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 L'ETHIQUE DES PROFESSIONNELS DU DROIT par Rodolphe MORISSETTE*

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مُساهمةموضوع: L'ETHIQUE DES PROFESSIONNELS DU DROIT par Rodolphe MORISSETTE*   L'ETHIQUE DES PROFESSIONNELS DU DROIT par Rodolphe MORISSETTE* Emptyالثلاثاء مارس 16, 2010 4:16 pm

L'ETHIQUE DES PROFESSIONNELS DU DROIT
par Rodolphe MORISSETTE*


Mal adaptée à la société moderne, l'action des professionnels du droit dans la vie sociale a aujourd'hui un urgent besoin d'être renouvelée à la lumière d'une réflexion éthique sur la parole et sur les lieux principaux du mensonge, dont le discours idéologique et le discours rhétorique


TABLE DES MATIERES
Introduction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 369
I. Des «théories» qui masquent des faiblesses . . . . . . . . . . . . . . . . 370 Un discours de structure idéologique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 372 La morale et les groupes d'intérêts . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 374
II. L'éthique et le recours problématique au discours rhétorique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 375 Les risques du discours rhétorique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 378
III. Les difficultés d'adaptation de l'appareil judiciaire . . . . . . . . 381
Conclusion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 384

(1994) 24 R.D.U.S. L'éthique des professionnels du droit 369
Introduction
Aborder sérieusement aujourd'hui le problème de l'éthique des professionnels du droit, c'est attaquer d'entrée la question du mensonge.
Dans le contexte d'une complexité croissante de la vie sociale, où tout devient politique, la classe juridique se trouve facilement contaminée par les vieux réflexes de la classe politique. Or, le caractère contingent de la matière politique ouvre toute grande la porte à l'art de tromper : grâce à une imagination toujours furibonde, en recourant aux fabricants d'image et aux gourous du problem-solving management, les politiques montrent une aptitude significative à nier les faits, sinon à les modifier, et à composer pour l'opinion publique un réarrangement de la réalité susceptible d'être «acheté» par une société devenue essentiellement consommatrice.
La classe juridique — ou les professionnels du droit : juges, avocats et responsables gouvernementaux de la Justice —, qui oeuvre quotidiennement sur une matière qui n'est pas plus porteuse de vérités nécessaires et éternelles que la politique, tend à se révéler de plus en plus polluée par cette tendance si facile à tromper à laquelle nous ont habitués les politiques.
Attaquer la question de l'éthique des professionnels du droit par le biais du mensonge, c'est avoir le courage d'aller au delà de la sphère de la déontologie et des «codes d'éthique», au delà des coutumes et des habitudes, afin d'examiner les attitudes, cette sphère intérieure que l'on se montre plus réticent à explorer ou à découvrir.
Le contexte étymologique du terme «éthique», lequel dérive du grec
, traduit en effet une distinction qu'il importe de ne pas oublier. Son sens à la fois primitif et premier, antérieur à l'époque des premiers philosophes grecs, évoque le «séjour habituel ou accoutumé». Le sens de l'«habitude», de la «coutume» ou des «moeurs» est un sens dérivé, qui passe de l'«habitat/«habitation» à l'«habitude» pour désigner non plus seulement un «séjour», mais une manière d'être.
L'histoire étonnante du mot «éthique» traduit une perception fondamentale, existentielle : les coutumes, les moeurs, les habitudes qui

370 L'éthique des professionnels du droit (1994) 24 R.D.U.S.
1composent la conduite sont fondamentalement comme quelque chose qu'on habite, comme un habit qui donne une certaine tenue, qui révèle une certaine manière d'être. L'éthique ou l' , c'est, plus que des règles assurant une certaine tenue, des attitudes à l'intérieur desquelles on «séjourne». Ce «séjour», c'est le lieu dans lequel l'homme vit, où il se fixe; c'est un port d'attache, un point d'ancrage, un toit, un abri, un refuge, un lieu où l'on se chauffe... C'est dans l'éthique que se pense le séjour de l'homme, comme le suggère Heidegger, dans la Lettre sur l'humanisme. C'est dans l'éthique que l'homme pense son propre séjour et les manières d'être conformes à son essence.
2Or, la manière dont les professionnels du droit pensent leur présence et leur action dans la vie sociale soulève des difficultés de fond à trois points de vue : d'abord, le discours de la classe juridique sur elle-même est fortement idéologique; ensuite, il accuse un recours problématique au discours rhétorique; enfin, répugnant toujours, trente ans plus tard, à opérer même sa Révolution tranquille, la profession et l'appareil judiciaire s'adaptent mal à la société moderne. Voilà les trois lieux, on l'a souligné récemment à propos de la magistrature, où s'infiltre le mensonge.
I. Des «théories» qui masquent des faiblesses
Grâce à un travail plus appliqué de la presse, le public connaît depuis quelques années un certain nombre d'accrocs successifs et sérieux à l'éthique chez les juges et les avocats. Si bien des citoyens estiment que le Barreau se traîne encore les pieds en matière disciplinaire, il faut néanmoins reconnaître qu'il est plus vigilant qu'il ne l'était.
Les accrocs récents et connus à l'éthique parmi les juges ont ceci de particulier qu'ils ne traduisent pas simplement ce qu'on peut appeler de la faiblesse humaine. Ils sont souvent justifiés, chez les juges, par des théories fumeuses, par des concepts non critiqués.
1. Voir Martin HEIDEGGER, Lettre sur l'humanisme, traduit et présenté par Roger Munier, Paris, Aubier-Montaigne, 1964, pp. 139-153.
2. Voir Rodolphe MORISSETTE, Les juges, quand éclatent les mythes. Une radiographie de la crise, Montréal, VLB Editeur, 1994.

