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 Responsabilité de l'employeur en matière d'utilisation des moyens informatiques mis à la disposition des salariés

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مُساهمةموضوع: Responsabilité de l'employeur en matière d'utilisation des moyens informatiques mis à la disposition des salariés   Responsabilité de l'employeur en matière d'utilisation des moyens informatiques mis à la disposition des salariés Emptyالخميس مايو 22, 2008 6:04 pm

Responsabilité de l'employeur en matière d'utilisation des moyens informatiques mis à la disposition des salariés

COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE
2e Chambre

l'arrêt AU FOND DU 13 MARS 2006

N° 2006/170

Jugement du Tribunal de Grande Instance de MARSEILLE en date du 11 Juin 2003 enregistré au répertoire général sous le n° 01/390.

APPELANTE

S.A. LUCENT TECHNOLOGIES,
demeurant 16 avenue Descartes 92.352 LE PLESSIS - ROBINSON

INTIMES

- S.A. ESCOTA,
demeurant 41 bis avenue Bosquet - 75.007 PARIS

- S.A. LYCOS FRANCE,
demeurant 19 Cité Voltaire - 75.011 PARIS

- Monsieur B

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 06 Février 2006 en audience publique devant la Cour composée de :

Monsieur Robert SIMON, Président
Monsieur Michel BLIN, Conseiller
Monsieur André JACQUOT, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffière lors des débats : Madame Patricia BOUILLET.

Les parties out été avisées que le prononcé public de la décision aura lieu par mise à disposition au Greffe le 13 Mars 2006.



Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au Greffe le 13 Mars 2006,

Signé par Monsieur Robert SIMON, Président et Madame Patricia BOUILLET, greffière présente lors de la mise à disposition au Greffe de la décision.

FAITS, PROCEDURE ET MOYENS DES PARTIES

La S.A. LUCENT TECHNOLOGIES a relevé appel d'un jugement, rendu par le Tribunal de grande instance de MARSEILLE en date du 11 juin 2003, et qui ayant dit que la reproduction de la marque ESCOTA par le signe ESCROCA constituait une contrefaçon de marque, a :
- condamné M. B à payer à la société ESCOTA la somme de 1 euro pour l'atteinte à la marque
- déclaré la société LUCENT responsable en sa qualité de commettant des agissements de M. B
- interdit à M. B, sous astreinte, l'usage de la marque contrefaite
- ordonné la publication du dispositif du jugement aux frais de M. B et de la société LUCENT
- débouté la société ESCOTA de sa demande fondée sur l'article L 121-1 du code de la propriété intellectuelle

