Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 14 septembre 2006), que la société SNECMA moteurs, aux droits de laquelle vient la société SNECMA, exploite à Gennevilliers un établissement comportant des unités assurant la fabrication de pièces de moteurs d'avions, ainsi qu'un "centre énergie", classé "Seveso", chargé de produire et de distribuer en permanence l'énergie et les fluides nécessaires à cette activité ; qu'envisageant de mettre en place dans le centre énergie une nouvelle organisation du travail de maintenance et de surveillance effectué par équipes et sans interruption, la société Snecma moteurs a informé et consulté le CHSCT (comité d'hygiène et de sécurité des conditions de travail), qui a décidé de désigner un expert puis a émis le 28 juin 2004 un avis négatif, ainsi que le comité d'établissement, qui a également exprimé le 18 novembre 2004 son opposition à ce projet ; que par note de service du 22 février 2005, l'employeur a informé le personnel de l'application, à partir du 14 mars suivant, de la nouvelle organisation du travail dans le centre énergie, suivant des modalités précisées dans une note du 21 février ; que le syndicat CGT Snecma Gennevilliers a saisi le tribunal de grande instance, pour que la note du 21 février 2005 soit annulée et pour qu'il soit fait défense à l'employeur de mettre en application les dispositions qu'elle prévoyait ;
Sur le moyen unique, pris en ses douze premières branches :
Attendu que la société Snecma fait grief à l'arrêt d'avoir constaté la nullité de la note interne du 21 février 2005 et ordonné la suspension de la réorganisation mise en place, en la condamnant au paiement d'une indemnité, alors, selon le moyen :
1) - Que sauf disposition légale contraire, l'employeur décide seul de l'organisation du travail dans le cadre de son pouvoir de direction ; que le juge saisi à titre préventif ne peut s'ingérer dans l'exercice de ce pouvoir, sauf lorsque l'organisation adoptée enfreint une obligation particulière de prudence ou de sécurité imposée par la loi ou le règlement ; qu'en annulant la note du 21 février 2005 au prétexte que les modalités d'organisation du travail au sein de la centrale qu'elle prévoyait comportaient globalement une aggravation des contraintes imposées aux salariés concernés de nature à compromettre leur santé et leur sécurité sur le site, en contravention avec les dispositions de l'article L230-2 du code du travail et celles plus générales de l'article L120-2 du même code, sans constater qu'elle méconnaissait une obligation particulière de prudence ou de sécurité imposée par la loi ou le règlement, la cour d'appel a violé les textes précités, ensemble le principe fondamental de la liberté d'entreprendre ;
2) - Que le juge ne peut remettre en cause la nouvelle organisation du travail décidée par l'employeur que si elle est de nature à menacer la santé et/ou la sécurité des salariés ; que cette appréciation doit être effectuée en prenant en compte tous les points positifs et négatifs de la nouvelle organisation ; qu'en l'espèce, l'exposante soulignait que dans la nouvelle organisation, les salariés bénéficieraient de 38 jours de repos sur le cycle de 10 semaines soit 70 jours (au lieu de 21 jours de repos sur un cycle de 6 semaines soit 42 jours) et que la durée annuelle du travail allait être abaissée de 1.556 h à 1.320 h (soit une durée moyenne hebdomadaire sur le cycle passant de 33 à 28 h), ce sans réduction de salaire ; qu'en s'abstenant de prendre en compte ces éléments pourtant déterminants, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L230-2 et L120-2 du code du travail ;
3) - Que les juges du fond ne peuvent dénaturer les documents soumis à leur examen ; qu'en affirmant que "le cabinet Eretra précise que le gain que peut constituer la diminution du nombre de jours postés, 5 au lieu de 7, ne peut compenser l'impact négatif de l'augmentation du nombre de nuits et de week-end travaillés", quand ce cabinet n'avait nullement évalué et mis en balance l'impact de chacun de ces éléments, se contentant de décrire les changements opérés par la nouvelle organisation, la cour d'appel a dénaturé le rapport précité et violé l'article 1134 du code civil ;
4) - Que le juge ne peut remettre en cause la nouvelle organisation du travail décidée par l'employeur, serait-elle plus contraignante pour les salariés, que si elle est de nature à menacer la santé et/ou la sécurité de ces derniers ; qu'en l'espèce, le bureau Véritas concluait que le nombre de nuits travaillées, même s'il était en augmentation dans la nouvelle organisation, était acceptable dès lors qu'il demeurait dans la limite du taux de 19 à 20% de nuits travaillées, au demeurant couramment pratiqué chez les professionnels ; qu'en se bornant à énoncer que le cabinet Eretra avait relevé l'impact négatif de l'augmentation du nombre de nuits travaillées, sans rechercher si ce nombre ne demeurait cependant pas acceptable et sans danger pour la santé ou la sécurité des travailleurs, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L230-2 et L120-2 du code du travail ;
