L A RESPONSABILITE DES PROFESSIONNELS DE SANTE
[left]I - LA RESPONSABILITE DES PROFESSIONNELS DE SANTE
A - FOURNITURE DE SOINS ATTENTIFS ET CONFORMES AUX DONNEES DE LA SCIENCE
1 - Faute de technique médicale
2 - Erreur de diagnostic : (Arrêt Perruche)
3 - Obligation de sécurité du chirurgien
4 - Lien de causalité entre la faute médicale et le dommage
B - LE DEVOIR D'INFORMATION DU MEDECIN
1 - L'ETENDUE DU DEVOIR D'INFORMATION
Caractère absolu de l'information
Concernant les médicaments
2 - LA CHARGE DE LA PREUVE DE L'INFORMATION
3 - PREJUDICE INDEMNISABLE : APPRECIATION DE LA PERTE DE CHANCE
II - LA RESPONSABILITE DES ETABLISSEMENTS DE SANTE
A - OBLIGATION DE SOINS
1 - Faute dans l'organisation des soins
2 - Faute du personnel soignant
B - OBLIGATION DE SECURITE
1 - Infections nosocomiale
2 - Produits médicamenteux
3 - produits sanguins
4 - Vaccin
III - LE RISQUE PENAL DES PROFESSIONNELS DE SANTE
1 - LE DELIT D'OMISSION DE PORTER SECOURS
2 - DELITS D'ATTEINTE A L'INTEGRITE CORPORELLE
3 - LE SECRET MEDICAL
4 - LIBRE ACCES DU PATIENT A SON DOSSIER MEDICAL
5 - PROHIBITION DE L'EUTHANASIE
IV - L'INDEMNISATION DE L'ALEA THERAPEUTIQUE
V - LA LOI 2002-303 du 4 mars 2002
VI - SITES INTERNET DE DROIT MEDICAL
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INTRODUCTION
Au XIXe siècle la responsabilité des médecins était délictuelle, fondée sur les articles 1382 et 1383 du Code Civil, et nécessitant la preuve d'une faute, d'un dommage, et d'une relation d'une faute entre le dommage et la faute.
Ce n'est qu'en 1936 que, dans l'arrêt Mercier, la Cour de Cassation a posé le principe selon lequel : "il se forme entre le médecin et son client un véritable contrat comportant pour le praticien, l'engagement sinon, bien évidemment, de guérir le malade, du moins de lui donner des soins consciencieux, attentifs, et réserve faite de circonstances exceptionnelles, conformes aux données acquises de la science ; que la violation, même involontaire, de cette obligation contractuelle, est sanctionnée par une responsabilité de même nature, également contractuelle".
C'est la jurisprudence administrative qui a donné le coup d'envoi d'un élargissement de la responsabilité médicale dans l'arrêt Bianchi rendu par le Conseil d'Etat le 9 avril 1993 :
"Même si aucune faute ne peut être relevée ... lorsqu'un acte médical nécessaire au diagnostic ou au traitement du malade présente un risque dont l'existence est connue mais dont la réalisation est exceptionnelle, et dont aucune raison ne permet de penser que le patient y soit particulièrement exposé, la responsabilité du service public hospitalier est engagée si l'exécution de cet acte est la cause directe de dommages sans rapport comme avec l'évolution prévisible de cet état, et présentant un caractère d'extrême gravité".
L'une des caractéristiques de notre civilisation moderne est la prise en charge collective des dommages individuels, laquelle est souvent juridiquement envisagée sous l'angle de la responsabilité.
On assiste donc à une augmentation considérable de la sinistralité médicale qui pèse lourdement sur les assureurs des professionnels de santé.
Le nombre de sinistres a explosé depuis 1996, ainsi que leur coût moyen, amenant beaucoup d'assureurs à se désengager depuis 1997.
La chirurgie générale, obstétrique et viscérale représente actuellement le plus important domaine de risque, lequel s'étend à toutes les autres spécialités, dont l'anesthésie-réanimation, la psychiatrie, la pédiatrie ou la cardiologie.
En matière de contrat de soins, l'article 1147 du Code Civil, met à la charge du médecin une obligation contractuelle de réparation "toutes les fois où il ne justifie pas que l'inexécution provient d'une cause étrangère qui ne peut lui être imputée".
La responsabilité des médecins et des établissements hospitaliers connaît donc une évolution rapide et importante qui fait évoluer la classique obligation de moyens du médecin vers une obligation de résultat.
