L'Union démocratique du centre (UDC) est l'initiatrice du référendum suisse portant sur l'interdiction de construction de nouveaux minarets sur le territoire helvétique. Ce parti de la droite populiste, très largement représenté au Conseil national, où il dispose de plus du quart des sièges, est un habitué des coups d'éclat politiques et notamment des affiches de choc. La dernière en date, montrant une femme en burqa sur fond de drapeau suisse envahi par des minarets, n'échappe pas à la règle. Pascal Sciarini, directeur du département de science politique de l'Université de Genève, décrypte quelques unes de ces affiches à scandale et l'utilisation de l'imagerie politique par l'UDC.
26 septembre 2004 :référendum sur la naturalisation simplifiée
"Les affiches de l'UDC jouent sur les peurs, les boucs émissaires, les abuseurs du système. Ce peut être les réfugiés qui abusent du système social, ou les étrangers naturalisés qui tenteraient de "piller" l'identité suisse. Voyez ces mains, toutes plus ou moins basanées, qui veulent s'emparer du passeport suisse. L'UDC met en scène dans ses affiches un environnement changeant – la globalisation, les flux migratoires – qui remet en cause le modèle suisse et ses traditions."
Janvier 2007 : campagne contre la dépénalisation du cannabis
L'Union démocratique du centre (UDC) est l'initiatrice du référendum suisse portant sur l'interdiction de construction de nouveaux minarets sur le territoire helvétique. Ce parti de la droite populiste, très largement représenté au Conseil national, où il dispose de plus du quart des sièges, est un habitué des coups d'éclat politiques et notamment des affiches de choc. La dernière en date, montrant une femme en burqa sur fond de drapeau suisse envahi par des minarets, n'échappe pas à la règle. Pascal Sciarini, directeur du département de science politique de l'Université de Genève, décrypte quelques unes de ces affiches à scandale et l'utilisation de l'imagerie politique par l'UDC.
26 septembre 2004 :référendum sur la naturalisation simplifiée"Les affiches de l'UDC jouent sur les peurs, les boucs émissaires, les abuseurs du système. Ce peut être les réfugiés qui abusent du système social, ou les étrangers naturalisés qui tenteraient de "piller" l'identité suisse. Voyez ces mains, toutes plus ou moins basanées, qui veulent s'emparer du passeport suisse. L'UDC met en scène dans ses affiches un environnement changeant – la globalisation, les flux migratoires – qui remet en cause le modèle suisse et ses traditions."
Janvier 2007 : campagne contre la dépénalisation du cannabis
"Cette affiche joue sur la peur des dealers. Elle reprend l'image de Guillaume Tell, un des mythes fondateurs suisses. Bien que l'Histoire a montré qu'il n'était pas suisse, il symbolise la résistance contre l'envahisseur austro-hongrois, David contre Goliath. L'UDC détourne le symbole de l'arbalète, qui selon le mythe, avait réussi à faire tomber la pomme posée sur la tête de son fils, sauvant ainsi les cantons suisses. Ici, l'arbalète est remplacée par la seringue. Guillaume Tell n'a plus rien de rassurant et représente au contraire un danger pour les enfants. C'est le mythe retourné à l'envers : au lieu d'être un symbole de protection contre l'extérieur, Guillaume Tell devient l'image de la menace extérieure qui s'impose en Suisse et se transmet via les dealers."
10 juillet 2007 : initiative populaire sur le "renvoi des étrangers criminels""Cette affiche est sortie au début de l'été, lorsque l'UDC cherchait à occuper le terrain médiatique. Le parti avait lancé un référendum d'initiative populaire visant le renvoi d'étrangers récidivistes. D'où le mouton noir. Cette affiche a fait beaucoup de bruit. On a accusé l'UDC d'enfreindre la loi contre l'antisémitisme et le racisme en Suisse. Une plainte a même été déposée, mais n'a pas abouti. Cette campagne était à la fois dure dans son message et suffisamment subtile dans sa forme pour que l'UDC se réfugie derrière des arguments limites. En substance, l'UDC a dit : 'Ce ne sont pas les étrangers que nous visons, et pour qui nous demandons l'expulsion, mais les 'moutons noirs' en général. Tout le monde connaît la parabole des moutons noirs.' On voyait très bien de quoi il s'agissait, mais l'attaque n'était pas aussi frontale que si l'UDC avait représenté directement des étrangers sur l'affiche."
