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 Droit et morale

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مُساهمةموضوع: Droit et morale   Droit et morale Emptyالأحد نوفمبر 22, 2009 8:45 pm

Droit et morale



LEÇON 1 : DROIT ET MORALE
Pour une première approche : F. TERRÉ, Introduction générale au droit, Dalloz 2000, ns° 10 s.
Pour une étude plus approfondie (indispensable pour ceux qui n’auraient pas suivi le cours), H-L. A. HART, Le Concept de droit, traduit de l’anglais par M. Van de KERCHOVE, Bruxelles FUSL 1976.
Droit = ensemble des règles obligatoires qui organisent la vie entre les hommes, susceptibles d’être imposées par la contrainte.
Morale = principes de jugement et de conduite qui s’imposent à la conscience individuelle ou collective comme fondés sur les impératifs du bien; ensemble de règles, d’obligations, de valeurs.
Pour étudier droit et morale, il faut partir de l’acception commune, c’est-à-dire des règles ou des lois du côté du droit et des valeurs plus ou moins communes à un groupe du côté de la morale. La question que nous allons envisager est celle des rapports du droit positif avec la morale de notre société; plus fondamentalement le rapport entre les notions de droit et de morale, ce qui permettra de préciser leur définition.
Il y a un accord assez général pour relever une proximité globale entre ces deux ordres; pourtant, il est nécessaire de dégager une dissemblance fondamentale sous peine de ne plus comprendre ce que nous faisons en fac de droit.

Section 1 : Une proximité apparente
Proximité apparaît d’abord naturelle : le droit et la morale sont deux moyens de régulation de la société, l’obéissance aux règles permet la coexistence des individus. Il faut donc à la fois que leur contenu soit proche mais également leur structure puisque l’un et l’autre requièrent l’obéissance. Mais comme droit et morale ne sont pas identiques, des contradictions sont inévitables et supposent des moyens de résolution de ces conflits.

Article 1 : Une proximité de contenu
Proximité signifie identités et différences.
1- Les identités
Identités dans exemples traditionnels mais aussi dans évolutions récentes.

a) Les exemples traditionnels

Droit pénal : 5ème commandement du décalogue = « Tu ne tueras pas ». art. L.221-1 C.p. = « Le fait de donner volontairement la mort à autrui constitue un meurtre. Il est puni de trente ans de réclusion criminelle ». Le Code poursuit jusque L.221-5 selon les types d’atteinte à la vie.
Évolution de l’appréhension de l’adultère. 9ème commandement = « Tu ne commettras pas d’adultère ». Le délit d’adultère, était pénalement sanctionné depuis 1810 : il sanctionnait la femme adultère et le mari qui entretient une concubine au domicile ; il a été supprimé par la loi du 11 juil. 1975. Au plan civil, jusqu’à la loi du 7 nov. 1907, il y avait interdiction du mariage avec le ou la complice de l’adultère. Dans le divorce, l’adultère était une cause péremptoire et est devenue cause facultative par la loi du 11 juil. 1975; aujourd’hui, le caractère fautif est parfois discuté. Une dernière sanction, indirecte, résultait de la nullité des libéralités faites en vue d’obtenir ou de faire subsister une relation hors mariage; elle a été abandonnée : Cass. Civ. 1e, 3 fév. 1999.

droit des obligations. Règle morale classique = tenir sa parole; en droit civil art. 1134 C.civ. al. 1 = « Les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites ». Une autre exigence morale est de ne pas nuire à autrui; art. 1382 C.civ. = « Tout fait quelconque de l’homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer ». Exigence morale de bonne foi s’impose de plus en plus en droit.

b) L’importance croissante des droits fondamentaux
Pour des détails, L. FAVOREUX (coordonnateur), Droit des libertés fondamentales, Dalloz 2000, ns° 2 s.
Les droits fondamentaux sont de plus en plus souvent utilisés par les juges pour infléchir l’application de telle ou telle loi; floraison parallèle de chartes : Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (CEDH) 4 nov. 1950 dans le cadre du Conseil de l’Europe, charte européenne des droits fondamentaux 18 déc. 2000 dans le cadre des Communautés européennes.
Les droits fondamentaux sont les droits dont dispose tout individu, qui s’imposent à toutes les instances de régulation sociale comme l’État, et qui assurent donc à cet individu un minimum de liberté ainsi que l’octroi des conditions matérielles et morales minimales pour en jouir.

Historique. Naissance avec siècle des lumières = droits de l’homme (individualisme).
Critique marxiste: droits strictement formels qui permettent maintien domination sur prolétariat et ne profitent donc qu’à minorité; influence du droit par reconnaissance des droits sociaux (lois 3ème République + préambule Constitution 1946).
Troisième mouvement dans retour à individu mais cette fois individu incarné = droit à la différence ou au bonheur.
Importance croissante des droits fondamentaux à cause place Conseil Constitutionnel CEDH.
La reconnaissance de ces droits reste très générale mais entraîne des conséquences très concrètes. Du droit au respect de la vie privée (art. 8 CEDH), la Cour de cassation a dégagé l’admission du transsexualisme: ass. plén. 11 déc. 1992. Du droit à un procès équitable (art. 6 CEDH), la Cour européenne des droits de l’homme a tiré une condamnation du fonctionnement de la Cour de cassation : elle impose la communication des conclusions de l’avocat général aux parties (CEDH 8 juil. 2002 Fontaine). La liberté d’opinion est invoquée dans le débat sur la publicité du tabac, la publicité étant analysée comme l’expression d’une opinion.
Ce ne sont là que des exemples mais il y a de nombreuses applications. Les droits fondamentaux apparaissent un peu comme des valeurs dont le droit s’inspirerait.
Pourtant, au-delà de ces identités, le contenu du droit et de la morale fait aussi parfois apparaître des différences.

2- Les divergences
Les divergences sont tantôt directes, tantôt indirectes.

a) Les contrariétés directes

Droit des obligations. La morale exige de payer ses dettes; le droit connaît des hypothèses dans lesquelles un débiteur est dispenser de payer : prescription, procédure de surendettement et de rétablissement personnel, procédure collective pour les entreprises. La morale impose de réparer les dommages; le droit reconnaît la validité des clauses limitatives de responsabilité.

Droit des personnes. La morale condamne la tromperie amoureuse; le droit est indifférent face à la trahison d’un(e) concubin(e) ou d’un(e) pacsé(e)...

Droit des biens. Par la prescription acquisitive (usucapion), le voleur d’un bien peut en devenir le propriétaire aux termes d’un certain délai.

b) Les dissemblances implicites

Certaines solutions juridiques indifférentes à la morale : rouler à droite, le montant précis d’une amende ou le délai d’une prescription.
Sans être indifférente à la règle juridique, la morale apparaît parfois incertaine, discutée : IVG, vote des femmes, euthanasie (CEDH 29 avr. 2002 Pretty).
A côté de ces connexions de fond, droit et morale ont des points de contact formels tout aussi importants, peut-être plus significatifs.


Article 2 : Une proximité de forme
C’est ici la structure de la règle, qu’elle soit juridique ou morale, qui présente des liens de parenté étroits : l’une et l’autre se composent tout à la fois de l’expression d’un devoir être et d’une sanction.