Cette obligation de sécurité-résultat concerne tous les professionnels de santé et les établissements de soins, tels que les hôpitaux et cliniques.
Parallèlement, la jurisprudence met à la charge des praticiens une obligation d'information qui renforce le droit du patient de prétendre à une indemnisation même en cas de faute technique.
Le renforcement du secret médical, notamment à l'égard des assureurs, rend de plus en plus difficile l'appréciation des conditions de garantie dans les assurances de personnes.
Les professionnels ne sont pas à l'abri de poursuites pénales pour blessures ou homicide involontaire en cas d'erreur ou de négligence.
Enfin, notre civilisation et les victimes d'accidents médicaux n'acceptent plus la fatalité de l'aléa thérapeutique:
elles ont besoin d'une réparation légitime lorsque leurs conditions économiques en sont profondément affectées, notamment en cas de défaut de protection sociale
d'autres souhaitent également que leur cas serve d'exemple et ne se renouvelle jamais plus.
enfin, certains sont tentés par une "jackpot procédure" qui leur permettra éventuellement d'obtenir un petit pactole en cas de succès.
Mais pourquoi pénaliser en leur lieu et place le corps médical, en l'absence de faute, en mettant systématiquement à sa charge la réparation des handicaps lourds et consécutifs à un acte de soins ?
La seule solution équitable était de faire peser la charge de la réparation des accidents médicaux sur l'ensemble de la collectivité, notamment par l'intérmédaire d'un Fonds de Garantie spécifique pour les victimes d'accidents médicaux, tout en laissant les professionnels responsables de leur faute prouvée.
La loi du 4 mars 2002 a donc :
consacré le principe selon lequel la responsabilité des professionnels de santé ne pouvait être engagée que pour faute.
Organisé la réparation des accidents médicaux, sur avis des CRCI :
en cas de faute par les assureurs des professionnels de santé
en cas d'aléa thérapeutique, par l'ONIAM.
I - LA RESPONSABILITE DES PROFESSIONNELS DE SANTE
A - OBLIGATION DE SOINS CONSCIENCIEUX, ATTENTIFS ET CONFORMES AUX DONNEES ACTUELLES DE LA SCIENCE
Le Titre II du Code de Déontologie Médicale, intitulé "Devoirs envers les patients", contient les dispositions suivantes :
Article 32 :
Dès lors qu'il a accepté de répondre à une demande, le médecin s'engage à assurer personnellement au patient des soins consciencieux, dévoués et fondés sur les données acquises de la science, en faisant appel, s'il y a lieu, à l'aide de tiers compétents.
Article 33 :
Le médecin doit toujours élaborer son diagnostic avec le plus grand soin, en y consacrant le temps nécessaire, en s'aidant dans toute la mesure du possible des méthodes scientifiques les mieux adaptées et, s'il y a lieu, de concours appropriés.
Article 34 :
Le médecin doit formuler ses prescriptions avec toute la clarté indispensable, veiller à leur compréhension par le patient et son entourage et s'efforcer d'en obtenir la bonne exécution.
L'obligation pesant sur le médecin est donc de donner à son patient des soins soins consciencieux, attentifs, et conformes aux données acquises de la science à la date des soins.
Cass. Civ. i, 6 juin 2000, JCP, G, 2001, 10.447, note G.Mémeteaux.
Il ne peut être tenu de garantir la guérison de son malade, ni l'absence d'aggravation de son état, et ne devrait donc pas avoir à répondre au risque d'accident ou d'aléa thérapeutique inhérent à l'état du malade.
Néanmoins, des considérations financières n'autorisent pas le médecin à dispenser des soins non conformes aux données acquises de la science.
Pour un chirurgien-dentiste ayant procédé à l'extraction contre-indiquée de trois dents alors qu'il aurait dû réaliser une prothèse fixe :
Cass. Civ. I, 19 décembre 2000; Dalloz 2001, I.R. 282, note.
La responsabilité médicale nécessite donc, en principe, la preuve d'une faute caractérisée du praticien, laquelle ne peut se déduire de la seule anormalité d'un dommage et de sa gravité.
Cas. Civ. 27 mai 1998, D. 1999, p.21, note S.Porchy.
Le nouvel article L 1142-1 du Code de la Santé Publique confirme que :
I. - Hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute.
Les établissements, services et organismes susmentionnés sont responsables des dommages résultant d'infections nosocomiales, sauf s'ils rapportent la preuve d'une cause étrangère.