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Evoquons quelques «faiblesses» bien connues. L'état d'ivresse au moment où l'on instruit une affaire. S'offrir une petite gâterie dans une maison de débauche. La paresse dans le délibéré, qui met des années avant de rendre jugement. La complaisance dans l'attention aux caprices des avocats, etc.
En parallèle, voici quelques justifications théoriques. Au nom de la mystérieuse «indépendance judiciaire», le ministre de la Justice du Québec n'a jamais réagi, et pendant plusieurs années, à la plainte qu'avait portée un procureur de la Couronne du fait qu'un juge avait instruit en état avancé d'ivresse une affaire d'agression sexuelle. Et le même Procureur général a attendu que la presse, plusieurs mois après le fait, ébruite la chose, pour porter une accusation contre le même juge, qui, cette fois, était passé dans une maison de débauche. Voilà du cover-up.
3Après avoir révélé le fait qu'une dizaine de juges de la Cour supé-rieure se traînaient scandaleusement les pieds à délibérer sur des affaires qu'ils avaient le devoir de trancher — des juges qui n'ont jamais fait l'objet de plaintes disciplinaires —, la presse à réclamé de voir la liste, confectionnée et tenue à jour par les fonctionnaires de l'Etat, des causes prises en délibéré. Les juges en chef s'y sont opposés, au nom de l'«indépendance judiciaire». Et maintenant que ce prétexte fumeux a été dénoncé, les juges en chef avancent un nouvel argument : comme la liste pourrait contenir des erreurs, mieux vaut ne point la rendre publique. Voilà qui légitime en quelque sorte la paresse en la dissimulant derrière des principes douteux.
Au nom de l'indépendance judiciaire encore, on s'applique à masquer une cupidité bien terre-à-terre de gens qui préfèrent ne point payer leurs frais de stationnement ou qui réclament la parité salariale d'une cour à l'autre sans même se demander si tout le monde accomplit le même genre de tâches.
Autre exemple : un représentant de la direction de la Cour supérieure a répété sur toutes les tribunes qu'il était en désaccord avec l'idée que d'aménager, dans le régime déontologique des juges, des sanctions intermédiaires entre la
3. C'est l'argument qu'avançaient les juges en chef Pierre A. Michaud (Cour d'appel du Québec) et Albert Gobeil (Cour du Québec), invités par la Fédération professionnelle des journalistes du Québec, en congrès à Sherbrooke, à donner leurs points de vue au cours d'un atelier tenu le 12 novembre dernier.