1- La structure impérative et le devoir être.
Pour des analyses critiques et stimulantes, H. kelsen, Théorie pure du droit (traduit de l’allemand par Charles Eisenmann), Dalloz 1962, ns° 27-28.
Les règles morale comme juridique sont obligatoires, c’est-à-dire qu’elles font appel au sentiment de l’obligation.
Le rapprochement est facile avec l’impératif catégorique de Kant, qui veut que l’on doit se conformer à une règle pour la seule raison qu’on le doit ; toutefois, chez Kant, l’obéissance au droit positif est un impératif hypothétique car intervient la sanction en cas de désobéissance ; nous verrons que l’opposition est beaucoup trop marquée puisque la morale connaît également une sanction et que l’obéissance au droit positif suppose une adhésion à la règle et donc une obéissance à la règle pour elle-même.
Définir l’obligation n’est pas aisée. Elle se distingue de la règle d’habitude : l’une et l’autre font apparaître un comportement régulier mais seule l’obligation donne à l’individu le sentiment de devoir se conformer à ce comportement : c’est la différence entre aller en boîte le samedi soir et assister au cours de théorie générale du droit. Ceci est également important en droit positif car cela permet de distinguer la coutume, juridiquement obligatoire, de l’habitude. HART présente cette particularité de la règle en distinguant ses aspects externe et interne : l’aspect externe consiste dans la généralité du comportement, l’aspect interne dans la dimension critique et réflexive du sujet qui le conduit à accepter la règle.
Pour rendre compte du caractère obligatoire de ces règles, on dit qu’elles sont des normes, c’est le caractère normatif de la règle de droit. Le droit, que l’on situe du côté de la normativité, se trouve ainsi dans le monde du devoir être par opposition à l’être.
Exemple. Si je dis « je dois céder ma place aux personnes âgées dans le métro », je formule une norme, quelque chose qui doit être. Au contraire si je dis que « j’ai cédé ma place à X », je rapporte un fait, quelque chose qui est. La morale et le droit, qui fournissent des prescriptions de comportement, sont donc évidemment des devoir être, des normes. Ce qui relève de l’être fait l’objet de l’étude des sciences, sciences dites dures pour les faits naturels, sociologie pour les faits sociaux.
Cette opposition du devoir être et de l’être est souvent rapportée par les termes allemands, le Sollen et le sein, ces deux verbes renvoyant réciproquement au devoir être et à l’être. On utilise également la distinction du prescriptif et du descriptif. En effet, les normes prescrivent des comportements tandis que les énoncés relatifs aux faits ne constituent qu’une description de la réalité. Une autre distinction est également courante, celle des faits et des valeurs. Les faits se rapportent évidemment à l’être. Quant aux valeurs, elles sont la base des normes : dire qu’il faut céder sa place aux vieilles dames dans le métro suppose une appréciation positive de ce comportement et une appréciation négative du comportement inverse.
Cette distinction de l’être et du devoir être, des faits et des valeurs, a été systématisée par David HUME, philosophe anglais du XVIIIème siècle. Sa démonstration a essentiellement consisté dans la séparation de ces deux sphères. Il a mis en évidence que ces deux domaines étaient séparés, qu’il n’y avait aucun passage de l’un à l’autre. En effet, le simple constat que la plupart des gens laissent leur place aux personnes âgées dans le métro ne constitue pas une base pour conclure que les gens doivent laisser leur place. La simple régularité d’un comportement n’est pas un indice de la valeur positive qui lui est éventuellement attribuée. Par exemple, le fait que la plupart des gens passent devant les clochards sans leur prêter attention ne permet pas de conclure que ce comportement est positif et ne peut donc servir de base à l’énoncé d’une norme qui voudrait qu’on doit passer devant les clochards sans leur prêter attention.
Dans la pensée classique au contraire, l’être et le devoir être n’étaient pas distingués. Les Grecs considéraient en effet que l’un et l’autre étaient entremêlés. D’un côté, l’être est porteur de devoir être puisque, pour eux, la généralité d’une situation ou d’un comportement tend à signifier sa normalité et que de sa normalité découle sa normativité. De l’autre côté, le devoir être, tiré de l’être, est destiné à l’influencer en retour, la normativité ayant logiquement pour effet d’induire des comportements conformes à la norme prescrite.
Aujourd’hui qu’il y a rupture entre l’ordre de l’être et du devoir être, le seul lien qui demeure entre le prescriptif et le descriptif se trouve dans la sanction de la norme Sanction.

2- Le jeu de la sanction
Pour des analyses critiques et stimulantes, H. Kelsen, Théorie pure du droit (traduit de l’allemand par Charles Eisenmann), Dalloz 1962, ns° 34-47.
Les sanctions juridique et morale sont apparemment distinctes mais, en réalité, elles ont des traits communs.

a) La dissemblance des sanctions.

Les sanctions juridiques sont très diverses, beaucoup plus que ce que se représentent les profanes : à côté de la peine du droit pénal, le droit peut condamner une personne à verser des dommages-intérêts. Mais plus encore, la sanction n’est pas toujours une stigmatisation appliquée à une personne, elle peut consister, c’est d’ailleurs le plus fréquent, dans le fait de tirer les conséquences d’une règle juridique. Elle sera alors une nullité (pour un contrat ou un acte administratif), une déclaration d’inconstitutionnalité (pour une loi), d’inopposabilité à telle personne ou tel groupe de personnes (pour un acte juridique)...
Les sanctions morales font apparaître une même diversité. La première sanction qui vient à l’esprit est celle qui se limite au for interne, c’est le remords : à la suite d’un acte moralement répréhensible, notre conscience nous inspire cette sanction que nous nous infligeons nous-mêmes. Mais la sanction morale n’est pas nécessairement exécutée par l’auteur de l’acte immoral lui-même. Il peut également s’agir de réprobation de la part de notre entourage. Si je commets un adultère vis-à-vis de ma concubine (règle morale sans incidence juridique) et que cela se sait, je risque fort de voir nos amis communs et plus encore les siens, peut-être nos familles, me reprocher cette conduite inconstante. Mais le groupe peut manifester sa désapprobation de façon plus énergique, par le rejet par exemple. Ainsi, si un groupe d’étudiants s’organise pour échanger les cours au cas où l’un des membres du groupe sèche une heure, celui qui manquera à sa parole et refusera de fournir un cours sera rapidement rejeté et finalement exclu du groupe.
Il est classique de distinguer la sanction juridique de la sanction morale, d’attribuer à la première un caractère externe, social, tandis qu’à la seconde s’attacherait un caractère purement interne, personnel. Les exemples de sanctions morale et juridique qui précèdent montrent que la distinction est plus complexe puisqu'on trouve des sanctions morales qui relèvent de l’extériorité, du social. Il faut donc chercher ailleurs. Or la seule différence notable tient aux caractéristiques de la force qui transparaît dans toutes ces contraintes ; seules les sanctions juridiques font appel à la force publique, étatique. C’est donc ce caractère étatique qui permet in fine de déterminer si telle ou telle sanction est morale ou juridique.
Dans ces conditions, il apparaît nécessaire de repréciser la définition du droit que nous avons esquissée. Le droit est l’ensemble des règles obligatoires qui organisent la vie entre les hommes, susceptibles d’être imposées par la contrainte étatique.
Mais par-delà cette différence incontestable, droit et morale se rejoignent toutefois dans la sanction puisque celle-ci caractérise l’un et l’autre.

