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 Conditions dans lesquelles l'employeur peut changer les conditions de travail d'un salariéL'étendue du pouvoir de l'employeur pour modifier les conditions de travail, et l'incidence pour un salarié de refuser un changement d'affectation.

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L'étendue du pouvoir de l'employeur pour modifier les conditions de travail, et l'incidence pour un salarié de refuser un changement d'affectation.


Cass / Soc - 13 novembre 2008 - Cassation partielle sans renvoi
Numéro de Pourvoi : 06-46306
Résumé express :
Par cet arrêt, la Cour de cassation précise d'une part, que l'employeur peut dans le cadre de son pouvoir de direction, changer les conditions de travail d'un salarié, la circonstance que certaines tâches données à un salarié soient différentes de celles qu'il exécutait antérieurement, dès l'instant où elles correspondent à sa qualification, ne caractérisant pas une modification du contrat de travail, et d'autre part, que le refus par une salariée d'un changement de ses conditions de travail, s'il rend son licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse, ne constitue pas à lui seul une faute grave.


Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme X... a été engagée le 9 octobre 1978 en qualité de "serveuse cafétéria", par la société C2R, aux droits de laquelle se trouve la société Score services ; qu'exerçant en dernier lieu, sur le site du restaurant interentreprises Maillot-Malakoff, des fonctions de "responsable de cafétéria" et classée au niveau II, échelon B, de la grille de classification de la convention collective nationale du personnel des entreprises de restauration de collectivités du 20 juin 1983, elle a refusé les deux affectations successivement proposées par l'employeur dans deux autres restaurants qu'il gérait, au motif que le poste offert "d'hôtesse-caissière", emportait modification de son contrat de travail ; que licenciée pour faute grave, par lettre recommandée du 16 avril 2003 lui reprochant d'avoir été absente sans motif du 27 février au 7 avril 2003, malgré deux mises en demeure à rejoindre son poste, elle a saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes au titre de la rupture de son contrat de travail ;

Sur le premier moyen :

Attendu que la salariée fait grief à l‘arrêt de l'avoir déboutée de toutes ses demandes, alors, selon le moyen, que constitue une sanction toute mesure autre que des observations verbales, prises par l'employeur à la suite d'un agissement du salarié considéré par lui comme fautif, que cette mesure soit de nature à affecter immédiatement ou non la présence du salarié dans l'entreprise, sa fonction, sa carrière ou sa rémunération ; qu'en l'état des termes de la lettre du 27 septembre 2002, selon lesquels "Comme je vous le rappelais, notre client nous a alerté à plusieurs reprises sur la qualité de notre prestation à la cafétéria dont vous êtes à ce jour la responsable. Il nous a même signifié son mécontentement dans un récent courrier dans lequel il mettait en avant "la dérive qualitative concernant le personnel de la cafétéria". Votre hiérarchie a déjà eu l'occasion à plusieurs reprises de faire le point de la situation avec vous. Nous avons longuement discuté du comportement de plus en plus laxiste de l'équipe de la cafétéria, du mauvais esprit qui parfois s'en dégageait, en somme de l'équipe que vous aviez du mal à contenir" d'où il ressortait que le changement d'affectation décidé par l'employeur était consécutif au "mécontentement" exprimé par le client et motivé par le fait que l'exposante ne parvenait pas "à contenir" l'équipe de la cafétéria dont elle avait la responsabilité laquelle en conséquence faisait preuve de "mauvais esprit", de "laxisme" et d'une "dérive qualitative", la cour d'appel qui retient que la nouvelle affectation de l'exposante n'était pas une sanction prise à son encontre "mais la simple mise en oeuvre de la clause de mobilité" a violé les dispositions de l'article L122-40 du code du travail ;

Mais attendu que la cour d'appel a relevé que l'employeur, soucieux de la qualité du service rendu, avait décidé, afin de "redynamiser" l'équipe du personnel de la cafétéria, de mettre en oeuvre, sans abus de sa part, la clause de mobilité figurant dans le contrat de travail de la salariée en lui proposant, à niveau égal de qualification et de rémunération, de l'affecter sur un nouveau site de travail plus proche de son domicile ; qu'elle en a exactement déduit que cette décision qui entrait dans les prérogatives normales de l'employeur exerçant son pouvoir de direction dans l'intérêt de l'entreprise, n'était pas une mesure disciplinaire ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le deuxième moyen :

Attendu que la salariée reproche également à la cour d'appel d'avoir statué comme elle l'a fait, alors, selon le moyen :

1) - Que pour retenir que le changement d'affectation de l'exposante, décidé par l'employeur, n'établissait pas de déqualification et partant que le refus opposé par l'exposante, ayant près de vingt-cinq années d'ancienneté dans l'entreprise, de rejoindre sa nouvelle affectation constituait une faute grave, la cour d'appel qui affirme "qu'il n'est pas contesté qu'un poste, aux responsabilités équivalentes, de caissière principale polyvalente avec la cafétéria lui a sérieusement été proposé au restaurant River Seine à Suresnes " cependant que, dans ses conclusions d'appel, l'exposante avait au contraire très précisément fait valoir et exposé les raisons pour lesquelles le poste imposé par l'employeur dans sa lettre du 27 septembre 2002, qui consistait "en bout de chaîne à enregistrer les consommations et recevoir les paiements" impliquait des tâches et des responsabilités bien moindres de celles qui lui étaient confiées auparavant en tant que "responsable de la cafétéria du complexe Maillot Malakoff" et entraînait une déqualification et la modification de son emploi a méconnu les termes du litige dont elle était saisie en violation des articles 4 et 5 du code de procédure civile ;