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simple réprimande et la requête en destitution que prévoit, seules, le régime actuel. On estime en effet qu'une sanction intermédiaire pourrait ruiner la crédibilité des juges ainsi punis. Quand on sait que tous les juges nommés par le fédéral ont un régime déontologique totalement secret, on peut se demander à quoi riment de tels arguments.
Il étonne aussi au plus haut point, le principe énoncé publiquement en février 1994 par le président de la Conférence canadienne des juges et juge de la Cour d'appel, M. André Brossard, que les médias et les groupes de pression devraient se garder de trop critiquer les décisions judiciaires afin de préserver le principe de l'indépendance judiciaire et la précieuse sérénité des juges.
Enfin, la croisade récente en faveur de l'indépendance judiciaire tous azimuts, face au pouvoir politique, fait sourire quand on constate l'empressement qu'on montre, par contraste, à mettre ce principe sous le boisseau quand on cherche à se faire soi-même nommer juge ou à nommer des magis-trats. Les sous-ministres fidèles au régime, les organisateurs régionaux qui ont bien servi le parti, les députés qui ont fait leur temps ne manquent pas, auxquels on a servi la magistrature comme une «récompense».
Les citoyens sont en droit de se demander quels sont les critères qu'on pratique pour nommer des juges, quand on songe qu'il y a quelques années, une grosse cour municipale comme celle de Montréal, qui compte une douzaine de magistrats permanents et qui s'occupe en exclusivité de droit criminel et pénal, n'avait pas un seul juge qui avait eu comme avocat quelque expérience de ces secteurs du droit.
Un discours de structure idéologique
Perce manifestement, au delà des simples écarts dus à la «faiblesse humaine», un discours de structure idéologique qui soulève un grave problème éthique.
Une idéologie est une structure intellectuelle qui a l'apparence d'une rationalisation, mais qui est portée par des raisonnements tronqués. Elle n'a de scientifique que l'apparence, car elle traduit, en logique, un passage indû du particulier à l'universel. Voici en effet une conclusion intéressée, qui masque des

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préjugés ou des illusions. L'idéologie traduit et reflète au fond une pratique qui la précède et elle a elle-même une visée essentiellement pratique. L'idéologie a toujours une fonction de justification. Et d'abord, elle sert à légitimer le pouvoir, l'autorité — toute forme d'autorité.
4Le sociologue allemand Max Weber, dans ses analyses de la «relation sociale» et de l'«action sociale», de même que Hans Georg Gadamer dans Vérité et méthode, expliquent bien comment il y a, dans tout rapport de domination, une revendication de légitimité qui, chez le groupe dominant ou dans l'autorité, excède toujours ce que les subordonnés ou les membres de la communauté peuvent lui accorder de croyance.
5L'autorité a toujours la nécessité de se justifier d'exercer l'autorité. Il lui faut d'abord se justifier à ses propres yeux (afin de surmonter ses doutes et d'agir). Elle doit se justifier auprès de ses adversaires ou contre les affirmations rivales. Enfin, elle doit asseoir sa légitimité devant ses propres «partisans», afin d'entraîner les plus hésitants.
Pour combler cette marge qui manque à la croyance, pour légitimer son autorité et justifier sa pratique, il faut que l'autorité persuade. Il ne s'agit ni ne peut s'agir d'une démonstration scientifique, mais d'une démarche rhétorique. La rhétorique sert à justifier l'autorité politique, l'autorité judiciaire, l'autorité morale (de l'enseignant, par exemple), l'autorité des parents sur les enfants, etc.
Enfin, cette justification tend à présenter les idées et les intérêts d'un groupe particulier comme s'ils étaient universels. Simplifiant la réalité, le groupe dominant se représente en effet sa propre existence à travers une image idéalisée de lui-même.
4. Comp. Paul RICOEUR, «L'idéologie et l'utopie», dans Du texte à l'action, Essais d'herméneutique, II, Paris, Esprit/Seuil, 1986, pp. 379-392, surtout pp. 380-387.
5. Cf. Jean BAECHLER, Qu'est-ce que l'idéologie ?, dans la coll. Idées, fasc. 345, Paris, Gallimard, 1976, pp.182, 189 s, 367 ss.