b) L’existence commune d’une sanction

Le sollen, le devoir être, qu’on le comprenne comme obligation morale ou sentiment de l’obligation, ne paraît pas suffisant en pratique. En dépit de toutes les allégations, notamment de la philosophie morale, le seul énoncé d’une règle ou d’un principe moral ne se suffit pas à lui-même dans la réalité sociale. On constate en effet que toutes les règle morales donnent lieu à des sanctions lorsqu’elles sont violées. Et de la sanction à la contrainte il n’y a qu’un pas, la première étant une forme de la seconde. La morale ne peut donc pas s’analyser comme exclusivement intérieure quand le droit serait extérieur ; l’un et l’autre relèvent des deux ordres : d’un côté la morale intègre des éléments d’extériorité à travers sa sanction, de l’autre le droit n’est pas exempt d’intériorité, l’efficacité d’un système juridique ou d’une règle supposant peu ou prou une adhésion globale de ses destinataires.
Les philosophes jusnaturalistes, qui se réclament de l’idée d’un droit naturel, ont particulièrement insisté sur ce lien entre droit et morale, du moins certains d’entre eux. Un des exemples les plus connus est sans doute le texte de Saint-Augustin dans lequel il établit une comparaison entre le brigandage et l’empire romain. Selon ce père de l’Église, ces deux sphères font apparaître un même système à une échelle différente. Le brigand donne des ordres sous la menace d’armes et, globalement, leurs victimes sont tenues de s’y conformer. Pareillement, l’empereur romain, grâce à ses armées, soumet des populations qui doivent lui obéir. Dans l’un et l’autre cas, ce qui manque à ces directives pour être du droit, c’est leur légitimité. Pour qu’il y ait du droit, il faudrait donc non seulement une sanction mais également l’obligation : je suis sous la contrainte du brigand mais j’ai l’obligation d’obéir aux lois.
Les positivistes contestent ces assertions en mettant au second plan cet élément d’obligation, en en faisant une conséquence de la contrainte prolongée par exemple. Quoiqu’il en soit, il y a grossomodo toujours ces deux éléments.
Toutefois, derrière cette opposition entre la priorité accordée à la sanction ou à l’obligation, transparaît une question fondamentale de la théorie du droit jamais résolue : est-ce que le droit est ce qui est sanctionné ou est-ce que l’on sanctionne ce qui est droit ? Ou autrement dit, faut-il définir le droit par sa forme de sanction ou par son contenu ?
Que le droit et la morale aient une structure similaire, ceci ressort de l’exposé précédent. Toutefois, nous avons vu qu’ils présentaient des divergences de fond, parfois importantes. Dans la mesure où un individu est sensé se conformer simultanément à l’une et à l’autre de ces injonctions, il faut déterminer la façon dont on peut résoudre ces contradictions.

Article 3 : Le règlement des contrariétés.
La question de la résolution des contradictions se pose tout à la fois pour le système juridique et pour l’individu.
S’agissant du système juridique, dans la mesure où il se confond avec l’organisation de l'État, il semble évident à première vue qu’il ne peut réagir que par une réaffirmation de sa suprématie en condamnant toute désobéissance, si nécessaire par la force. Pourtant, le refus de toute contestation par l’individu risque de faire glisser dans l’oppression.
Hobbes ne s’y est pas trompé. Quoique sa conception de la vie en société soit centrée sur un état dont la puissance est à la mesure de l’insécurité qui règne dans l’état de nature, ce philosophe maintient un droit inaliénable de l’homme, qu’il ne peut donc concéder à l'État (le Léviathan) auquel il remet pourtant tous ces droits en contre-partie de sa sécurité. Ce droit est le droit de conservation. Or ce droit permet à l’homme non seulement de résister aux agressions dont il pourrait être l’objet (légitime défense) mais en outre de s’opposer à l’exécution des peines que l'État est pourtant fondé à lui infliger lorsqu’il ne respecte pas les lois. Ainsi, même lorsque l'État est un État aux pouvoirs très larges, le citoyen conserve toujours une part de liberté.
Une idée semblable transparaît à travers l’article 2 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen : « Le but de toute association politique est la conservation des droits naturels et imprescriptibles de l'Homme. Ces droits sont la liberté, la propriété, la résistance à l’oppression a donc un statut particulier dans notre droit. Pourtant, si on se replace dans le contexte de la Déclaration, celui-ci se justifiait surtout par une crainte de l’absolutisme royal que la révolution combattait. En outre, en dépit de la Déclaration et des textes juridiques qui ont pu reconnaître ce droit de résistance, celui-ci ne s’est jamais exprimé que par la violence et n’a jamais pu s’imposer que par la force et non par des voies juridiques. L’antinomie entre droit et résistance à l’oppression semble donc bien réapparaître en pratique, même si une conciliation est possible en théorie. La forme de la résistance à l’oppression n’est autre que la révolution.
Pourtant, du côté de l’individu, des personnes ont pu s’opposer à des règles et s’élever contre le pouvoir sans pour autant faire la révolution. L’exemple le plus ancien, le plus emblématique sans doute aussi, est celui d’Antigone, personnage mis en scène dans l’antiquité grecque par Sophocle. A la suite d’une guerre fratricide à Thèbes, Polynis, le frère d’Antigone est vaincu et, ennemi de la ville, toute sépulture lui est refusée par Créon, roi de la cité et oncle de Polynis et Antigone. Face à ce décret, commandement légitime, Antigone se lève et ensevelit le cadavre de son frère. Loin de se soustraire à la justice de son oncle, elle revendique son geste et prétend même être défenseur de la justice opposée au décret injuste, donc invalide, de Créon. Tout l’intérêt de l’acte d’Antigone est qu’elle ne s’oppose pas à Créon par la force mais au nom du droit, essayant tout au long de la pièce de convaincre le peuple thébain. Finalement, la victoire demeure du côté de Créon puisqu’Antigone est emmurée vivante mais son pouvoir ressort affaibli de cette contestation.
C’est là un véritable acte de désobéissance civile, quoique le terme n’existât pas à l’époque. Si cette pratique est rattachée à La Boétie et à son Discours de la servitude volontaire, de façon plus explicite, c’est à Henry David Thoreau que l’on doit l’élaboration du concept. Cet américain du XIXème siècle (1817-1862) prit conscience que, sans participer au gouvernement de son pays, il participait indirectement à toutes les actions que celui-ci commandait par sa qualité de citoyen. Autrement dit, s’il ne faisait rien pour empêcher les actes injustes que les États-Unis accomplissaient, il s’en rendait lui-même coupable. Opposé à la guerre que ceux-ci faisaient alors au Mexique, il décida donc de passer à l’action et refusa de payer ses impôts. Ceci lui valut d’être emprisonné. Sa fin fut moins tragique que celle d’Antigone puisque quelqu’un paya les impôts pour lui et qu’il fut libéré. Il n’en continua pas moins à défendre son point de vue, continuant sa vie quelque peu marginale.
Même individuelle, la désobéissance civile demeure une opposition au système dans la mesure où celui-ci requiert l’obéissance à toutes ses règles. Ce qui fait la particularité de la désobéissance, c’est néanmoins qu’il n’y a pas d’opposition frontale au système mais une contestation plus marginale d’une ou quelques règles de ce système : l’interdiction d’ensevelir Polynis, la décision de faire la guerre au Mexique… De ce point de vue, il faut constater que la désobéissance civile n’est pas nécessairement condamnée à l’échec, il est possible qu’elle aboutisse à une évolution de la règle contestée. Des exemples connus du siècle dernier en fournissent de parfaites illustrations. Dans la lutte pour la décolonisation, Gandhi a été lui aussi un théoricien praticien très connu de la désobéissance civile et a participé à l’indépendance de l’Inde. Martin Luther King aux Etats-Unis a recouru à des méthodes similaires pour lutter contre la ségrégation raciale et, malgré son assassinat, son rôle dans l’évolution des mentalités et du droit est incontesté.
D’autres exemples peuvent être pris en France. La guerre d’Algérie a suscité de fortes contestations du service militaire et les mouvements pacifistes ont incité les hommes à refuser de participer à ces opérations. Malgré les répressions, le mouvement a perduré et a abouti à la reconnaissance de l’objection de conscience, à savoir la possibilité pour tout homme de ne pas effectuer son service militaire en y substituant un service effectué en dehors de l’armée, compensé par une durée double. Pareillement, au début des années 70, des femmes ont revendiqué leur désobéissance à la loi en assumant publiquement le recours à l’avortement, pourtant pénalement sanctionné. Là encore, cela a abouti à la reconnaissance d’un fait justificatif en cas de détresse de la mère, faisant échapper la femme à toute condamnation. Cette reconnaissance de l’interruption volontaire de grossesse ne s’est pas moins accompagnée de l’organisation d’une clause de conscience, permettant aux médecins de refuser de pratiquer cette intervention. Cela a également suscité de nouvelles désobéissances par l’organisation de commandos anti-avortement qui, au nom du droit à la vie, tentent d’empêcher la pratique des IVG.
Par-delà ces exemples, il faut déterminer quelle est la position de principe du système juridique. Le Code pénal atteste qu’une certaine latitude est laissée au sujet de droit. L’article 122-4 du Code pénal dispose en effet que « N’est pas pénalement responsable la personne qui accomplit un acte commandé par l’autorité légitime, sauf si cet acte est manifestement illégal ». Puisque le droit exige une appréhension de la légalité de l’acte par le subordonné lui-même, cela signifie qu’il prend en compte son aptitude à apprécier cette légalité. Toutefois, cette appréciation ne doit pas se faire au regard de la conscience du sujet en cause mais de la légalité, c’est-à-dire notamment des droits fondamentaux reconnus par les textes juridiques en vigueur. En outre, cette latitude laissée au subordonné est à double tranchant : sans doute lui permet-elle de se soustraire à un ordre manifestement illégal (sans quoi il risque d’ailleurs d’être personnellement condamné à raison de cette illégalité comme en atteste les affaires rendues à propos des actes de collaboration de la seconde guerre mondiale), mais elle le conduit à prendre le risque de l’erreur : si l’acte n’était pas manifestement illégal, le subordonné risque d’être sanctionné à raison de sa désobéissance.
En dehors de cette disposition spécifique, le système juridique réaffirme l’illicéité de la désobéissance civile et la répression des désobéissants. En dernier lieu, ce sont les actes de ceux qui se sont auto-désignés comme faucheurs volontaires qui retiennent l’attention des tribunaux. La Cour de cassation a eu l’occasion de le rappeler dans une affaire d'arrachage de riz transgénique le 19 novembre 2002 (Cass. crim. 19 nov. 2002, arrêt n° , Les moyens de défense des prévenus reposaient sur les articles 122-7 du Code pénal et 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales. L’article 122-7 C.pén. exclut la responsabilité pénale de l’auteur d’un délit en cas d’état de nécessité : « N'est pas pénalement responsable la personne qui, face à un danger actuel ou imminent qui menace elle-même, autrui ou un bien, accomplit un acte nécessaire à la sauvegarde de la personne ou du bien, sauf s'il y a disproportion entre les moyens employés et la gravité de la menace. »). Les prévenus faisaient valoir que la culture de plants transgéniques constituaient cette menace. Sans se prononcer sur ce point, la Cour de cassation a considéré que l’état de nécessité n’excluait la responsabilité que lorsque le délit était totalement nécessaire, c’est-à-dire lorsque toutes les voies de droit avaient été utilisées en vain ; or elle estime que dans notre société démocratique il restait possible de recourir à d’autres moyens, comprendre à travers la représentation politique et les canaux médiatiques. L’article 8 CEDH consacre quant à lui le droit au respect de la vie privée mais la Cour européenne des droits de l’homme en a tiré un droit à un environnement sain. La Cour de cassation n’a toutefois pas accepté d’en induire une autorisation de porter atteinte à un autre droit de la CEDH, le respect dû aux biens d’autrui (art. 1er du premier protocole additionnel).
Cette décision nous ramène à une question centrale de la désobéissance civile. En admettant même que le système juridique fasse preuve d’une certaine tolérance vis-à-vis des désobéissants, encore faudrait-il qu’il opère la distinction entre les délits classiques et ceux relevant de la désobéissance civile. Pour déterminer qui est désobéissant civil, on peut se référer dans un premier temps aux critères dégagés par les théories de la désobéissance civile elle-même. On en repère quatre principaux : la désobéissance civile se fait au nom de la conscience qui lui fait rechercher le bien commun par-delà la lettre de la loi, la désobéissance civile revêt un caractère public, la désobéissance civile s’accompagne de la soumission à la sanction, la désobéissance civile vise à concerner un groupe et non une personne individuelle.
La simple existence de conflits entre droit et morale manifeste leurs divergences. Il convient de les préciser et d’en déterminer la nature et l’étendue