2) - Qu'en l'état des termes clairs et précis de la lettre de l'employeur du 27 septembre 2002 selon lesquels "dans les jours prochains, vous serez affectée en tant qu'hôtesse-caissière sur le restaurant River Seine 4312 à Suresnes", la cour d'appel qui retient qu'"il n'est pas contesté qu'un poste, aux responsabilités équivalentes de caissière principale polyvalente avec la cafétéria lui a sérieusement été proposé au restaurant River Seine à Suresnes" a dénaturé cette lettre d'où il ressortait que ce n'était pas un poste de "caissière principale polyvalente" qui était proposé à l'exposante mais un poste "d'hôtesse-caissière" et a violé les dispositions des articles 1134 du code civil et 4 du code de procédure civile ;

3) - Que la contradiction de motifs équivaut à son absence ; que pour retenir que le changement d'affectation de l'exposante, décidé par l'employeur, n'établissait pas de déqualification et partant que le refus opposé par l'exposante, ayant près de vingt-cinq années d'ancienneté dans l'entreprise, de rejoindre sa nouvelle affectation constituait une faute grave, la cour d'appel qui affirme tour à tour que la comparaison des tâches attachées au poste de responsable de cafétéria avec celles relevant de "la nouvelle affectation au poste d'hôtesse d'accueil" n'établit pas de déqualification puis qu'"il n'est pas contesté qu'un poste, aux responsabilités équivalentes, de caissière principale polyvalente avec la cafétéria" lui a été sérieusement proposé, s'est prononcée par des motifs contradictoires quant au poste sur lequel l'exposante était nouvellement affectée et a violé les dispositions de l'article 455 du code de procédure civile ;

4) - Que pour exclure la déqualification invoquée par l'exposante et retenir que son refus de rejoindre sa nouvelle affectation le 27 février 2003 était constitutive d'une faute grave, la cour d'appel qui énonce que si "le travail de responsable cafétéria pouvait apparaître plus intéressant dans la mesure où l'intéressée assurait aussi le planning du personnel, l'employeur s'était engagé expressément à l'affecter sur un poste de responsable de cafétéria dès que ce poste serait disponible", s'est prononcée par un motif totalement inopérant comme insusceptible d'exclure la déqualification et partant de faire dégénérer en faute grave le refus opposé par l'exposante de rejoindre sa nouvelle affectation et n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles L122-14-3, L122-6 et L122-9 du code du travail et 1134 du code civil ;

5) - Qu'en tout état de cause la modification du contrat de travail implique l'accord du salarié ; que c'est au regard des fonctions réellement exercées par le salarié dans l'emploi précédemment occupé que doit être apprécié si le changement d'affectation décidé par l'employeur caractérise une modification du contrat de travail imposant par-là même l'accord du salarié ; qu'en se bornant à affirmer que si "le travail de responsable cafétéria pouvait apparaître plus intéressant dans la mesure où l'intéressée assurait aussi le planning du personnel... il n'est pas contesté qu'un poste, aux responsabilités équivalentes, de caissière principale polyvalente avec la cafétéria, lui a sérieusement été proposé au restaurait River Seine à Suresnes" et que "le niveau de qualification et de rémunération était inchangé", sans nullement rechercher ni préciser, ainsi qu'elle y était pourtant invitée, si au regard des fonctions réellement exercées par l'exposante dans son précédent emploi de "responsable cafétéria", la nouvelle affectation décidée par l'employeur ne caractérisait pas, en l'état des fonctions relevant de ce nouvel emploi, une modification du contrat de travail comme affectant la nature et l'importance des fonctions, des tâches et des responsabilités dévolues au salarié, a privé sa décision de toute base légale au regard au regard des articles L122-14-3, L122-6 et L122-9 du code du travail et 1134 du code civil ;

Mais attendu, d'abord, que selon la convention collective nationale du personnel des entreprises de restauration de collectivités, l'hôtesse de caisse de niveau II, échelon B, qui procède aux encaissements et contrôle leur régularité, doit accueillir le client et peut, sous contrôle hiérarchique, animer une équipe ; ensuite que l'employeur, dans le cadre de son pouvoir de direction, peut changer les conditions de travail d'un salarié, la circonstance que certaines tâches données à un salarié soient différentes de celles qu'il exécutait antérieurement, dès l'instant où elles correspondent à sa qualification, ne caractérisant pas une modification du contrat de travail ;

