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| موضوع: Derrière le voile de la discorde الخميس يناير 21, 2010 1:41 pm | |
| Derrière le voile de la discorde Qui sont donc les défenseurs du niqab? Alors que la commission parlementaire va rendre ses conclusions, enquête sur ces salafistes, dont l'influence s'étend en France. Une mouvance ultrarigoriste et minoritaire, de plus en plus surveillée.
A l'issue de la prière du Moghrib, au coucher du soleil, une soixantaine d'hommes se dispersent devant la mosquée es-Sunna, boulevard National, à Marseille. Barbus, calotte ou bonnet vissé sur la tête, ils portent sous leur doudoune sportswear le qamis, une tunique tombant au-dessus du mollet. Sur le trottoir d'en face, deux ombres entrent dans un fast-food halal. Deux femmes, entièrement dissimulées sous un ample voile sombre. L'une, gantée de cuir, a rajouté une voilette pour masquer son visage.
Ces fidèles, au look caractéristique, sont des salafistes. Un mot souvent entendu, ces derniers temps, en arrière-plan du débat autour du niqab. Selon les Renseignements généraux, la moitié des femmes adeptes du voile intégral se réclament de ce courant ultra-rigoriste de l'islam importé d'Arabie saoudite. En plus Lire l'interview de Samir Amghar, sociologue spécialiste du salafisme, sur les origines de ce courant radical de l'islam.
Vêtu comme un cheikh de Riyad, encadré de deux traducteurs, Abdelhadi Doudi, l'imam de la mosquée marseillaise "National", n'accepte de parler qu'en arabe. Cet Algérien, qui fut proche d'Ali Belhadj, ancien idéologue du Front islamique du salut (FIS), et de Mustapha Bouyali, fondateur de la première organisation islamiste armée dans le pays, est l'un des importateurs du salafisme en France. Il a connu la prison avant de trouver refuge à Marseille, dans les années 1980. "Le vrai musulman ne peut pas s'écarter des commandements de Dieu, explique-t-il. Si une loi interdit le voile intégral, nous dirons à nos femmes de l'enlever... Malheureusement, beaucoup ne voudront plus sortir de chez elles."
1900 femmes portent le niqab en France
Une loi? La question affole la scène politique. Le 26 janvier, le député André Gérin rend les conclusions de sa mission parlementaire, après six mois d'auditions au pas de charge. Mais que masque réellement ce voile de la discorde? Combien sont-ils en France à promouvoir le niqab, maudissant la mixité et appelant les jeunes à ne pas voter parce que c'est un "péché"? Environ 12 000, selon les derniers chiffres du ministère de l'Intérieur. Sur les 1900 lieux de culte musulman recensés dans l'Hexagone, une cinquantaine serait sous leur coupe, dans Paris et sa banlieue, à Lyon, Roubaix, Grenoble, Pau ou Brest. Au total, 90 imams officieraient dans ces mosquées parfaitement identifiées par les autorités et les fidèles qui les fréquentent. Rapportés aux 5 millions de musulmans "potentiels" vivant dans le pays dont 10% pratiquent régulièrement ces chiffres restent dérisoires. Mais cette mouvance ne comptait qu'un peu plus de 5000 adeptes en 2004, et ils n'étaient que quelques centaines dix ans auparavant.
Les femmes devront "baisser le regard", "éviter toute promiscuité avec les hommes, comme cela se produit dans les salles de cinéma, les universités ou les transports en commun"
Surtout, près de 1900 femmes portent aujourd'hui le niqab. Elles sont jeunes (les trois quarts ont moins de 40 ans), majoritairement françaises et une sur quatre est convertie. Hormis la Corse, toutes les régions sont concernées. Celles qui ne se reconnaissent pas dans le salafisme fréquentent, pour une partie, le tabligh, un mouvement concurrent né en Inde dans les années 1920. Les autres ont adopté le niqab de leur plein gré, se persuadant qu'il est le seul "légitime" lorsque l'on veut vraiment plaire à Allah. Insensiblement, les thèses intégristes gagnent du terrain.
Rue Jean-Pierre-Timbaud à Paris, au coeur du XIe arrondissement. Là même où, le 12 janvier, la comédienne féministe algérienne Rayhana a été agressée et traitée de "mécréante" par deux inconnus. A l'heure des cinq prières, les commerces communautaires baissent le rideau et accrochent une pancarte: "Retour dans 10 minutes". Une dizaine de librairies islamiques proposent des voiles de toutes les longueurs et une foultitude d'ouvrages, en français et en arabe: traités de droit musulman, livres pour enfants niant la théorie de l'évolution, fascicules expliquant comment échapper aux démons ou reconnaître un "mauvais musulman"... En bonne place figurent les manuels du parfait salafiste: Le Licite et l'Illicite en Islam, du prédicateur égyptien Youssef al-Qaradawi, et La Voie du musulman, du théologien algérien Abou Bakr al-Djazaïri. Le béotien y apprend comment se comporter en toute occasion. Pour dormir, "se coucher d'abord sur le côté droit et reposer la tête sur la paume de la main droite". Pendant les repas, "manger à l'aide de trois doigts de la main droite, réduire la bouchée et bien mastiquer". Les femmes devront "baisser le regard", "éviter toute promiscuité avec les hommes, comme cela se produit dans les salles de cinéma, les universités ou les transports en commun". Quant aux mécréants, il convient de "ne pas s'allier ni sympathiser avec eux".