Section 2 : La recherche des dissemblances
La distinction la plus classique faite entre droit et morale (non plus simplement entre règles juridiques et morales) se situe au plan de leurs fonctions respectives. Quoique cette distinction recouvre incontestablement une réalité, elle manque au moins pour partie de précision. C’est encore la forme du droit qui nous assurera un critère plus définitif, l’existence au sein du droit de règles secondaires.
Article 1 : Une différence de fonctions
Au regard des fonctions des systèmes juridique et moral, on peut repérer deux tentatives de distinction : d’une part l'opposition entre fonctions individuelle et sociale, d’autre part entre justice générale et particulière.
1- La distinction d’une fonction individuelle et d’une fonction sociale
Les fonctions individuelle et sociale correspondent aux règlements du for interne et externe : droit coordination individus, morale harmonie avec soi-même (morale plus exigeante).
Exemple. La morale est attachée à l’intention tandis que le droit au résultat. La responsabilité requiert un préjudice et va rechercher un responsable s’il veut parvenir à une indemnisation ; la morale apprécie un comportement, voire une intention, qu’il ait causé un dommage ou non. Le droit est insensible au mensonge sauf s’il nuit à autrui. La morale se situe du côté de la charité, le droit de la justice.
Toutefois, ces oppositions, bien réelles, ne doivent pas être exagérées. Le droit se préoccupe parfois d’éléments de l’intériorité : la preuve d’une intention est nécessaire pour de nombreuses infractions pénales, le fondement du droit des contrats demeure la volonté de s’engager. Cette dimension tend même à se développer avec les droits de la personnalité : droit à l’honneur (reconnu même pour les personnes morales), attention à la dignité (utilisé pour sanctionner des atteintes à l’individu). Inversement, nous avons déjà vu que la morale avait des implications sociales.
Finalement, Morale et droit paraissent surtout complémentaires, l’un et l’autre ont l’ambition d’influencer les comportements dans leur sphère respective.
La distinction est plus radicale s’agissant de l’opposition de la justice générale et de la Justice particulière.

