L’Assemblée plénière de la Cour de cassation s’est prononcée par un arrêt du 7 juillet 2006 sur l’étendue de l’autorité de chose jugée en matière civile, et en particulier sur la notion de cause au sens de l’article 1351 du Code civil (« L'autorité de la chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui a fait l'objet du jugement. Il faut que la chose demandée soit la même ; que la demande soit fondée sur la même cause ; que la demande soit entre les mêmes parties, et formée par elles et contre elles en la même qualité »).
La question posée à la Cour de cassation était de savoir si un justiciable peut, après une première décision dans un litige le concernant, à nouveau saisir le juge aux mêmes fins, hors l’hypothèse de l’exercice des voies de recours.
Revenant sur un arrêt rendu par l’Assemblée plénière le 3 juin 1994, qui avait admis cette possibilité, lorsque le justiciable faisait valoir dans sa seconde saisine un fondement juridique différent à l’appui de sa demande, la Cour de cassation a jugé qu’il incombe au demandeur de présenter dès l’instance relative à la première demande, l’ensemble des moyens qu’il estime de nature à fonder celle-ci. A défaut, le seul changement de fondement juridique ne suffit pas à caractériser la nouveauté de la cause, et par suite à écarter l’autorité de la chose jugée sur la demande originaire.
Extraits de l’arrêt de l’Assemblée Plénière :
Attendu, selon l’arrêt attaqué (Agen, 29 avril 2003) que se prétendant titulaire d’une créance de salaire différé sur la succession de son père pour avoir travaillé sans rémunération au service de celui-ci, Gilbert X... a, sur ce fondement, assigné son frère, M. René X..., pris en sa qualité de seul autre cohéritier du défunt, en paiement d’une somme d’argent ; qu’après qu’un jugement eut rejeté cette demande au motif que l’activité professionnelle litigieuse n’avait pas été exercée au sein d’une exploitation agricole, Gilbert X... a de nouveau assigné son frère en paiement de la même somme d’argent sur le fondement de l’enrichissement sans cause ;
Attendu qu’il est fait grief à l’arrêt d’avoir accueilli la fin de non-recevoir tirée de l’autorité de chose jugée attachée au jugement rejetant la première demande alors, selon le moyen, “que l’autorité de la chose jugée n’a lieu qu’en cas d’identité de cause, c’est-à-dire si les demandes successives sont fondées sur le même texte ou le même principe ; que la cour d’appel a constaté que la première demande de Gilbert X... avait été fondée sur le salaire différé défini par le code rural, tandis que la demande dont elle était saisie était fondée sur l’enrichissement sans cause ; qu’en estimant que ces deux demandes avaient une cause identique, la cour n’a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé les articles 1351 du code civil et 480 du nouveau code de procédure civile” ;
Mais attendu qu’il incombe au demandeur de présenter dès l’instance relative à la première demande l’ensemble des moyens qu’il estime de nature à fonder celle-ci ;
Qu’ayant constaté que, comme la demande originaire, la demande dont elle était saisie, formée entre les mêmes parties, tendait à obtenir paiement d’une somme d’argent à titre de rémunération d’un travail prétendument effectué sans contrepartie financière, la cour d’appel en a exactement déduit que Gilbert X... ne pouvait être admis à contester l’identité de cause des deux demandes en invoquant un fondement juridique qu’il s’était abstenu de soulever en temps utile, de sorte que la demande se heurtait à la chose précédemment jugée relativement à la même contestation ;
D’où il suit que le moyen n’est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS : REJETTE le pourvoi ;