- déclaré prescrite, car relevant de la loi du 29 juillet 1881, la demande formée par la société ESCOTA en réparation des troubles provenant des propos et images contenus dans le site litigieux
- débouté la société ESCOTA de ses demandes contre la société LYCOS
- débouté la société ESCOTA des ses demandes contre la société LUCENT sur le fondement de l'article 1382 du code civil
- condamné in solidum M. B et la société LUCENT à payer à la société ESCOTA la somme de 4 000 euros en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile
- condamné M. B à relever et garantir la société LUCENT des condamnations prononcées à son encontre.
L'appelante, qui expose qu'elle a été interpellée à l'occasion de plusieurs ordonnances de référé, sur la création, par son préposé, M. B , d'un site internet "ESCROCA", hébergé par la société MULTIMANIA, devenue LYCOS, conteste le jugement déféré, principalement en ce qu'elle a été déclarée responsable du fait de son préposé.
Elle fait valoir que les conditions d'exonération de la responsabilité du commettant sont réunies, en droit, au regard de l'arrêt rendu le 19 mai 1988 par la cour de cassation, et en fait, alors que :
- M. B a agi en dehors de ses fonctions et que le critère de la mise à disposition des moyens est insuffisant, que ses fonctions se bornaient à effectuer des tests de qualité et que l'acte de contrefaçon a été exercé (hors) de celles-ci
- M. B a agi sans son autorisation et que l'absence d'interdiction de la création d'un site ne saurait faire présumer une autorisation, qu'il a luimême reconnu avoir agi à son insu, comme l'établit l'arrêt de la cour d'appel D'AIX EN PROVENCE du 17 janvier 2005 ayant statué sur la validité de son licenciement
- M. B a agi à des fins étrangères à ses attributions et dans son intérêt personnel, dans le but de dénigrer la société ESCOTA.
Elle demande à titre subsidiaire la confirmation de l'arrêt ayant condamné M. B à la relever et garantir alors qu'il a commis une faute civile, voire pénale, excédant en toutes hypothèses les limites de sa mission.
Elle forme à toutes fins un appel en garantie contre la société LYCOS, qui a hébergé les pages litigieuses et a failli dans son obligation d'identification de l'auteur des pages litigieuses.
Elle demande enfin la condamnation des autres parties à lui payer, solidairement, la somme de 6500 euros en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
M. B forme appel incident et demande à titre principal la réformation du jugement ayant statué du chef de contrefaçon, invoquant les dispositions de l'article 122-5-4 du code de la propriété intellectuelle sur la parodie et le pastiche au nom de la liberté d'expression, qui ne trouve ses limites que dans le dénigrement et le risque de confusion, en l'espèce inexistants alors qu'il n'a pas poursuivi des fins commerciales et n'était pas un concurrent de la société ESCOTA et que son but était de divertir les visiteurs du site humoristique qu'il avait créé.
II conclut pour le surplus à la confirmation du jugement en ce qui concerne la contrefaçon du site D'ESCOTA, exempt de tout aspect créatif et original et la prescription relevée eu cc qui concerne les propos de caractère pornographiques ou injurieux au regard des dispositions de la loi du 29 juillet 1881.
Il forme encore appel en ce qui concerne le recours de la société LUCENT pour, à son tour, demander la condamnation de cette société à le relever et garantir de toute condamnation alors qu'il s'est conformé à ses directives internes, d'ailleurs contradictoires.
Il demande la condamnation de la société ESCOTA et de la société LUCENT à lui payer les sommes de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts et 1 500 euros en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
La société LYCOS FRANCE conclut à la confirmation du jugement déféré et à la condamnation in solidum des sociétés ESCOTA et LUCENT à lui payer la somme de 5 000 euros en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
Elle se réfère à la loi du ler août 2000 et à la directive "Commerce électronique" du 8 juin 2000 relatives à la responsabilité du fournisseur d'hébergement et qui institue un régime. spécifique, dérogeant à l'article 1382 du code civil et exclut toute présomption de responsabilité.
Elle fait valoir en outre :
- qu'elle a respecté les obligations d'identification mises à sa charge par la législation en vigueur, alors au surplus qu'aucune disposition ne lui impose de vérifier l'identité de l'éditeur de site et les données déclarées par les abonnés
- qu'elle n'était pas plus tenue d'effectuer une surveillance des sites hébergés
- que l'offre d'un service d'assistance à la création de pages personnelles n'est pas suffisant pour lui faire perdre le bénéfice de la qualification d'hébergeur.
La S.A. ESCOTA qui exploite un réseau autoroutier dans le sud-est de la France, et a déposé la marque ESCOTA, expose qu'elle a elle-même créé un site internet "[ندعوك للتسجيل في المنتدى أو التعريف بنفسك لمعاينة هذا الرابط] et a découvert la création d'un site "[ندعوك للتسجيل في المنتدى أو التعريف بنفسك لمعاينة هذا الرابط] conclut à la confirmation du jugement sur ses dispositions relatives à la contrefaçon.
Elle répond à ses adversaires :
- que l'exception de parodie n'est pas applicable en droit des marques et est réservée au droit d'auteur
- que l'imitation est ici servile, y compris sur la représentation graphique du logo, et qu'elle comporte une signification suggestive de nature à porter atteinte à sa réputation
- que le risque de confusion est important en raison de la proximité des termes et des résultats procurés par les moteurs de recherche sur internet.
Elle forme appel incident du chef de l'utilisation frauduleuse des images et photographies de son site, original comme oeuvre de l'esprit puisque reflet de la personnalité de son auteur et en l'état d'une contrefaçon évidente par reproduction de ses images, établie par un PV d'huissier.
Elle fait valoir encore que des atteintes ont été constatées en raison :
- du contenu à caractère pornographique du site litigieux, notamment par le détournement du logo et l'emploi de termes "téléfuck" pour désigner son produit "télépéage"
- de son caractère injurieux, ses dirigeant étant qualifiés "d'escrocs"' et ses employés de "cons"
- d'une incitation à la commission d'infractions pénales, comme les moyens de franchir les barrières sans payer et la menace d'empaler ses employés sur une barrière de péage.
Elle soutient l'inapplicabilité de la loi du 29 juillet 1881 alors qu'il existe des fautes distinctes aux abus de la liberté d'expression et que les appréciations des produits et services d'une entreprise n'entrent pas dans les prévisions de cette loi.
Elle conclut à la responsabilité :
- à titre principal de la société LUCENT tant en sa qualité de commettant de M. B que de son propre fait, alors que M. B a agi dans la cadre de ses fonctions, avec l'autorisation de son employeur, qui n'a pas proscrit l'utilisation à des fins personnelles de l'outil informatique qui lui avait été confié et qu'il n'a pas agi à des fins étrangères à ses attributions et alors que, en cherchant à lui cacher ses informations sur l'auteur de la création du site et à ne les délivrer qu'au mois de février 2001, elle a engagé sa responsabilité sur le fondement de l'article 1382 du code civil
- de la société LYCOS (anciennement MULTIMANIA) qui a tardé à fournir une identification de M. B, puisque deux ordonnances de référé ont été nécessaires, a fourni des moyens d'assistance pour réaliser le site et a manqué à son devoir de vigilance sur le contenu des sites, qu'elle avait elle-même mis en place.
Elle demande en conséquence la réformation partielle du jugement sur ces points, et outre que soit reconnue la responsabilité entière de M. B et de la société LUCENT du chef des articles 1384-5 et 1382, la condamnation à lui payer, de ce chef, la somme de 1 euro symbolique à titre de dommages et intérêts, la publication à leurs frais du jugement et leur condamnation à faire cesser, sous astreinte, toute utilisation de ses images, logos, slogans et marques.