1 - FAUTE DE TECHNIQUE MEDICALE
Si la nature du contrat qui se forme entre le chirurgien et son client met en principe à la charge du praticien une simple obligation de moyens, il est néanmoins tenu, sur le fondement d'une obligation de sécurité-résultat, de réparer le dommage causé à son patient à l'occasion d'un acte chirurgical nécessaire à son traitement chaque fois que ce dommage, dont la cause réelle n'a pu être déterminée, est en relation directe avec l'intervention pratiquée et sans rapport établi avec l'état antérieur de celui-ci...
T.G.I. Paris, 1ère Chb., 5 mai 1997 et 20 octobre 1997, D. 1998, p.558, note Boy
Engagent donc la responsabilité des praticiens :
Le "geste maladroit" et la "maladresse" du chirurgien qui occasionne une déchirure de la trachée
C.A. Lyon, 1ère Ch., 29 juin 2000, RG 1997/07885.
Le chirurgien-dentiste qui lèse le nerf sublingual lors de l'extraction d'une dent de sagesse, alors que la position de ce nerf ne présentait pas d'anomalie.
Cass. Civ. I, 23 mai 2000, n°98-20-440; D. 2000, I.R. p.183
le sectionnement d'une artère poplitée lors d'une ligamentoplastie, alors que celle-ci ne présentait pas d'anomalie rendant son atteinte inévitable.
Cass. Civ. I, 23 mai 2000, 98-19.869; D.2000, I.R. p.192 avec une note
A propos de deux chirurgiens qui sectionnent un nerf à l'occasion de l'exérèse d'une glande sous-maxillaire :
Dès lors que la réalisation de l'exérèse n'impliquait pas l'atteinte du nerf grand hypoglosse et du nerf lingual et qu'il n'était pas établi que le trajet de ces nerfs aurait présenté une anomalie rendant leur atteinte inévitable, la Cour d'Appel peut décider que le praticiens avaient commis une faute dans le contrat les liant avec leur patiente.
Cass. Civ. I, 18 juillet 2000; JurisData n°003057 - R.C. et Assurances, décembre 2000, p.16.
Les obligations du chirurgien ne peuvent se limiter aux seuls gestes chirurgicaux, et il se doit d'aviser l'anesthésiste des risques d'une anesthésie locale par injection rétro-bulbaire, compte tenu de conformation anormale de l'œil (partage de responsabilité par moitié).
Cass. Civ. I, 29 octobre 1997, Dalloz 1999, Som.commenté, p.393
Si la seule gravité du dommage n'est pas suffisante pour caractériser la faute du praticien, il appartient à ce dernier de donner une information claire, loyale et appropriée sur les risques encourus du fait de l'intervention envisagée sauf cas d'urgence, ou refus du malade d'être informé.
Rappelons que l'article 35, al.4 du Code de déontologie médicale, issu du décret n°79-506 du 28 juin 1979, permet au médecin de ne pas informer son malade du diagnostic lorsque les conséquences de l'information pourraient lui être préjudiciables.
CA Versailles, 3e ch., 16 juin 2000; Dalloz 2000, I.R. p.251 (note); Dalloz 2000, I.R. 470, note P.Jourdain.
Toutefois,
Il ne peut être reproché à un chirurgien d'avoir commis une faute en sectionnant le nerf médian de la main gauche lors de l'intervention sous endoscopie réalisée sur le canal carpien de son poignet, dès lors que la section survenue constituait une complication connue de ce type de chirurgie endoscopique, que l'intervention avait été menée suivant une technique éprouvée avec les précautions habituellement recommandées, que la tactique du praticien avait été raisonnable au vu des difficultés rencontrées, et qu'aucune erreur, imprudence, manque de précaution nécessaire, négligence ou autre défaillance fautive ne pouvait être retenue à son encontre compte tenu du rétrécissement du champ visuel du chirurgien propre à l'endoscopie et de l'emploi de longs instruments, comme des variations anatomiques d'un sujet à l'autre.