5) - Que le juge ne peut remettre en cause la nouvelle organisation du travail décidée par l'employeur, serait-elle plus contraignante pour les salariés, que si elle est de nature à menacer la santé et/ou la sécurité de ces derniers ; qu'en l'espèce, concernant l'augmentation du nombre de week-ends travaillés sur un cycle, passant de 3 week-ends travaillés sur 6 à 6 week-ends travaillés sur 10, ce qui restait au demeurant très proche de la moyenne constatée au sein des autres sociétés (5 week-ends travaillés sur 10), le bureau Véritas ne faisait état que d'un impact sur l'insertion sociale des salariés ; qu'en retenant que cette augmentation avait un impact négatif et que le cabinet Véritas avait lui-même émis des réserves à cet égard, sans expliquer en quoi le passage de 3 week-ends travaillés sur 6 à 6 week-ends travaillés sur 10 pouvait avoir une incidence sur la santé et/ou la sécurité des salariés, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L230-2 et L120-2 du code du travail ;
6) - Qu'elle faisait valoir que contrairement à ce qu'indiquaient le rapport Eretra et le syndicat CGT, en aucune façon les salariés en congés durant les jours d'absences prévisionnelles ne seraient contraints de venir travailler et qu'il ne s'agissait donc pas d'un système d'astreinte déguisée ; qu'en retenant à l'appui de sa décision que le cabinet Eretra avait relevé "que l'octroi bénéfique de 14 jours de repos consécutifs, conforme aux demandes des salariés, peut être compromis par la mise en place d'un système d'absences prévisionnelles", sans s'expliquer sur la contestation élevée sur ce point par l'employeur, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L230-2 et L120-2 du code du travail ;
7) - Que les juges du fond ne peuvent modifier les termes du litige tels qu'ils résultent des conclusions des parties ; qu'en l'espèce, l'employeur indiquait que les salariés du groupe technique réseaux étaient joignables par téléphone à tout moment de 6h15 à 22h pour assistance ou conseil auprès des équipes postées de la centrale énergie, et le syndicat CGT ne contestait pas ce point ; qu'en retenant à l'appui de sa décision que "le matin et le soir, le salarié ne dispose plus de l'assistance du centre technique réseaux, et que rien ne prouve que les agents de ce centre acceptent une astreinte téléphonique en dehors des heures de présence, laquelle n'est pas ni prévue ni organisée dans la note", la cour d'appel a modifié l'objet du litige et violé l'article 4 du code de procédure civile ;
- Que le juge ne peut remettre en cause la nouvelle organisation du travail décidée par l'employeur, serait-elle plus contraignante pour les salariés, que si elle est de nature à menacer la santé et/ou la sécurité de ces derniers ; qu'en l'espèce, le cabinet Véritas, après avoir relevé dans la nouvelle organisation une "aggravation" du risque lié au travail isolé, concluait cependant que, compte tenu des dispositifs mis en place pour y remédier, "l'organisation projetée ne génère pas de nouveaux risques professionnels qu'ils soient liés à la nature des tâches effectuées ou à la charge de travail", ajoutant que "la comparaison avec l'exploitation de centrales similaires montre que les pratiques sont conformes à ce qui se constate par ailleurs en termes de cycles de travail et d'effectifs" ; que de même le docteur X..., médecin du travail, avait conclu que le nouveau rythme était "convenable dans l'ensemble" ; qu'en retenant à l'appui de sa décision que "le cabinet Véritas (..) dénonce le risque lié au travail isolé accentué notamment durant les périodes de début d'équipe de jour et de fin d'équipe d'après-midi, en période estivale et durant des interventions spécifiques de jour, ajoutant seulement que la redondance des alarmes chez le PC pompier et la mise en place d'un équipement "homme mort" tempèrent cette aggravation", sans s'expliquer sur la conclusion finale du rapport du cabinet Véritas confirmée par celle du docteur X..., la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L230-2 et L120-2 du code du travail ;
9) - Que les juges du fond ne peuvent dénaturer les documents soumis à leur examen ; qu'en l'espèce, le docteur Y... se bornait à indiquer que "la meilleure période de récupération nocturne est entre 2 et 5 h du matin et il est important de la préserver au maximum" ; qu'en affirmant qu'il mentionnait "la nécessité d'un sommeil au moins au delà de 5 heures du matin pour être bénéfique", la cour d'appel a dénaturé cet avis et violé l'article 1134 du code civil ;