Elle demande que soit reconnue la responsabilité de la société LYCOS et sa condamnation à lui payer la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts.
Elle demande enfin la condamnation de la partie à l'encontre de laquelle l'action compètera le mieux à lui payer la somme de 20 000 euros à titre de dommages et intérêts.
MOTIFS DE LA DECISION

La recevabilité des appels n'est pas contestée ; en l'absence de moyen constitutif susceptible d'être relevé d'office, il convient de les déclarer recevables.
Sur la contrefaçon de la marque :
Il n'est pas contesté que la société ESCOTA est propriétaire de la marque nominative "ESCOTA" déposée à l’I.N.P.I. le 18 septembre 1992.
Le signe litigieux est "ESCROCA", et comme le relève sans être contredite la société ESCOTA, la consultation, par un moteur de recherche, de la marque "ESCOTA" permet d'être informé sur l'existence d'un site internet [ندعوك للتسجيل في المنتدى أو التعريف بنفسك لمعاينة هذا الرابط] dont la première page est sous le nom "ESCROCA", en lettres identiques, et reproduit, sous une forme et des couleurs identiques à celles figurant sur le site de la société ESCOTA, la devise et le logo, modifié de telle façon qu'il représente un sexe masculin et dont le texte fait référence au système de télépéage en énonçant le terme "téléfuck".
II n'est dés lors pas contestable que le terme "ESCROCA" constitue une imitation de la marque "ESCOTA" et il convient de se référer aux arguments des premiers juges pour qualifier le procédé de contrefaçon.
Seul cependant à contester la décision sur ce point, M. B invoque les dispositions de l'article L 122-5 4° sur le droit à la parodie et au pastiche.
Cette position ne saurait cependant être admise puisque, l'article visé étant inclus dans la partie du code de la propriété intellectuelle relative à la protection du droit d'auteur, le déposant d'une marque ne peut se voir opposer les dispositions invoquées, et alors que, même si, comme le fait observer à bon droit la société ESCOTA, ces dispositions étaient applicables au droit des marques, la permission d'utiliser le pastiche doit céder devant la volonté de nuire, suffisamment caractérisée par le texte même du site, dans lequel son auteur va jusqu'à indiquer les moyens de frauder et profère des insultes et des menaces de violences tant contre la direction que contre les employés de l'intimée.
Le jugement sera en conséquence confirmé de ce chef alors que tant l'imitation que le risque de confusion entre les deux signes sont établies.
M. B ne conteste pas être l'auteur de la création du site et il apparaît justifié de lui faire supporter les conséquences dommageables pour la société ESCOTA, sans qu'il puisse recourir contre son employeur, alors que, d'une part, la cour dans sa formation sociale, a confirmé le caractère justifié du licenciement dont il avait fait l'objet et, d'autre part, qu' il est malvenu à invoquer le fait que la consultation des sites sans liens directs avec l'activité de son entreprise lui était permise tout en reconnaissant qu'il avait procédé de son propre chef à une mise en ligne, dont les conséquences sont éminemment différentes pour les tiers.
En ce qui concerne par contre la responsabilité de la société LUCENT TECHNOLOGIES en sa qualité de commettant, il n'est pas contestable que M. B, qui occupait des fonctions de technicien test dans une entreprise "dont l'activité est construction d'équipements et de systèmes dé télécommunication" selon ses propres écritures, et dans lesquelles l'usage d'un ordinateur, et d'internet, doit être quotidien, a agi dans le cadre de ses fonctions.