2- La distinction de la justice générale et de la justice particulière
Voir avant tout aristote, Éthique à Nicomaque, livre V.
Pour une présentation de la distinction, M. VILLEY, Philosophie du droit, définitions et fins du droit, Dalloz 2001, ns° 30 s.
La paternité de cette distinction revient sans conteste à Aristote. Il l’opère à partir de l’étude du langage courant et des occurrences du mot juste.
Dans un premier sens, est juste celui qui se comporte honorablement, qui respecte les lois, juridiques et morales ; Aristote prend l’exemple d‘Aristide, général athénien qui s’est toujours conduit avec droiture et qui pourtant avait été exclu de la cité et qui était donc parti en exil. Être un homme juste est être homme courageux, droit, honnête. En ce sens, la justice est la somme de toutes les vertus : courage, tempérance, générosité… C’est la Justice générale. A ce stade, il y a encore confusion entre droit et morale. Le Juste est Noé sauvé au moment du Déluge. Sont encore les Justes ceux qui se sont conduits admirablement durant seconde guerre mondiale en sauvant des Juifs.
Mais il existe un second sens dans lequel on parle de juste. Est juste celui qui ne prend pas plus que sa part dans un partage, est juste celui qui ne demande pas plus que la contre-partie de ce qu’il donne (prix juste, taux d’intérêt juste pour le prêt), C’est ici la Justice particulière, proprement juridique.
La Justice générale consiste à se conformer aux vertus, la Justice particulière est d’attribuer à chacun ce qui lui revient : « suum quique tribuere » disaient les romains.
La Justice particulière se subdivise en justice distributive et corrective, d’un côté les échanges (volontaires ou non), de l’autre les répartitions (charges et honneurs). Si ces deux types de justices ont des domaines différents, elles ont aussi des méthodes spécifiques : la justice distributive fait appel à une égalité géométrique (ou proportionnelle) tandis que la justice corrective fait appel à l’égalité arithmétique (ou commutative, égalité stricte).
Ces anciennes analyses trouvent des confirmations dans notre droit positif. La formulation des textes juridiques font apparaître que jamais ils n’indiquent ce qu’il faut faire (ne prescrivent aucun comportement contrairement à ce que l’on affirme communément), ils ne font jamais que tirer les conséquences d’une situation. Exemple. Si une faute a engendré un préjudice, il faut une réparation ; c’est très différent de l’interdiction de causer un dommage. De même, en cas d’irrespect du contrat, on peut demander la fin du contrat. Même en droit pénal, la même structure se retrouve : en cas de crime, une peine est prononcée mais le droit pénal n’interdit formellement aucun comportement, contrairement aux règle morales ou au Décalogue.
Par ailleurs, on retrouve également l’idée d’une justice distributive et commutative. L’attribution de la citoyenneté apparaît bien comme une répartition d’honneurs et de charges : le droit de vote d’un côté, l’obligation de payer ses impôts de l’autre…
Si on met en rapport ces deux aspects de la distinction des fonctions du droit et de la morale, on se rapproche de ce qui caractérise l’un et l’autre. La morale tend à induire des comportements tandis que le droit tend à gérer ces comportements pour maintenir les équilibres sociaux. Ceci rend parfaitement compte du caractère conservateur du droit qui est là pour faire que ce qui existe soit maintenu ; le changement n’est pas le fort du droit, à moins que n’intervienne un changement extérieur qui modifie les équilibres et qu’il faut les rétablir.
Malgré ces différences réelles, le caractère normatif a totalement empreint notre appréhension quotidienne du droit et les règles juridiques sont aujourd’hui utilisées comme moyen d’influencer les comportements et sans doute ont-elles toujours joué, au moins pour partie, ce rôle. Les différences de fonction existent mais correspondent peut-être plus à de divergences de point de vue, de regard, qu’à des différences mesurables.
Une différence dans la structure des ordres juridique et moral est également repérable, plus objective celle-là.


Article 2 : La distinction des ordres moral et juridique : le critère des règles secondaires
Nous avons vu que le droit se caractérisait par une sanction étatique, autrement dit organisée ; la morale de son côté connaît une sanction plus diffuse, au mieux prononcée et exécutée par le groupe mais sans aucune structuration.
Il en va de même pour la création des règles : la création des règles morales est spontanée, aucune modification organisée n’est possible mais seulement une évolution ; il n’y a non plus aucun moyen officiel de connaître la règle morale : l’autorité du pape ne vaut que pour les catholiques, le comité consultatif national d’éthique n’a d’autre pouvoir que celui de son autorité (très limitée) ; cette impossibilité de connaître la morale implique des dissensions sur son contenu.
Le Droit est à l’opposé complet : la création des règles est très encadrée, il existe une possibilité de contrôle de la validité et de leur élaboration et il en va de même pour les jugements. La modification s’opère par un processus clairement défini. Ceci ne fait pas disparaître les discussions sur le sens des règles (HART parlera de leur structure ouverte) mais leur existence est certaine ; on sait ce qui est règle juridique et ce qui ne l’est pas, même les opposants à l’avortement savent ce qu’est la loi positive et ils regrettent simplement son contenu.
Cette spécificité du droit a été construite théoriquement notamment par H.L.A HART, philosophe anglais de la deuxième moitié du XXème siècle. Pour lui, le système juridique connaît deux sortes de règles : d’une part les règles de fond, c’est-à-dire les règles qui imposent des solutions concrètes (les obligations du vendeur, le droit au respect de la vie privée, la prohibition de la consommation de produits stupéfiants…), de l’autre les règles qui définissent les procédures pour adopter ou modifier des règles juridiques (faire la loi, prononcer un jugement, adopter un traité international, modifier la constitution…), Ceci permet de reconnaître quand on est en présence de droit applicable. C’est la distinction des règles primaires et des règles secondaires. La présence des règles secondaires constitue la différence entre l’ordre moral et l’ordre juridique puisque l’ordre moral ne comporte aucune règle secondaire.
HART distingue trois types de règles secondaires. Les règles de reconnaissance sont les règles par lesquelles on détermine si une règle donnée est juridique ou non, c’est ce qui permet de savoir si on est bien en présence de droit. Les règles de changement sont celles qui définissent la procédure à suivre pour modifier une règle juridique existante. Les règles de décision sont celles qui déterminent comment peut être prise une décision de justice, un jugement ; elles fixent les tribunaux compétents et la procédure à suivre devant eux.
Un sort à part doit être fait à la règle ultime de reconnaissance. En effet, une règle de reconnaissance ne permet de déterminer valablement si une autre règle est ou non du droit qu’à la condition d’être elle-même juridique, les règles secondaires doivent aussi être qualifiées de juridiques. Or pour cela il est nécessaire qu’une autre règle existe qui permette de déclarer la règle de reconnaissance comme règle juridique. Ce nécessaire enchaînement nous rapproche de la célèbre question de la norme fondamentale de KELSEN. KELSEN, philosophe autrichien qui a dû émigrer aux États-Unis en raison du nazisme, a établi que le droit fonctionnait sur un mode pyramidal : chaque norme (chaque règle juridique) n’est valable que si elle est conforme à la norme qui lui est supérieure : la loi n’est valable que si elle respecte la Constitution. Or ceci pose la question de la validité de la norme la plus élevée dans un ordre juridique, la Constitution par exemple : à quelle norme la Constitution doit-elle être conforme pour être valable ? KELSEN répond qu’il existe une norme supérieure qu’il appelle la norme fondamentale, norme posée logiquement comme nécessaire à l’édifice tout entier. Le Droit ne repose donc que sur une supposition logique sans laquelle tout s’écroule. HART fait face à la même difficulté mais y apporte une réponse quelque peu différente : la règle ultime de reconnaissance n’est pas une supposition logique. Pour lui, cette règle ultime ne peut se trouver que dans la pratique des sujets de droit ; le respect global des règles juridiques et plus particulièrement de la constitution, notamment par les juristes, les parlementaires, le gouvernement…, atteste qu’il existe une règle qui dispose qu’il faut obéir à la Constitution parce qu’elle est du droit. La règle ultime de reconnaissance perd ainsi le statut logique qu’elle avait chez KELSEN pour acquérir une dimension empirique (plus proche du comportement des individus).
Les règles secondaires encadrent tout processus de création du droit, donc aussi bien les actes publics que les actes privés. C’est ainsi que la conclusion d’un contrat ou la réalisation d’un testament obéit également à des règles d’élaboration. La règle qui prévoit par exemple qu’un testament doit être passé par écrit n’est pas une règle qui prescrit un comportement, personne n’est obligé de faire un testament, c’est une Règle qui permet de savoir si un testament est valable ou non : le testament fait en conformité aux règles secondaires sera du droit et sera donc obligatoire, les autres non.
Aux termes de cette présentation, nous devons conclure que Droit et morale apparaissent proches. Leur distinction n’est même pas admise par tous (exemple des théocraties, autrefois catholiques et aujourd’hui musulmanes). Les critères de la distinction sont encore moins unanimes. Quoiqu’il en soit, notre système juridique, correspondant aux états dits de droit, fonctionnent sur la base de cette distinction. Les critères les plus facilement applicables sont les critères formels, notamment ceux faisant appel à l’état. Toutefois, à regarder la pratique, ils recouvrent des différences de fond, que ce soit dans le contenu des règles ou dans la fonction remplie par l’un et l’autre des ordres, même si ces différences sont plus insaisissables.
L’appréhension de ces différences entre droit et morale est d’autant plus délicate qu’elle ne se fait pas de la même façon par tous les penseurs. L’opposition des théories jusnaturaliste et juspositiviste est de ce point de vue fondamentale.


