'assiduité. Cette décision fut confirmée par le recteur d'académie.
Les parents de la requérante saisirent le tribunal administratif en vue de l'annulation de l'arrêté du recteur d'académie. Leur demande fut rejetée le 9 octobre 1999, le tribunal considérant que "la requérante, en se présentant aux cours d'éducation physique et sportive dans une tenue ne permettant pas sa participation à l'enseignement concerné, avait manqué à l'obligation d'assiduité" (...), que son attitude "avait entraîné un climat de tension au sein de l'établissement et que l'ensemble de ces circonstances était de nature à justifier légalement son exclusion définitive du collège, nonobstant sa proposition, faite à la fin du mois de janvier, de remplacer le foulard par un bonnet" (§ 13). La décision administrative fut confirmée en appel, puis le Conseil d'Etat déclara les pourvois formés par les parents de la requérante non admis.
Griefs :
Devant la Cour européenne, la requérante invoquait une violation de l'article 9 (droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion), en raison de l'atteinte portée à son droit de manifester sa religion. Enfin, elle prétendait avoir été privée de son droit à l'instruction, au sens de l'article 2 du Protocole n° 1 (droit à l'instruction), en exposant que la décision d'exclusion définitive du collège l'avait contrainte à suivre des cours par correspondance.
Décision :
En ce qui concerne l'article 9 de la Convention :
A titre liminaire, la Cour européenne reconnaît que l'interdiction du port du voile pendant les cours d'éducation physique et sportive et la décision d'exclusion définitive du collège prise à l'encontre de la requérante constitue bien une atteinte à la liberté de religion. Elle recherche si, conformément aux dispositions de l'article 9 § 2, cette limite faite à la liberté de religion peut être justifiée car remplissant les trois conditions prévues : être prévue par la loi, présenter un but légitime et être nécessaire dans une société démocratique.
Les juges de Strasbourg relèvent dans un premier temps que l'interdiction du port de voile durant les cours d'éducation physique et sportive n'était pas explicitement prévue par un texte, les faits étant antérieurs à la loi du 15 mars 2004. Cependant, ils rappellent que "d'après la jurisprudence constante de la Cour, la notion de « loi » doit être entendue dans son acception « matérielle » et non « formelle ». En conséquence, elle y inclut l'ensemble constitué par le droit écrit, y compris des textes de rang infralégislatif (voir, notamment, X..., Y... et Z... c/ Belgique, 18 juin 1971, § 93, série A n° 12, requête n° 2832/66, 2835/66 et 2899/66), ainsi que la jurisprudence qui l'interprète (voir, mutatis mutandis, X..., c/ France, 24 avril 1990, § 29, série A n° 176-A, requête n° 11801/85).
Il convient dès lors d'examiner la question sur la base de ces différentes sources, et en particulier de la jurisprudence pertinente des tribunaux" (§§ 52 et 53). En l'espèce, ils constatent que les textes législatifs n'étaient pas inexistants (loi d'orientation et d'éducation du 10 juillet 1989), que le Conseil d'Etat avait rendu un avis, le 27 novembre 1989, fixant le cadre juridique relatif au port de signes religieux dans les établissements scolaires, et que la jurisprudence des juridictions administratives était constante en matière de sanction disciplinaire pour défaut d'assiduité en raison du refus de retirer le voile en cours d'éducation sportive. Ils en déduisent donc que "l'ingérence litigieuse avait une base légale suffisante en droit interne" (§ 59) et que les règles étaient accessibles.
Observant que l'ingérence dans le droit de la requérante de manifester sa conviction religieuse poursuivait des buts légitimes (protection des droits et libertés d'autrui et de l'ordre public), la Cour examine la nécessité d'une telle ingérence dans une société démocratique.
Elle affirme qu'il appartient à l'Etat, en tant qu'organisateur neutre et impartial, d'organiser la liberté religieuse, et qu'il a la possibilité de limiter cette liberté en fonction des traditions nationales, des exigences imposées par la protection des droits et des libertés d'autrui, et par le maintien de l'ordre public (voir Leyla X... c/ Turquie,10 novembre 2005, requête n° 44774/98 et Refah X... et autres c/ Turquie, 13 février 2003, requêtes n° 41340/98, 41342/98 et 41344/98). En l'espèce, la Cour observe que "cette limitation de la manifestation d'une conviction religieuse a pour finalité de préserver les impératifs de la laïcité dans l'espace public scolaire tels qu'interprétés par le Conseil d'Etat dans son avis du 27 novembre 1989, par sa jurisprudence subséquente et par les différentes circulaires ministérielles rédigées sur la question" (§ 69).
La Cour rappelle que les autorités nationales doivent veiller à ce que, "dans le respect du pluralisme et de la liberté d'autrui, la manifestation par les élèves de leurs croyances religieuses à l'intérieur des établissements scolaires ne se transforme pas en un acte ostentatoire, qui constituerait une source de pression et d'exclusion" (§ 71). Soulignant l'importance de la laïcité comme principe fondateur de la République française, elle renvoie à la marge d'appréciation que les Etats doivent garder dans l'organisation des rapports entre l'Etat et les églises. En l'espèce, la Cour affirme "que la conclusion des autorités nationales selon laquelle le port d'un voile, tel le foulard islamique, n'est pas compatible avec la pratique du sport, pour des raisons de sécurité ou d'hygiène, n'est pas déraisonnable" (§ 73). Elle relève "que la sanction infligée n'est que la conséquence du refus par la requérante de se conformer aux règles applicables dans l'enceinte scolaire dont elle était parfaitement informée et non, comme elle le soutient, en raison de ses convictions religieuses" (§ 73), et souligne les garanties présentées par la procédure disciplinaire.
Concernant le choix de la sanction la plus grave, la Cour estime qu'elle ne peut pas se substituer aux autorités disciplinaires nationales afin de faire respecter les règles internes, car elles "sont les mieux placées pour évaluer les besoins et le contexte locaux ou les exigences d'une formation donnée" (§ 75). Ainsi, la sanction de l'exclusion définitive n'apparaît pas disproportionnée, la requérante ayant eu "la faculté de poursuivre sa scolarité dans un établissement d'enseignement à distance. Il en ressort que les convictions religieuses de la requérante ont été pleinement prises en compte face aux impératifs de la protection des droits et libertés d'autrui et de l'ordre public" (§ 76). Selon la Cour, il semble évident qu'en l'espèce, les juridictions nationales se sont fondées sur ces impératifs pour rendre leurs décisions, et non sur des objections aux convictions religieuses de la requérante.
Par conséquent, la Cour conclut, à l'unanimité, que l'ingérence litigieuse était justifiée dans son principe et proportionnée à l'objectif visé. Partant, il n'y a pas eu violation de l'article 9.
Article 2 du Protocole n° 1 :
La Cour estime qu'aucune question distincte ne se pose sous l'angle de l'article 2 du Protocole n° 1, les faits sur lesquels repose ce grief ayant déjà été examinés dans le cadre de l'article 9.
A noter : Dans l'arrêt X... c/ France, requête n° 31645/04, la Cour européenne, statuant le 4 décembre 2008 sur les mêmes faits et des griefs identiques soulevés par la requérante, conclut, à l'unanimité, à la non-violation de l'article 9 de la Convention. | |
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