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Il est par ailleurs établi qu'il a agi avec l'autorisation de son employeur, qui avait d'ailleurs permis à son personnel, selon une note de service du 13 juillet 1999, "d'utiliser les équipements informatiques mis à leur disposition pour consulter d'autres sites que ceux présentant un intérêt en relation directe avec leur activité".

Il est enfin certain qu'il n'a pas agi à des fins étrangères à ses attributions, puisque selon le règlement précité, il était même autorisé à disposer d'un accès à internet, y compris en dehors de ses heures de travail.
Le jugement sera en conséquence confirmé en ce qu'il a prononcé condamnation contre cette société de ce chef.
Il le sera encore en ce qu'il a condamné M. B à la relever et garantir de toutes condamnations, alors qu'ayant agi à son insu et ayant causé à un tiers des dommages subséquents, il devra supporter en définitive la charge des conséquences de ses agissements coupables.
La société LYCOS FRANCE ne saurait pas plus faire l'objet de condamnation, ni sur l'action principale ni sur l'action récursoire de la société LUCENT, alors que sa responsabilité ne peut être engagée sur le fondement de la loi du 30 septembre 1986, modifiée le 1er août 2000, puisque, assignée le 25 septembre 2000, elle a elle même suspendu le site et que, condamnée le 4 octobre 2000 à fournir l'identité de l'hébergé, elle a, dés le 23 octobre 2000, renseigné la société intimée en lui fournissant les coordonnées de la société LUCENT TECHNOLOGIES, cette responsabilité ne saurait pas plus être engagée sur la base des moyens fournis pour la création d'un site, puisque le préjudice n'est pas en relation directe avec cette assistance, ni sur un manquement à son devoir de vigilance, limité par l'article 43-8 de la loi du 1er août 2000, et en l'absence d'engagements formels de la société LYCOS envers les tiers.
Sur la contrefaçon du site :
Il n'est pas contestable, à la vue des copies respectives des sites versés aux débats, que M. B a reproduit la présentation, avec les mêmes couleurs, du site de la société ESCOTA ; il incombe cependant à la société demanderesse d'établir le caractère original de son "oeuvre" pour bénéfieier de la protection de la loi ; invoquer, comme elle le fait, la seule copie des images, rubriques et moyens d'accès ne saurait suffire à caractériser la contrefaçon.
Le jugement sera en conséquence confirmé de ce chef.
Sur le caractère pornographique, injurieux et incitatif à la commission d’infraction du site « ESCROCA" :
La consultation du site litigieux permet d'analyser les motifs de son créateur et de constater qu’il émane d'une personne privée, sans aucun doute mécontente des services et tarifs pratiqués par la société d'autoroutes ESCOTA, et désireuse, sous couvert d'humour, de lui nuire ; les premiers juges écartent à juste titre le caractère pornographique du dessin stylisé du logo et font observer que la société ESCOTA n'est pas en mesure d'invoquer l'existence d'un préjudice lié à l'incitation à frauder.
Il convient d'ajouter que l'intention de nuire résulte de l'examen, des termes employés, à caractère injurieux, et que les appréciations des produits ne sont faites que dans le même but, et non pour dénigrer la société ESCOTA et offrir ses services.
C'est en conséquence à bon droit, et au vu des dispositions de l'article 65 de la loi du 29 juillet 1991, que les premiers juges ont estimé que les poursuites ne pouvaient être engagées que de ce chef et que le délai de prescription avait couru et l'action était prescrite.
Le jugement déféré sera en conséquence intégralement confirmé en son principe et sur le préjudice, y compris sur l'astreinte et en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
Y ajoutant, il sera ordonné la publication du présent arrêt, aux frais de la société LUCENT TECHNOLOGIES et de M. B, dans deux quotidiens nationaux, sans que chaque insertion ne puisse dépasser la somme de 5 000 euros.
Vu les articles 696 et 700 du nouveau code de procédure civile, et les seules demandes de la société ESCOTA étant justifiées du chef des frais non répétibles,
PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement et contradictoirement,