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مُساهمةموضوع: رد: Droit et morale   Droit et morale Emptyالأحد نوفمبر 22, 2009 8:46 pm


LEÇON 2 : JUSNATURALISME ET JUSPOSITIVISME
Quand on parle du droit, on oublie souvent que le terme est porteur de plusieurs sens : plusieurs conceptions du droit bien-sûr mais aussi, plus radicalement, droit positif ou autre chose, droit objectif ou subjectif. Prises de position sur l’une ou l’autre des définitions suppose, consciemment ou non, adhésion à une analyse du droit, les deux analyses fondatrices sont jusnaturalisme juspositivisme = existence ou inexistence d’une dimension du droit en dehors du droit positif, courants modernes sont basés sur cette opposition.

Section 1 : Le jusnaturalisme
Place à part Platon : monde des idées (allégorie de la caverne), Droit donc à définir comme idée. Se retrouve dans Justice = harmonie, pour société comme homme. Société juste société dans laquelle chaque chose à sa place = les trois ordres ; idem pour homme juste. Lois humaines doivent s’apprécier par rapport à cette Justice, même si Socrate a choisi de se soumettre à décision injuste.
Droit naturel proprement dit immédiatement postérieur = Aristote, redéfini à partir renaissance : c’est opposition droit naturel classique et moderne.

Article 1 : Le droit naturel classique
Relations droit naturel droit positif, fonctionnement du droit, incidences chrétiennes
1- Les relations du droit naturel et du droit positif
Droit naturel = droit tiré de la nature, épistémologie de l’observation : Aristote étudie toutes sociétés humaines, théories politiques variées et non idéal République, intérêt même pour règne animal. Homme animal politique.
Droit naturel pas morale, c’est déjà justice particulière mais pas encore précisée, pas affirmation de solutions opposées ou distinctes du droit positif.
Droit naturel pas opposé à droit positif, en est préfiguration : droit naturel principes orientations trop généraux pour application concrète, faut précision purement humaine.
Lien droit observation vient d’absence distance être devoir être.
Puisqu’aucune rupture droit observation, être devoir être, pas contestation mais légitimation : justification esclavage.
Avantage du défaut = pas principes universels et immuables mais adaptés à société considérée.
2- Le fonctionnement du droit
Y a lois positives qui donnent solutions mais essentiel pas leur respect. Essentiel est justice, particulière, attribue à chacun le sien. Lois sont directives qui cherchent à réaliser droit naturel.
Rôle essentiel juge : celui qui vérifie égalité (géométrique ou arithmétique), se sert des lois mais peut s’en écarter si aboutissent à résultat contraire : pouvoir d’équité.
3- Les incidences chrétiennes
Position chrétienne difficile à définir : grand changement est mise en cause de l’observation puisque vérité vient de Dieu, révélée. Passage de droit naturel à droit divin, écrit dans ancien testament et révisé par message Jésus. On aboutit à commandement de Dieu, droit commence à incorporer obligation. Saint-Augustin, 5ème siècle, dans cette lignée.
Redécouverte Aristote vers XIIIème siècle grâce aux arabes, importance Saint-Thomas d’Aquin. Essaie de concilier connaissance par la révélation et par l’homme : Dieu a mis raison dans chaque homme pour découvrir loi naturelle = droit naturel, foi dans son domaine = salut âme mais pas gestion humaine. Jésus avait refusé de régler une succession entre deux frères : il faut rendre à César ce qui est à César.
Mais évolution à l’œuvre, partiellement à cause idée commandement divin et individualisme chrétien.

Article 2 : Le droit naturel moderne
Respect loi pour elle-même, droit ensemble de droits subjectifs
1- émergence du droit subjectif
Importance grandissante individu : à la marge en Grèce avec sophistes, développement avec christianisme. Dans tradition classique, droit s’intéressait pas à pouvoir des hommes sur choses extérieures, ne faisait que répartir utilités des choses ; exemple au moyen-âge : bois mort forêts, paissage troupeaux, glandage cochons, chasse, bois chauffe, bois construction… Idée d’un pouvoir abstrait sur choses, notamment à occasion querelle des ordres mendiants qui ne voulaient pas être propriétaires. Droit s’est alors défini comme un pouvoir, c’est notre droit subjectif, art. 544 C.civ.
En sont découlés droits naturels, droits attachés à homme, déclaration et toute évolution.
2- émergence du commandement de la loi
Loi divine avait donné idée obéissance loi, développement pouvoir absolu royal parallèle = modification des sources : passage de coutume jurisprudence ou droit romain à ordonnances royales.
Individualisme et primat homme ont donné idée que droit naturel se trouve plus dans nature mais dans raison, homme peut par ses seules facultés, découvrir droit naturel.
Avec XVIIème siècle, idée d’état de nature qu’on aurait quitté pour état civil grâce au contrat social = accord mythique des individus auquel il faut le respect. Le plus loin est HOBBES : homme loup pour l’homme, or premier besoin conservation, faut donc tout lui sacrifier et remettre sa liberté entre mains de celui qui assure sécurité = Léviathan (état). De là obéissance absolue tant que sécurité assurée. C’est porte vers positivisme puisqu’ici loi totalement impérative, on ne s’intéresse plus à recherche Justice.
Droit naturel existe encore mais totalement détaché, au-dessus du droit positif qui doit essayer de s’y conformer, c’est maintenant principes moraux : exemple GROTIUS respecter parole, ne pas nuire, respecter propriété.
Critiques de principes universels alors que solutions positives multiples, droit naturel inutile et faut s’en remettre au droit positif.


Section 2 : Le juspositivisme.
Juspositivistes trait commun = négation droit naturel, droit = droit positif. 2 versants : étude forme du droit = positif, tentative de conserver lien entre droit et monde sans droit naturel = pragmatisme. Courants formaliste et pragmatique.

Article 1 : Les courants formalistes
Courants peu réfléchis en France, pas de grand théoricien du droit. En revanche réalisation juridique considérable et mouvement politique essentiel, traduction théorique = légalisme ; construction plus achevée avec normativisme.
1- Le légalisme.
Philosophie des Lumières et attachement à la loi : méfiance vis-à-vis de tout ce qui est subjectif = juge ou équité, méfiance vis-à-vis de sources qui apparaissent inefficaces (jurisprudence coutume), méfiance vis-à-vis des magistrats (la bouche de la loi). Parallélisme de montée du pouvoir central (royal) et du contrat social qui donne force à loi commune unique dégagée du contrat.
Révolution française et codification. Balayage de l’ordre établi et instauration d’un nouvel ordre possible que par une loi : sources anciennes qu’évolutives donc inadaptées, droit bien d’abord une force puisqu’il doit s’imposer. Code civil un monument : balaie ordre ancien et établit ordre nouveau (véritable Constitution de la France), influence considérable à l’étranger par caractère achevé et produit de cet ordre nouveau de liberté et progrès.
Primat loi et magnificence C.civ. ont produit légalisme = respect absolu loi par tous = ne pas modifier Code ni faire évoluer par juge, je n’enseigne pas le droit civil mais le Code civil. Conséquences dans pouvoir du juge = référé législatif, conséquences chez interprètes loi = exégétisme.
Considérations ici très pratiques, positivisme par mise en avant loi positive mais pas analyse de ce qu’est droit.
2- Le normativisme.
KELSEN plus grande systématisation : droit ensemble de normes juridiques. Normes juridiques distinctes normes morales parce que sanction socialement organisée = étatique. Norme = obligation de faire ou de ne pas faire ou permission, donc trois types norme qui résument tout le droit.
Ouvrage majeur = théorie pure du droit. Pureté car évacue toutes considérations morales : puisque droit distinct morale, juristes doivent étudier que droit, problème moral légitime mais pas pour juriste. Étude des normes et articulation, travail du juriste purement technique.
Articulation des normes par système pyramide : validité norme dépend de sa conformité à norme supérieure, décret loi, loi traités, traités constitution… Problème à cause régression à l’infini, hypothèse norme fondamentale, HART parle règle ultime de reconnaissance.