L'atteinte survenue, dont le risque était inhérent à la technique utilisée, ne pouvait être imputée à faute au praticien. Cass. Civ. I, 29 Novembre 2006, 03-16.308, GP 23 Mars 2006, Avis Sainte-Rose
2 - ERREUR DE DIAGNOSTIC
DROIT A REPARATION DE L'ENFANT NE HANDICAPE : Arrêt Perruche
Dès lors que les fautes commises par un médecin et un laboratoire dans l'exécution des contrats formés avec une femme enceinte avaient empêché celle-ci d'exercer son choix d'interrompre sa grossesse afin d'éviter la naissance d'un enfant atteint d'un handicap, ce dernier peut demander la réparation du préjudice résultant de ce handicap, et causé par les fautes retenues.
Ass. Plénière, 17 novembre 2000, 99-13.701; Dalloz 2000, I.R. p.295 (Perruche); Conclusions M.Sainte-Rose, Avocat Général, Rapport Sargos; B.I.C.C. 526
Elle reconnaît ainsi :
une violation de l'obligation contractuelle à l'égard des parents, et met à la charge des professionnels de santé l'obligation de réparation du handicap sur le fondement de l'article 1165 et 1147 du Code Civil.
une faute quasi-délictuelle à l'égard de l'enfant, résultant de la violation de son obligation contractuelle à l'égard de ses parents, sur le fondement de l'article 1382 du Code Civil.
La Cour de Cassation condamne les professionnels à la réparation des conséquences financières du handicap, mais non en raison de la venue au monde de l'enfant.
APPLICATION JURISPRUDENCE PERRUCHE A L'ENFANT TRISOMIQUE : arrêts du 28 novembre 2001
Dès lors, d'une part, que la faute commise par le médecin dans l'exécution du contrat formé avec la mère a empèché celle-ci d'exercer son choix d'interrompre sa grossesse pour motif thérapeutique et, d'autre part, qu'il n'est pas contesté que les conditions médicales d'une telle interruption de grossesse étaient réunies, les parents peuvent demander la réparation du préjudice matériels résultant pour eux du handicap en relation de causalité directe avec la faute retenue.
Ass. Plén., 28 novembre 2001, 00-11.197; Dalloz 2001, I.R. 3587, note.
Dès lors que le médecin n'a pas communiqué à la patiente les résultats alarmants d'un examen qui justifiaient une consultation spécialisée en génétique et en échographie, et qu'il pas été contesté par le médecin que les conditions médicales d'une IVG pour motif thérapeutique étaient réunies, la faute ainsi commise, qui a fait perdre à la mère la possibilité de recourir à une amniocentèse et à une telle interruption de grossesse est en realtion directe avec le préjudice résultant pour l'enfant de ce handicap.
La réparation du préjudice doit être intégrale, et ne doit pas correspondre à une simple perte de chance.
Ass. Plèn., 28 novembre 2001, 00-14.248; Dalloz 2001, I.R. 3588.
3 - OBLIGATION DE SECURITE-RESULTAT DU CHIRUGIEN
Le médecin qui pratique une opération chirurgicale est tenu d'une obligation de sécurité constituant une obligation de résultat.
A propos d'un chirurgien qui perfore l'utérus, sans faute de sa part :
C.A.Lyon, 1er ch. 13 avril 2000; JurisData n°112062 - R.C. et assurances, janvier 2001, p.18, note L.Grynbaum.
L'aléa est ainsi implicitement mis à la charge du médecin...
4 - LIEN DE CAUSALITE ENTRE LA FAUTE MEDICALE ET LE DOMMAGE
En relevant qu'une surdose médicamenteuse avait révélé une affection préexistante mais latente, une Cour d'Appel caractérise suffisamment le lien entre la faute médicale et une affection rénale, indemnisée, en l'espèce, à concurrence de 30%.
Cass. Civ. I, 7 décembre 1999; Les Cahiers de Jurisprudence de la Tribune des Assurances, mars 2000, p.VI, note L.F.
LIEN DE CAUSALITE ENTRE L'ALEA THERAPEUTIQUE ET L'ACCIDENT DE LA CIRCULATION
Au cours d'une intervention chirurgicale consécutive à un accident de la circulation, une victime perd la vision d'un oeil en raison d'un aléa thérapeutique :
La personne impliquée dans l'accident de la circulation est condamnée à réparation dans la mesure où "l'intervention qui a entraîné le trouble oculaire avait été rendue nécessaire par l'accident de la circulation...de telle sorte que ce trouble ne se serait pas produit en l'absence de l'accident".
Cass. Civ. II, 27 janvier 2000; Bulletin d'actualité Lamy Assurances Mars 2000, p.9.