- Reçoit les appels

- Confirme en toutes ses dispositions le jugement déféré

- Y ajoutant,

Ordonne la publication du dispositif du présent arrêt, aux frais partagés de la société LUCENT TECHNOLOGIES et de M. B, dans deux quotidiens nationaux au choix de la société ESCOTA, sans que le coût de chaque insertion puisse dépasser la somme de 5 000 euros

- condamne in solidum la société LUCENT TECHNOLOGIES et Monsieur B à payer en outre à la société ESCOTA la somme de 5 000 euros en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile

- Rejette toutes autres demandes

- Condamne la société LUCENT TECHNOLOGIES et Monsieur B aux dépens, partagés par moitiés entre eux ; dit que les dépens d'appel seront recouvrés selon cette proportion, par les avoués de la cause, sur leur affirmation qu’ils en ont fait l’avance sans avoir reçu provision.
commentaire de l'arrêt


Un jugement remarqué du Tribunal de Grande Instance de Marseille en date du 11 juin 2003 avait déclaré un employeur civilement responsable des agissements de son salarié qui avait mis en ligne, avec les moyens informatiques mis à sa disposition par l’employeur, un site web "ESCROCA" comportant des éléments injurieux et contrefaisants à l’égard de la société d’autoroute ESCOTA.

Pour retenir la responsabilité de l’employeur, le Tribunal avait considéré que le salarié n’avait pas agi :

* en dehors de ses fonctions ;
* sans autorisation de l’employeur ;
* à des fins étrangères à ses attributions.

Tels sont en effet les trois éléments que doit démontrer l’employeur, en application d’une jurisprudence constante de la Cour de cassation depuis 1988, pour échapper à la mise en oeuvre de sa responsabilité en tant que "commettant", prévue par l’article 1384 alinéa 5 du Code civil.

La Cour d’appel d’Aix-en-Provence a confirmé en toutes ses dispositions le jugement du 11 juin 2003 par un arrêt du 13 mars 2006 (LUCENT TECHNOLOGIES c/ ESCOTA, LYCOS-MULTIMANIA et M. B.), par ailleurs riche en enseignements puisqu’il tranche également d’autres problèmes juridiques relatifs à la contrefaçon de marque, à la contrefaçon de sites web, à la responsabilité des hébergeurs, etc.

Cette décision est particulièrement sévère pour les entreprises puisqu’elle aboutit à considérer l’employeur comme civilement responsable des actes de ses salariés commis au moyen de l’ordinateur et de la connexion mis à leur disposition, dès lors que l’employeur a autorisé ses salariés à utiliser librement Internet.

Paradoxalement, la responsabilité de l’employeur semble devoir être d’autant plus facilement retenue qu’il se sera montré plus souple dans l’utilisation des moyens informatiques à des fins non directement professionnelles !

Reprenant successivement les trois conditions cumulatives d’exonération ci-dessus rappelées, la Cour d’Aix a en effet considéré que :

"Il n'est pas contestable que M. B, qui occupait des fonctions de technicien test dans une entreprise "dont l'activité est construction d'équipements et de systèmes de télécommunication" selon ses propres écritures, et dans lesquelles l'usage d'un ordinateur, et d'internet, doit être quotidien, a agi dans le cadre de ses fonctions.

Il est par ailleurs établi qu'il a agi avec l'autorisation de son employeur, qui avait d'ailleurs permis à son personnel, selon une note de service du 13 juillet 1999, "d'utiliser les équipements informatiques mis à leur disposition pour consulter d'autres sites que ceux présentant un intérêt en relation directe avec leur activité".

Il est enfin certain qu'il n'a pas agi à des fins étrangères à ses attributions, puisque selon le règlement précité, il était même autorisé à disposer d'un accès à internet, y compris en dehors de ses heures de travail."

Voilà qui devrait légitimement inciter les entreprises à encadrer strictement, notamment au moyen de "chartes informatiques", l’utilisation par les salariés des moyens informatiques mis à leur disposition.

Cette décision est d’autant plus surprenante que la jurisprudence actuelle et la CNIL invitent par ailleurs les entreprises à libéraliser cette utilisation !

Seul réconfort pour l’employeur : la condamnation civile prononcée à l’encontre de l’employeur est assortie de la condamnation du salarié à le garantir, ce qui signifie concrètement que l’employeur devra faire l’avance de la condamnation et obtenir remboursement du salarié… en supportant bien sûr le risque de son éventuelle insolvabilité.
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