"Je me suis retrouvé au Caire comme hypnotisé"
Cette vision du monde moyenâgeuse, hantée par l'idée du bien et du mal, séduit des jeunes en perte de repères, souvent entraînés par un proche. Yvan est né à Montreuil (Seine-Saint-Denis), il y a vingt-six ans. En 2004, il se convertit dans le sillage de sa soeur (voir l'encadré page 78). "J'étais un garçon réservé", raconte celui qui ne recherchait alors qu'une "voie spirituelle". Mais l'aînée lui dicte ses lectures. A la mosquée, un petit groupe de fidèles en qamis, plus nombreux chaque mois, lui prodigue des "conseils". Leur autorité l'impressionne. Exilée en Egypte, sa soeur lui promet un travail, une vie meilleure et le confie à des "frères bienveillants". "Je me suis retrouvé au Caire comme hypnotisé, à la mosquée cinq fois par jour, barbu et en costume traditionnel", raconte-t-il d'une voix sourde. Il ne sera sauvé que par l'expiration de son visa, en octobre dernier. "Lorsque la religion provoque de l'auto-exclusion et l'exclusion des autres, on peut parler de secte", martèle la sociologue Dounia Bouzar, coauteure du très documenté La République ou la burqa, paru en janvier (Albin Michel). La stratégie des défenseurs du niqab ne fait pour elle aucun doute: "Ce drap noir a au moins le mérite d'être sans ambiguïté sur sa fonction: celle d'être une coupure, une frontière infranchissable." Une fois mis à distance, le monde extérieur n'a plus prise. Des jeunes se mettent à sermonner leur père, refusent d'embrasser leur mère et de parler aux "égarés".
Une radicalité qui joue de la modernité high-tech. A Marseille, un salaf croisé devant la mosquée se vante de sa dernière application iPhone: une boussole indiquant la direction de La Mecque. Au moindre doute sur un point de dogme, on peut aussi consulter par téléphone un théologien saoudien. Sur Internet, des dizaines de forums spécialisés distillent offres d'emploi pour "soeurs pudiques" et annonces matrimoniales. Et, sur Facebook, les groupes salafistes affichent plusieurs milliers de membres.
29 imams radicauxexpulsés depuis 2001
Ce vendredi de janvier, un vent glacial balaie les allées du marché de Saint-Denis. "Il y a dix ans, je sursautais devant le moindre voile, raconte Monique, arrivée dans la ville il y a vingt-cinq ans. Maintenant, je ne les remarque plus." Depuis l'année dernière pourtant, l'ancien coiffeur mixte de l'avenue Carnot n'accepte plus les hommes. Sur sa vitrine, on lit en toutes lettres: "Femmes voilées, salle à l'étage". "Ce sont de très bonnes clientes, très coquettes", affirme la gérante. Plus loin, un concurrent accueille les hommes dans l'avant-salle. Séparées par une vitre, les clientes sont coiffées par des femmes voilées. Et dans les entreprises aussi, la fièvre monte. Récemment, le guichetier d'une banque s'est plaint de voir ses collègues féminines porter des jupes trop courtes. Ailleurs, une cadre d'origine maghrébine raconte que des collègues musulmans lui suggèrent de porter le voile au bureau. "Minées par le chômage et les discriminations, les communautés se sont repliées sur elles-mêmes, observe l'écrivaine d'origine algérienne Djemila Benhabib, réfugiée en France en 1994 et auteure de Ma Vie à contre-Coran (vlb éditeur). Personne n'a mesuré le prosélytisme à l'oeuvre." Sihem Habchi, la présidente de Ni putes ni soumises, cite, elle, l'exemple de sa meilleure amie, qui s'est convertie pour épouser un imam radical. "Elle voulait être respectée. En quelques années, je l'ai vue passer du foulard au niqab."
Avec la montée de l'intégrisme musulman dans le monde, le voile est devenu un emblème politique dont la charge provocatrice est proportionnelle à sa longueur. Il s'inscrit, comme le souligne la sociologue des religions Leïla Babès, "au coeur du dispositif islamiste qui met la femme sous tutelle". Le journaliste algérien Mohamed Sifaoui (Pourquoi l'islamisme séduit-il? Armand Colin) confirme: "Nous sommes engagés malgré nous dans un combat idéologique." De fait, les prêcheurs les plus virulents sont désormais sous surveillance. Depuis 2001, 129 islamistes radicaux, dont 29 imams, la plupart salafistes, se sont fait expulser. Le 10 janvier, l'Egyptien Ali Ibrahim el-Soudany, actif dans plusieurs mosquées parisiennes et en Seine-Saint-Denis, a été renvoyé dans son pays. Cette fois, ce sont des fidèles qui ont dénoncé ce prédicateur haineux appelant au djihad. Preuve que les musulmans de France se sentent les premiers menacés par ces dérives sectaires.
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