A rapprocher avec la jurisprudence ayant déclaré l'auteur d'un accident responsable de la contamination d'une victime par le virus du SIDA au cours d'une transfusion nécessitée par l'accident :
C.A. Paris 7 juillet 1989, G.P. 1989, 2, p.752, concl. Pichot - Cass. Civ. I, 17 février 1993, n°97-17.458, n°294; RTDC 1993, p.589, note P.Jourdain.
B - LE DEVOIR D'INFORMATION DU MEDECIN
L'article 35 du Code de Déontologie Médicale dispose :
Le médecin doit à la personne qu'il examine, qu'il soigne ou qu'il conseille, une information loyale, claire et appropriée sur son état, les investigations et les soins qu'il lui propose. Tout au long de la maladie, il tient compte de la personnalité du patient dans ses explications et veille à leur compréhension.
Toutefois, dans l'intérêt du malade et pour des raisons légitimes que le praticien apprécie en conscience, un malade peut être tenu dans l'ignorance d'un diagnostic ou d'un pronostic graves, sauf dans les cas où l'affection dont il est atteint expose les tiers à un risque de contamination.
Un pronostic fatal ne doit être révélé qu'avec circonspection, mais les proches doivent en être prévenus, sauf exception ou si le malade a préalablement interdit cette révélation ou désigné les tiers auxquels elle doit être faite.
Le malade est maître de son traitement, et c'est lui qui décide, en définitive de la conduite de celui-ci au vu de l'information qui lui est apportée par les professionnels de santé.
Par ailleurs, il est constant qu'il incombe à tout professionnel, de quelque domaine que ce soit, une obligation d'information à l'égard de son client non professionnel.
La Convention sur les Droits de l'Homme et la Biomédecine du Conseil de l'Europe du 4 avril 1997, prévoit également que la personne sur laquelle doit être effectuée un acte de santé reçoive, préalablement, "une information adéquate quant au but et à la nature de l'intervention ainsi que quant à ses conséquences et à ses risques","afin qu'elle donne un consentement libre et éclairé".
L'article 3 de la Charte Européenne des droit fondamentaux du 18 décembre 2000, consacre le principe du consentement libre et éclairé du consommateur de soins.
L'opinion publique estime donc, à juste titre que le patient a le droit d'être systématiquement informé, d'une part de son état, d'autre part sur risques auxquels l'exposent les examens, interventions ou traitements qui lui sont proposés.
Dès lors, la jurisprudence a saisi cette occasion de pouvoir juger que si la responsabilité d'un acccident médical ne pouvait être attribuée à une faute médicale, il pouvait l'être à un défaut d'information préalable.
Cette appréciation n'est pas sans inconvénient :
En effet, L'art médical a toujours reposé sur le lien de confiance entre le malade et son médecin : le dialogue, la suggestion, et parfois le "pieux" mensonge pour redonner une énergie salutaire au patient faisant partie de la panoplie d'Esculape, notamment en matière psychiatrique.
La difficulté du concours, la durée des études et de la formation médicale, les contraintes de son exercice, les incertitudes de son statut, pour une rentabilité financière de plus en plus réduite témoignent en principe d'une motivation qui, à elle seule, est un gage de sérieux et de confiance dont on pourrait faire crédit à la profession, sous peine de la décourager.
On pourrait donc estimer légitime de laisser aux médecins la décision de décider ce qu'ils doivent dire ou taire dans l'intérêt de son malade, et non, à posteriori, à des Tribunaux bien éloignés de la pratique médicale, et ce d'autant plus que, depuis la loi du 4 mars 2002 relative à l'indemnisation des accidents médicaux, il n'y a plus lieu de recourir à des "artifices juridiques".
Il n'en reste pas moins que l'information est un droit fondamental du malade, et dont la violation ne peut être que juridiquement sanctionnée.
Cf. Le consommateur de soins, Chr. Anne Laude, Dalloz 6 juillet 2000, Cahier de Droit des Affaires, p.415
1 - L'ETENDUE DU DEVOIR D'INFORMATION
Une obligation relative, en ce qui concerne le diagnostic et le pronostic.
Selon l'article 2 de l'article 35, ce n'est que dans l'intérêt du malade et pour des raisons légitimes que le praticien peut décider, en conscience, qu'un malade doit être tenu dans l'ignorance d'un diagnostic ou d'un pronostic grave.
Ayant souverainement estimé que l'intérêt du patient justifiait la limitation de l'information quant au diagnostic (psychose maniaco-dépressive avec risque de suicide), la Cour d'Appel a pu décider que le praticien n'avait pas commis de faute.