Place à part pour école historique du droit, SAVIGNY.

Article 2 : Les courants pragmatiques
Utilitarisme positivisme sociologique
1- L’utilitarisme.
Courant essentiel, moins par ses solutions concrètes que par son influence. Représentant fondateur BENTHAM.
Idée qu’homme cherche bonheur = maximisation plaisirs et minimisation souffrances, loi doit œuvrer dans même sens. Révolution est que but plus valeurs éthiques mais utilité, toute morale fondée sur cette utilité. Pour efficacité, BENTHAM partisan codification, nul prophète en son pays.
Influence directe sur conception peine : passage peine rétribution pénale à peine réformation dissuasion. Peine souffrance ne se justifie que si apporte plaisir = bienfaits : empêche nouveaux crimes, améliore individu.
Influence dans toute pensée contemporaine : libéralisme et pensée du marché (homme comportement purement utilitaire, analyse économique du droit), repoussoir pour toutes théories anti-utilitaristes en pays anglo-saxons.
2- Le courant sociologique.
Positivisme vient de Comte = trois états successifs homme : religieux métaphysique positif, état où science explique phénomènes. Pour faits sociaux c’est naissance sociologie, application au droit variée.
Application au droit = étude des régulations sociales, des moyens concrets par lesquels vie sociale organisée, y compris hors l’intervention de l'État : relations de travail, relations de famille, relations entre professionnels (règlement litiges) et consécration juridique. Recours à sondages d’opinion pour préparer réforme législative, discussion autour de valeurs sociales et solutions juridiques : droit doit-il consacrer ou anticiper ? Tenir compte à coup sûr mais consacrer délicat, excision. Toute la difficulté est de trouver fondement au choix puisque disparition droit naturel.
Formes atténuées sociologisme juridique = intérêt pour manifestations extra-étatiques : école du droit libre ou droit vivant, école de la libre recherche scientifique, pluralisme juridique, sociologie juridique discipline accessoire.


Section 3 : Les orientations contemporaines de la théorie juridique
BILLIER Jean-Cassien et MARYIOLI Aglaé, Histoire de la philosophie du droit, Armand Colin 2001.
Article 1 : La théorie de la Justice de John RAWLS
Retour à idée de contrat pour trouver un fondement à redéfinition société juste, notamment pour s’opposer à courants utilitaristes. Utilisation des courants philosophiques contemporains notamment intersubjectivité : idée du voile d’ignorance.
Résultat = grands principes de répartition des richesses, principe que toute modification admissible que si améliore sort des moins favorisés… Critique globale est que, sous couvert redéfinition justice, on arrive à conceptions de nos sociétés démocratiques = légitimation de l’existant.

Article 2 : Le droit naturel de Ronald DWORKIN
Cherche à redonner vigueur à droits subjectifs, droits de l’homme. Très américain car juge au centre de son système : droit comme un roman écrit à plusieurs, recherche de la bonne solution. Si HART avait distingué règles primaires et secondaires, DWORKIN montre que système ne peut se comprendre comme simple ensemble règles, comprend aussi des principes. Rapport avec principes généraux du droit.

Article 3 : Le positivisme critique
Première critique positivisme = Hart. Insertion règles secondaires d’où reconnaissance juridicité droit constitutionnel et international. Limite radicalité KELSEN avec point de vue externe modéré.
Grand défenseur positivisme en France est Michel TROPER, par exemple théorie interprétation comme acte de volonté d’où création règle droit nouvelle.

Article 4 : Le retour au droit naturel français
Michel VILLEY, Christian ATIAS, Alain Sériaux. Critiques radicales de notre droit, conception, création, enseignement.
Droit pas ensemble de règles mais droit recherche de solution = attribuer à chacun ce qui lui revient, règle guide dans cette recherche. Faire du droit ensemble de règle conduit à mauvaises solutions. Droit fondé sur droits subjectifs engendre conflits et particularismes (association défense droits homme soutient écrits pédophiles).
Auteurs réactionnaires : hostiles à modernité, moralement très conservateurs. Critique de droite.

Article 5 : Les courants post-modernes
Dénomination confuse qui regroupe tout ce qu’on ne sait pas trop où classer.
Critique modérée modernité en essayant de revivifier humanisme plutôt que de l’évacuer. Droit bien ensemble de règles mais ensemble complexe. Importance complexité, systématicité intenable, complexité redonne place à acteur juridique pour lui donner sens et vie.
Idée que si droit naturel difficile à recevoir tel quel à cause prétention neutralité droit, n’empêche que valeurs à l’œuvre qui l’animent (un peu principes DWORKIN). Importance accordée à juge, théorie de l’argumentation.
École de Bruxelles avec notamment François OST.

Leçon 3. Droit et équité
Jugement du bon juge MAGNAUD : Tribunal de Château-Thierry, audience du 4 mars 1898
Le Tribunal;
Attendu que la fille Ménard, prévenue de vol, reconnaît avoir pris un pain dans la boutique du boulanger P... qu’elle exprime très sincèrement ses regrets de s’être laissée aller à commettre cet acte;
Attendu que la prévenue a à sa charge un enfant de deux ans, pour lequel personne ne lui vient en aide, et que, depuis un certain temps, elle est sans travail, malgré ses recherches pour s’en procurer; qu’elle est bien notée dans sa commune et passe pour laborieuse et bonne mère ; qu’en ce moment, elle n’a d’autres ressources que le pain de trois kilos et les quatre livres de viande que lui délivre, chaque semaine, le bureau de bienfaisance de Charly, pour elle, sa mère et son enfant;
Attendu qu’au moment où la prévenue a pris un pain chez le boulanger P..., elle n’avait pas d’argent, et que les denrées qu’elle avait reçues étaient épuisées depuis trente-six heures; que, ni elle ni sa mère n’avaient mangé pendant ce laps de temps, laissant pour l’enfant les quelques gouttes de lait qui étaient dans la maison ; qu’il est regrettable que, dans une société bien organisée, un membre de cette société, surtout une mère de famille, puisse manquer de pain autrement que par sa faute; que, lorsqu’une pareille situation se présente, et qu’elle est, comme pour la fille Ménard, très nettement établie, le juge peut et doit interpréter humainement les inflexibles prescriptions de la loi;
Attendu que la misère et la faim sont susceptibles d’enlever à tout être humain une partie de son libre arbitre, et d’amoindrir en lui, dans une certaine mesure, la notion du bien et du mal; qu’un acte ordinairement répréhensible perd beaucoup de son caractère frauduleux, lorsque celui qui le commet n’agit que par l’impérieux besoin de se procurer un aliment de première nécessité, sans lequel la nature se refuse à mettre en oeuvre notre constitution physique; que l’intention frauduleuse est encore bien plus atténuée lorsqu’aux tortures de la faim vient se joindre, comme dans l’espèce, le désir, si naturel chez une mère, de les éviter au jeune enfant dont elle a la charge; qu’il en résulte que tous les caractères de l’appréhension frauduleuse librement et volontairement perpétrée ne se retrouvent pas dans le fait accompli par la fille Ménard, qui s’offre à désintéresser le boulanger P... sur le premier travail qu’elle pourra se procurer; Que si certains états pathologiques, notamment l’état de grossesse, ont souvent permis de relaxer comme irresponsables les auteurs de vols accomplis sans nécessité, cette irresponsabilité doit, à plus forte raison, être admise en faveur de ceux qui n’ont agi sous l’irrésistible impulsion de la faim ; qu’en conséquence il y a lieu de la renvoyer des fins des poursuites.
- Par ces motifs; - Renvoie la fille Ménard des fins des poursuites, etc. ».
Pour en savoir plus sur cette affaire, consulter :
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L’équité doit être définie avant qu’on en étudie les manifestations.
Section 1 : La notion d’équité
Deux conceptions principales de l’équité

Article 1 : L’équité comme morale général
Équité = justice, droit équitable = juste. Ajoute pas grand chose : différence peut-être justice appréciée abstraitement équité concrètement, pour loi ou jugement.
Droit à procès équitable art. 6-1 CEDH : impartialité, droits défense, délai raisonnable, droit à un procès.
Juge doit être équitable : doit-il appliquer loi injuste ? Problème fille Maniot Ménard, mais est-ce loi injuste ou application ? Summum jus summa injuria.