21 octobre 2007 : campagne pour les élections provinciales"L'attaque est ici en revanche beaucoup plus frontale. Elle n'émanait pas de l'UDC nationale, mais de la section du Valais. L'UDC a pour coutume de jouer avec la ligne rouge. Mais ce qui la distingue d'un parti comme le Front national en France, c'est que vous ne trouverez pas de discours ouvertement raciste ou ouvertement antisémite venant de l'UDC. Il y a clairement, parmi ses membres, des racistes et des antisémites, mais ils le sont de manière suffisamment 'subtile' pour que ce ne soit pas punissable. Dans le cas de cette affiche, toutefois, l'UDC valaisane a clairement franchi la ligne rouge. Le discours est extrêmement blessant pour les musulmans, puisqu'on nous montre leurs fesses et on nous dit, 'votez avec la tête'. Ce discours n'a d'ailleurs pas été repris par l'UDC national."
5 octobre 2009 : publicité parue dans La Tribune de Genève"Cette publicité est une initiative personnelle du directeur de l'UDC genevoise, Soli Pardo, qui a financé lui-même cet encart. Elle a été critiquée, non seulement par l'UDC nationale, mais aussi par l'UDC Genève. Cette publicité fait un amalgame entre la construction d'un train en direction d'Annemasse et une éventuelle invasion de la "racaille" frontalière. Elle a beaucoup choqué en France. C'est le risque quand on flirte avec la ligne rouge pour gagner des voix électorales. A Genève, l'UDC s'est fait déborder sur sa droite par le Mouvement citoyen genevois (MCG), lancé par des dissidents qui ont fortement thématisé la question des frontaliers, les rendant responsables de tous les maux dont souffre Genève. L'UDC, voyant qu'elle perdait du terrain face à la MCG, a lancé cette réaction de dernière minute, pour contrecarrer le mouvement de voix. Sans succès ici, puisque la MCG est arrivée en tête de l'élection cantonale genevoise du 11 octobre.
Mais au niveau suisse, l'UDC ne cesse de progresser. Depuis 1991, elle a multiplié son score par 2,5. De plus petit parti gouvernemental, elle est devenue le plus grand parti avec plus de 30 % des voix. Pendant longtemps, la Suisse francophone était épargnée ; ce n'est plus le cas. Le parti a capitalisé sur un nouveau clivage ouverture-fermeture, avec succès."
29 novembre 2009 : initiative populaire contre la construction de minarets en Suisse"L'initiative anti-minarets est plus qu'un succès électoral. C'est assez rare que l'UDC, seule contre tous, arrive à gagner un vote populaire. Si les autres partis font bloc, l'UDC ne gagne généralement pas. Même ceux favorables à l'initiative ont été surpris, parfois négativement, par l'ampleur du succès. C'est tout le paradoxe. Pour le parti, l'objectif, plutôt que de remporter le scrutin, était surtout de faire un bon score, faire parler, et engendrer de nouvelles voix pour les prochaines élections.
Il y a un amalgame entre la question du minaret, qui est un pur symbole, et celle de l'islam radical, symbolisé sur cette affiche par la femme en burqa. Via les minarets, ce qui est en jeu, c'est la soi-disant islamisation de la Suisse. Il y a certes plus de musulmans qu'avant en Suisse – 400 000 pour une population de 7 millions d'habitants – mais dans une très large majorité, ce sont des musulmans modérés. L'initiative se trompait de cible : sous couvert de combattre les minarets, on a voulu combattre l'islamisme radical, le terrorisme, le problème des otages suisses en Libye. C'est totalement contre-productif, puisque ce vote va ternir l'image de la Suisse et éventuellement exacerber les messages contre le pays."
Propos recueillis par Mathilde Gérard