Cass. Civ. I, 23 mai 2000, 98-18.513; Dalloz 2000, I.R. 470 - CA Versailles, 3e ch., 16 juin 2000; Dalloz 2000, I.R. p.251 (note);JCP G, 2000, II, 10342.
Une obligation absolue d'information en ce qui concerne l'acte médical proposé
Cette information a pour but de permettre au patient de donner un consentement éclairé.
Voir : F. Vialla : "Bref retour sur le consentement éclairé", Dalloz 2011, 292.
Hormis les cas d'urgence, d'impossibilité ou de refus du patient d'être informé, un médecin est tenu de lui donner une information loyale, claire et appropriée sur les risques graves afférents aux investigations et soins proposés, même si ces risques sont minimes ou exceptionnels. BR>
Cass. Civ. I, 7 octobre 1988, D. 1999, p.145, note S.Porchy - Cass. Civ. I, 10 mai 2000, n°98-19-332 - Cass. Civ. I, 10 mai 2000, n°98-19-810
Conseil d'Etat, 5 janvier 2000 - 181899 - D.2000, I.R. p.28.
Un médecin accoucheur ne peut être dispensé (même en 1974) de son devoir d'information de la mère sur les risques, en cas de présentation de l'enfant par le siège, et sur complications afférentes aux investigations et soins proposés d'une césarienne et d'un accouchement par voie basse, même si ce risque est exceptionnel.
Un médecin ne peut être dispensé de son devoir d'information vis-vis de son patient, qui trouve son fondement dans l'exigence du respect du principe constitutionnel de sauvegarde de la dignité de la personne humaine, par le seul fait qu'un risque grave ne se réalise qu'exceptionnellement; que la responsabilité consécutive à la transgression de cette obligation peut être recherchée, aussi bien par la mère que par son enfant, alors même qu'à l'époque des faits la jurisprudence admettait qu'un médecin ne commettait pas de faute s'il ne révèlait pas à son patient des risques exceptionnels; qu'en effet l'interprétation jurisprudentielle d'une même norme à un moment donné ne peut être diffférente selon l'époque des faits considérés et nul ne peut prévaloir d'un droit acquis à une jurisprudence figée.
Cass. Civ. I, 9 octobre 2001, 00-14.564 (C / C); Dalloz 2001, I.R. p.3091, note; Dalloz 2001, Jur. 3470, "Portée d'un revirement de jurisprudence au sujet del'obligation d'informaton d'un médecin" : Rapport P.Sargos et note D.Thouvenin; JCP 2002, G, II, 10045, note O.Cachard.
Voir notre commentaire sur cette décision
Voir : C.Guettier : "L'obligation dinformation des patients par le médecin (panorama de la jurisprudence administrative"; R.C. et Ass. 2002, n°12.
Le médecin n'est pas dispensé de cette information du risque par le fait que l'intervention serait médicalement nécessaire.
L'absence de possibilité de choix du patient ne délie pas le médecin de son obligation d'information.
Cass. Civ. I, 18 juillet 2000, 99-10.886; D. 2000, I.R. p.217.
Le praticien se doit d'informer le patient sur les risques inhérents à un mode d'examen (coloscopie) et de traitement et sur l'évolution prévisible de son état si rien n'est fait.
Cependant, le patient ne peut demander réparation du fait qu'il n'a pas été informé dès lors que, quand bien même il aurait été averti des risques de l'opération, il est improbable qu'il eût refusé le traitement, eu égard à l'évolution prévisible de son état en cas d'inaction.
C.A. Angers (Audience solennelle) 11 septembre 1998, Dalloz 1999, p.46, note M.Penneau.
Le médecin est tenu de donner dans tous les cas une information claire, loyale et appropriée à son patient, même si le risque ne se réalise qu'exceptionnellement.
Cass. Civ. I, 15 juillet 1999; R.C. et ass. novembre 1999, p.15; D.1999, Som.393 - C.A. Paris, 1ère Ch. B, 25 octobre 2001; Dalloz 2001, I.R. 3492. .
Lorsque l'acte médical envisagé, même accompli dans les règles de l'art, comporte des risques connus de décès ou d'invalidité, le patient doit être informé dans des conditions qui permettent de recueillir son consentement éclairé.
Si cette information n'est pas requise en cas d'urgence, d'impossibilité ou de refus du patient d'être informé, la seule circonstance que les risques ne se réalisent qu'exceptionnellement ne dispense pas les praticiens de leur obligation.