Article 2 : L’équité comme mode d’adaptation
epikeia = application souple de la loi, loi donne injonctions générales mais ne peu prévoir le particulier, rôle du juge. Équité donc réalisation du droit, pas application stricte mais découverte bonne solution dans cas qui se présente. Encore conception common law où juge dit le droit (jurisdictio).
Juger en équité : juge Maniot (pas légal), possible en application NCPC pour litiges dont parties ont libre disposition = statuer en amiable compositeur, principe arbitrage.
Équité traditionnelle dans ancien droit, juges pouvoir plus large, Dieu nous garde de l’équité des parlements. Danger subjectivité d’où bénéfice loi objective, balancier aujourd’hui plutôt du côté du juge, après loi XIXème.

Section 2 : Les manifestations de l’équité
Article 1 : Les pouvoirs d’équité reconnus au juge
Quelques-uns dès 1804 (Portalis) : 565 : Le droit d’accession, quand il a pour objet deux choses mobilières appartenant à deux maîtres différents, est entièrement subordonné aux principes de l’équité naturelle. -2 Les règles suivantes serviront d’exemple au juge pour se déterminer, dans les cas non prévus, suivant les circonstances particulières. Loi confère pouvoirs au juge.
1535 : Les conventions obligent non seulement à ce qui y est exprimé, mais encore à toutes les suites que l’équité, l’usage ou la loi donnent à l’obligation d’après sa nature. Devenu fondement pouvoir créateur juge en matière contractuelle : obligation de sécurité, obligation de renseignement.
Hypothèses se développent cependant : 281 : L’époux aux torts exclusifs de qui le divorce est prononcé n’a droit à aucune prestation compensatoire. -2 Toutefois, il peut obtenir une indemnité à titre exceptionnel, si, compte tenu de la durée de la vie commune et de la collaboration apportée à la profession de l’autre époux, il apparaît manifestement contraire à l’équité de lui refuser toute compensation pécuniaire à la suite du divorce.
815-13 : Lorsqu’un indivisaire a amélioré à ses frais l’état d’un bien indivis, il doit lui en être tenu compte selon l’équité, eu égard à ce dont la valeur du bien se trouve augmentée au temps du partage ou de l’aliénation.
Nombreux exemples indirects : 1244-1 -loi 91) = Toutefois, compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, le juge peut, dans la limite de deux années, reporter ou échelonner le paiement des sommes dues.
1152 : Lorsque la convention porte que celui qui manquera de l’exécuter payera une certaine somme à titre de dommages-intérêts, il ne peut être alloué à l’autre partie une somme plus forte, ni moindre. -2 Néanmoins, le juge peut, même d’office, modérer ou augmenter la peine qui avait été convenue, si elle est manifestement excessive ou dérisoire. Toute stipulation contraire sera réputée non écrite.
Recours de plus en plus fréquents aux notions floues : intérêt de la famille, intérêt de l’entreprise, bonne foi, abus.

Article 2 : Les pouvoirs d’équité conquis par le juge
Pouvoirs d’équité = libertés prises par rapport à règle applicable en dehors de toute autorisation expresse.
Clause abusive : Civ. 1e, 6 déc. 1989 ; protection des professionnels Com. 22 oct. 1996 Chronoposte.
Abus de droit : req. 3 août 1915, Com. 15 janv. 2002 abus dans fixation conditions vente (Masda).
Limite est interdiction arrêts règlement art. 4 C.civ. Atténuations en droit public, aussi en droit privé où on peut se demander si jurisprudence pas règle de droit.


LEÇON 4 : LE LANGAGE DU DROIT.
Possible comparaison langage et droit : langage présente des aspects normatifs (règles grammaire, tentative de contrôle étatique du langage), droit peut être aussi vivant que langage (école historique du droit). Importance de la compréhension du langage juridique : dans les années 70 réflexion sur la vulgarisation du droit, aujourd’hui plutôt accessibilité et intelligibilité contrôlées notamment par Conseil constitutionnel. Actualité par problème harmonisation des droits et incidence du langage sur raisonnement juridique et solutions pratiques.
Langage juridique présente particularités intrinsèques et à travers ses fonctions.


Section 1 : Les spécificités intrinsèques du langage juridique
Spécificités par rapport au langage ordinaire, absence d’unité interne du langage juridique.

Article 1 : L’autonomie du langage juridique
Autonomie lexicale : mots du langage courant (ex. mariage), lexique spécifique (ex. usucapion), lexique courant à connotation juridique = polysémie externe (ex. absence, Izorche Pierre et Paul échangent ce stylo), encore polysémie interne (ex. acte).
Particularités grammaticales : absence de l’impératif, emploi de l’indicatif ou du futur, fréquence de la forme impersonnelle...
Importance actuelle du langage usité : Cons. Constit., 16 déc. 1999 : accessibilité et intelligibilité de la loi objectifs à valeur constitutionnelle. Cour EDH dit, depuis 1990, loi doit être accessible et prévisible. Intelligibilité = pas incompréhensible par destinataire d’une intelligence moyenne.
Article 2 : La diversité des langages juridiques
langage législatif = édiction de règles juridiques : définitions, règles de conduite modèles de comportement, règles procédurales... Fréquence des termes généraux = tout, chacun, forme impersonnelle (voie passive, pronom indéfini).
Langage judiciaire : distinction dispositif motifs. Motifs = exposition de faits (abstraction par Sieur Dame), énoncé de règles (discours législatif). Dispositif = attribution ou commandement, plus impersonnel. Spécificité française = unité de la décision (une seule phrase, un seul locuteur).
Discours rhétorique des avocats.
Discours pratique des contrats : abstraction.

Section 2 : Les fonctions spécifiques du langage juridique
Article 1 : La normativité en question
Droit ensemble de normes mais langage juridique pas sous cette forme = jamais impératif et peu de foncteurs déontiques (obligatoire interdit autorisé).
Possible traduction déontique discours juridiques : législateur ordonne au juge, juge ordonne à police... Futur signifie souvent obligation, indicatif n’empêche pas emploi foncteurs déontiques.
Pourquoi traduire ? Si droit a pas forme normative, ça a du sens : droit pas normatif, dit le juste, le plus typique est jugement qui a valeur attributive.
Si droit pas que normes, y a des normes : pas système de normes mais système normatif.

Article 2 : les jeux de la performativité
Quand dire c’est faire : baptiser un bateau. Distinction du performatif et du constatif. Constatif en termes de vérité mais performativité succès.
Performatif met en jeu règles institutionnelles sans respect desquelles ne peut y avoir succès.
Idem droit. Actes juridiques sont des actes performatifs car ils font automatiquement advenir un état de choses : si je passe un contrat de vente, la propriété de la chose vendue est transférée par le seul échange des consentements, si je passe un contrat de location je suis immédiatement obligé de payer les loyers. Le succès de l’acte juridique dépend du respect des formalités prévues pour l’acte, comme pour l’acte performatif : si ce n’est pas le maire qui prononce la formule sacramentelle le mariage n’est pas formé.
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