Et attendu qu'appréciant les éléments de fait qui lui étaient soumis, la cour d'appel, après avoir constaté que les fonctions de responsable de caisse et du dépôt de fonds en banque, de planning et de l'organisation du travail de sept serveuses exercées par la salariée au complexe Maillot-Malakoff ne relevaient pas du niveau III de la grille de classification de la convention collective mais que ses activités classées au niveau II, échelon B, s'apparentaient davantage son poste à celui d'hôtesse de caisse tel que décrit par la fiche de fonction de l'annexe 4 de la convention collective, a retenu que la comparaison des tâches attachées au poste de responsable de la cafétéria, même si celles-ci pouvaient apparaître plus intéressantes, avec celles relevant de sa nouvelle affectation au poste d'hôtesse d'accueil, n'établissait pas de déqualification, les deux postes supposant accueil du client et encaissement ; que, n'étant pas tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, elle a pu décider, abstraction faite des motifs inopérants et surabondants successivement critiqués par les deuxième et quatrième branche, que le contrat de travail de Mme X... n'avait pas été modifié, de sorte que l'accord de la salariée à sa mutation n'était pas requis ;

D'où il suit que le moyen ne peut être accueilli ;

Mais sur le troisième moyen :

Vu les articles L122-6 et L122-9, devenus L1234-1 et L1234-9 du code du travail ;

Attendu que pour débouter Mme X... de ses demandes d'indemnités de rupture, l'arrêt retient que son refus de rejoindre sa nouvelle affectation le 27 février 2003, alors qu'elle en était avisée depuis septembre 2002 et après l'envoi de deux mises en demeure de reprendre le travail le 27 février 2003, justifiait le licenciement et rendait immédiatement impossible la poursuite des relations contractuelles, malgré sa grande ancienneté au sein de la société ;

Attendu cependant que le refus par une salariée d'un changement de ses conditions de travail, s'il rend son licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse, ne constitue pas à lui seul une faute grave ;

Qu'en statuant ainsi, alors que si le refus de la salariée de poursuivre l'exécution du contrat en raison non d'une modification du contrat mais d'un simple changement des conditions de travail décidé par l'employeur dans l'exercice de son pouvoir de direction était fautif, ce refus manifesté par une salariée qui avait une ancienneté de près de 25 années dans l'entreprise, n'était pas constitutif d'une faute grave, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

Et attendu qu'il n'y a pas lieu à renvoi du chef faisant l'objet de la cassation, la Cour de cassation étant en mesure de donner au litige sur ce point la solution appropriée en application de l'article 627, alinéa 2, du code de procédure civile ;

Par ces motifs : Casse et annule, mais seulement en ce qui concerne les demandes de la salariée à titre d'indemnité de préavis, de congés payés sur préavis et d'indemnité de licenciement, l'arrêt rendu le 16 octobre 2006, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;
Dit n'y avoir lieu à renvoi ;
Confirme le jugement du conseil de prud'hommes de Paris en ce qu'il a condamné la société Score services à payer à Mme X... des sommes à titre d'indemnité de préavis, de congés payés afférents et d'indemnité de licenciement ;

Mme Mazars, conseiller faisant fonction de Président
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Par un arrêt du 13 novembre 2008, la Cour de cassation s'est prononcée sur l'étendue du pouvoir de direction de l'employeur, mais aussi sur le changement des conditions de travail, et l'incidence pour un salarié de refuser un changement d'affectation.
La Cour a considéré que l'employeur, soucieux de la qualité du service rendu, pouvait afin de redynamiser l'équipe, mettre en oeuvre, sans abus de sa part, la clause de mobilité figurant dans le contrat de travail d'un salarié en lui proposant, à niveau égal de qualification et de rémunération, de l'affecter sur un nouveau site de travail plus proche de son domicile. Cette décision qui entre dans les prérogatives normales de l'employeur exerçant son pouvoir de direction dans l'intérêt de l'entreprise, n'est pas considéré comme une mesure disciplinaire.
La Cour précise également que "la circonstance que certaines tâches données à un salarié soient différentes de celles qu'il exécutait antérieurement", ne caractérisant pas une modification du contrat de travail dès l'instant où elles correspondent à sa qualification. Le salarié ne peut donc pas invoquer sa "déqualification" au motif que la nouvelle affectation implique l'accomplissement de tâches qu'il estime moins intéressantes.
S'agissant du licenciement, la Cour retient que si le refus par un salarié d'un changement de ses conditions de travail, rend son licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse, il ne constitue pas pour autant à lui seul une faute grave. Le refus manifesté par une salariée qui avait une ancienneté de près de 25 années dans l'entreprise, de se rendre sur son nouveau lieu de travail, n'est donc pas constitutif d'une faute grave.
Ici, la Cour approuve les juges du Conseil des prud'hommes qui avaient statué en ce sens. Pour différencier une simple faute, d'une faute grave (privant le salarié d'indemnité de préavis, de congés payés sur préavis et d'indemnité de licenciement), la Cour tient compte de l'ancienneté du salarié dans l'entreprise. Celle-ci peut donc atténuer la faute commise par le salarié qui a refusé la mutation ne nécessitant pas son accord préalable.
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