Conseil d'Etat, Section Contentieux, 5e ss, 10 décembre 1999, n°198530; Argus 2000, p.40 -
Dans ce cas, il résulte de l'article L 376-1 du Code dela Sécurité Sociale que le recours des Caisses s'exerce sur les sommms allouées à la victime en réparation de la perte d'une cance d'éviter un préjudice corproel, la part d'indemenité de caractère personnel étant seule exclue de ce recours.
C.E., 19 mai 2004, 216039; Dalloz 2004, IR p.1771
Toutefois, un médecin n'est pas tenu de réussir à convaincre son patient du danger de l'acte médical qu'il demande.
Cass. Civ. I, 18 janvier 2000 - 97-17.716; D. 2000, n°5 - R.C. et Ass., Avril 2000, p.17; Dalloz 2001, Jur. 3559, note M.-L. Mathieu-Izorche.
Dans le cas d'un refus du patient, il doit toutefois justifier lui avoir fourni une information des risques graves encourus en cas d'opposition au traitement préconisé, de manière à le mettre en mesure de donner un consentement ou un refus éclairé aux actes médicaux envisagés.
Cass. Civ. I, 15 Novembre 2005, 04-18.180 ; JCP 2006, G, II, 10045, note P.Mistretta.
Si la seule gravité du dommage n'est pas suffisante pour caractériser la faute du praticien, il appartient à ce dernier de donner une information claire, loyale et appropriée sur les risques encourus du fait de l'intervention envisagée sauf cas d'urgence, ou refus du malade d'être informé.
Cass. Civ. I, 20 juin 2000; 98-23.046; Dalloz 2000, I.R. 471, note P.Jourdain.
Il résulte des articles 16 et 16-3 du Code Civil que toute personne a le droit d'être informée, préalablement aux investigations, traitements ou actions de prévention proposés, des risques inhérents à ceux-ci, et que son consentement doit être recueilli par le praticien, hors le cas où son état rend nécessaire une intervention thérapeutique à laquelle elle n'est pas à même de consentir.
Le non-respect du devoir d'information qui en découle, cause à celui auquel l'information était légalement due, un préjudice réparable sur le fondement de l'article 1382 du Code Civil.
Cass. Civ. I, 3 Juin 2010, 09-13591 Dalloz 2010, 184, note I. Gallmester
De son côté, la clinique est tenue d'une obligation de renseignements concernant les prestations qu'elle est en mesure d'assurer, notamment du fait qu'elle n'est pas en mesure de mettre à la disposition de ses patientes un obstétricien en permanence dans la salle d'accouchement, même si elle dispose d'une sage-femme de garde.
Cass. civ. I, 14 octobre 1997 - 95-21.390; Dalloz 1999, Som. Commentés p.391
L'obligation d'information en ce qui concerne les médicaments
Voir : J.A. Robert et A.Régniault : "Les effets indésirables des médicaments : information et responsabilité" ; Dalloz 2004, Doc. p.510.
2 - LA CHARGE DE LA PREUVE DE L'INFORMATION
La jurisprudence administrative et civile est concordante : La charge de la preuve de l'information incombe au praticien, privé ou hospitalier.
C.E. 5 janvier 2000
Le devoir d'information pose le problème de savoir comment le praticien pourra, en pratique, se pré constituer une telle preuve: lettre, signature sur un formulaire...
On rappellera qu'en matière de responsabilité professionnelle d'Avocat, la Cour de Cassation a décidé qu'il appartenait à ce professionnel d'apporter la preuve d'avoir accompli son obligation de renseignement...
3 - LE PREJUDICE REPARABLE : PERTE DE CHANCE
Sur un plan strictement juridique, il est constant que pour engager sa responsabilité le dommage allégué par le patient doit être lié au défaut d'information du médecin.
La preuve en incombant au malade sur le fondement de l'article 1315, al.1, du Code Civil et de l'article 9 du Nouveau Code de Procédure Civil.
Lorsque l'acte médical était indispensable pour la survie du malade, mais n'a pas donné les résultats escomptés, il n'est pas besoin d'être juriste pour comprendre qu'il n'y pas eu de préjudice causé par l'absence d'information.
C'est pourquoi, certaines décisions pleines de bon sens ne retiennent la responsabilité du médecin pour défaut d'information que si celui-ci avait eu une "solution alternative" à proposer à son patient.
T.G.I. Lyon, 4e Chb., 26 juin 2000, n°R.G. 1998/14942
Le problème est plus délicat si plusieurs traitements pouvaient être proposés, et si un choix avait été laissé au malade.
Mais même dans ce cas, peut on légitimement laisser le malade seul juge du traitement qui lui était le plus adapté ?
C'est pourquoi, après quelques errements, la Cour de Cassation admet que le médecin peut limiter l'information de son patient sur un diagnostic ou ou un pronostic grave, pour des raisons légitimes et dans l'intérêt du malade, conformément à l'article 42 du Code de Déontologie Médicale. Cet intérêt doit être apprécié en fonction de la nature de la pathologie, son évolution prévisible et de la personnalité du malade.
Cass. Civ. I, 23 mai 2000, no 98-18.513, P (en matière psychiatrique).
Le préjudice indemnisable est fonction de la chance qu'aurait eu le patient de refuser l'acte de soin ou d'investigation à l'origine d'un dommage.
La réparation qui sera accordée au patient insuffisamment renseigné sur les risques présentés par son traitement ou moyen de diagnostic, consistera donc, essentiellement, en une perte de chance d'avoir refusé ceux-ci.
Cette perte de chance ne se recoupe donc pas exactement avec le préjudice en droit commun, mais est appréciée souverainement par le Juge du fond.
Le défaut d'information prive le patient de la possibilité de donner un consentement ou un refus éclairé à l'acte médical qui lui est proposé.
Dès lors, le juge doit apprécier le préjudice en fonction des effets qu'aurait pu avoir une telle information quant à son consentement ou son refus (état de santé du patient, évolution prévisible, personnalité, raison et opportunité du traitement proposé, alternative possible, chance qu'avait le malade de le refuser ou de l'accepter...).
Alors qu'un patient présentait une hérédité et des troubles intestinaux susceptibles de lui faire craindre un cancer du colon, la Cour de Cassation approuve une Cour d'Appel d'avoir estimé que, même s'il avait été informé du risque, il n'aurait refusé ni l'examen endoscopique, ni l'exérèse du polype à l'origine de la perforation.
Cass. Civ. I, 20 juin 2000, 98-23.046; D.2000, I.R., p.198, note; Argus, 11 Août 2000, p.22; Dalloz 2000, I.R. 471, note P.Jourdain.
Pour le défaut d'information d'un Hôpital en cas d'angioplastie, si aucune autre alternative n'était possible : la faute de l'Hôpital n'a pu entraîner de perte de chance et aucune indemnisation n'est due.
C.E. 15 janvier 2001, 184386; Dalloz 2001, I.R. p.526, note.
Mais il doit exister un lien de causalité entre l'accident thérapeutique et le défaut d'information :
La Cour de Cassation tempère sa position dans un arrêt du 29 octobre 2002, dans lequel, si elle retient un défaut d'information à la charge du chirurgien pour n'avoir pas signalé à sa patiente le risque d'arrêt cardiorespiratoire à l'origine d'un coma neuro-végétatif, elle estime que la cause de cet arrêt étant demeurée inconnue, il n'existait pas de lien de causalité entre les manquements à l'obligation d'information imputables aux médecins et le dommage éprouvé.
Cass. Civ. I, 29 octobre 2002, pourvoi n° 01-10.311
PERTE DE CHANCE ET ASSIETTE DU RECOURS DES TIERS PAYEURS
L'indemnité de réparation d'une perte de chance ne saurait présenter un caractère forfaitaire, notamment afin de permettre aux tiers payeurs d'exercer leur recours sur la part du préjudice non personnel.
Il appartient au juge :
d'évaluer les différents postes de préjudice
d'apprécier la fraction de ces préjudices imputable à la perte de chance
de fixer la part de préjudice personnel sur laquelle le recours des tiers payeurs ne peut s'exercer.
Cass. Civ. I, 18 juillet 2000; 98-20.430; D.2000, I.R. p.219 - R.C. et Assurances, décembre 2000, p.17, note..
Enfin, il résulte de l'article L 376-1 du Code de la Sécurité Socale que le recours des caisses s'exerce sur les sommes allouées à la victime en réparation de la perte d'une chance d'éviter un préjudice corporel, la part d'indemnité de caractère personne étant seule exclue de ce recours.
C.E., 19 mai 2004, 216039; Dalloz 2004, IR, p.1770.