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La morale et les groupes d'intérêts
Redescendons maintenant l'escalier. La Charte canadienne des droits et libertés trahit une pensée idéologique bien précise. Axée tout à fait sur l'expression des droits individuels, elle permet aux minorités des classes dominantes qui en ont le moyen de contester, grâce à d'énormes pressions, sinon avec succès, à peu près n'importe quelle disposition législative ou réglementaire ordonnée à soulager des majorités de moins bien nantis.
Et la délégation, à travers la Charte, par la classe politique au pouvoir judiciaire, de tout un pan des décisions politiques et sociales les plus sensibles, permet de ravaler maintenant un grand nombre de débats politiques et sociaux à des litiges judiciaires.
Ensuite, de quels milieux viennent les juges ? Essentiellement, les juges forment eux-mêmes un groupe d'intérêts particulier. Pour la plupart d'entre eux ils sont recrutés parmi les avocats qui ont réussi, qui sont relativement à l'aise. Ils proviennent évidemment de la classe juridique même, qui a sa façon de concevoir la vie en société - en regard des autres scientifiques et techniciens qui ont de celle-ci une autre vision que juridique; une autre portion importante de juges provient du milieu des avocats d'affaires, un milieu qui porte une conception assez particulière de la vie sociale. D'une manière générale, les juges jouissent d'une formation supérieure qui dépasse rarement un diplôme de premier cycle. Enfin, un grand nombre d'entre eux sont proches de la classe possédante.
De nombreux juges s'inquiètent beaucoup de l'action voyante des groupes minoritaires dans la société, qui surveillent l'expression du moindre préjugé. La manie de la «rectitude politique», qui ressemble de plus en plus à un concours de «victimes», énerve plusieurs juges, qui ne sont pas loin de se présenter à leur tour comme des victimes de ces groupes et des médias.
Dans un contexte de Charte, où il revient à la magistrature de trancher dans le vif des orientations sociales et politiques, il n'est pas toujours évident qu'un juge fasse abstraction de son groupe d'intérêts particulier pour déterminer un litige. Qu'on songe, entre autres, aux décisions récentes des tribunaux supérieurs à propos de l'affichage commercial et de la liberté d'expres​sion(1994) 24 R.D.U.S. L'éthique des professionnels du droit 375
(l'affaire Irwin Toy en Cour d'appel du Québec, etc.), de l'avortement (l'affaire Chantal Daigle en Cour d'appel du Québec), de la retraite à 65 ans (la Cour suprême du Canada en 1989), de la langue des jugements, du rôle des médias dans l'appareil judiciaire en parallèle à celui de la classe juridique, etc.
Bref, qu'il s'agisse des décisions judiciaires des juges ou de leurs revendications comme corps, le discours éthique qu'ils tiennent n'est pas toujours exempt de notes idéologiques qui le rendent souvent suspect. A l'évidence, ce discours est devenu fortement idéologique aujourd'hui dès qu'il touche les questions relatives à l'indépendance judiciaire, au régime déontologique des juges, à leur traitement, au processus de nomination des juges et au devoir de réserve.
Dans une décision du 17 octobre dernier, la Cour supérieure elle-même soulignait pourtant son accord avec le commissaire à l'accès à l'information, M. Pierre Cyr, qui rappelait avec raison, dans une décision dont le Conseil de la magistrature du Québec réclamait la révision judiciaire, que le principe de l'indépendance judiciaire
6«n'est pas une protection octroyée aux juges et conseils de la magistrature, mais bien un droit garanti aux justiciables, afin de s'assurer que la personne est jugée par un tribunal qui n'est aucunement partial et qui est apte à rendre une décision fondée seulement sur la preuve dont il est saisi conformément à la loi, etc.»
II. L'éthique et le recours problématique au discours rhétorique
Les avocats et les juges, comme les autorités gouvernementales, sont parfaitement obsédés aujourd'hui par le souci de l'«image». Ils ne sont pas les seuls : la plupart des entreprises et des organismes, des professionnels et des corps de métier tendent à penser que «tout est dans la perception» qu'en retient l'opinion publique. Les journalistes réunis en congrès au milieu des années 80 se donnaient à la sauvette une espèce de «charte du journalisme» d'abord et avant tout «pour améliorer leur image».
6. Décision du juge Roland Tremblay, dans Conseil de la magistrature c. Commission d'accès à l'information et al., Cour supérieure de Montréal, dossier 500-05-002806-949. L'affaire a été portée en appel.

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Comme bien d'autres groupes dans la société, les juges et, à leur niveau, les avocats, ont la tentation de recourir aux techniques des fabricants d'«images». On constate que le sentiment de la population commence à être singulièrement critique vis-à-vis le système judiciaire. Alors on tend à reproduire les vieux réflexes de la classe politique.
Les juges ont souhaité le faire, par exemple, en encadrant mieux les reporters judiciaires par des «communicateurs» — une tentative qui a bien vite avorté. A la Cour du Québec cette année, les juges ont tenté de «sensibiliser le public» à leurs problèmes de salaires en lançant de manière improvisée, sinon risible, l'hypothèse d'une «syndicalisation». Ce qui a beaucoup inquiété les juges dans le débat public sur la gratuité de leurs places de stationnement, ce n'est pas du tout le principe de l'impartialité des tribunaux, pourtant garanti par la Charte, mais l'image pénible que la magistrature risquait d'avoir à cette occasion. Jusqu'à tout récemment, les juges en chef de la Cour d'appel, de la Cour supérieure et de la Cour du Québec ont tous recherché ou voulu solliciter des conseils parmi les fabricants d'images.
A la lecture du Journal du Barreau, on constate que «l'image de l'avocat» est devenue la question prioritaire du Barreau de Montréal cette année; le sujet était aussi au coeur du congrès de l'Association des avocats de province à Bromont en octobre dernier.
Comme si l'expérience archi négative que la classe politique a faite dans ce domaine depuis la fin des années 60 n'avait pas suffi à faire comprendre qu'il est stérile de recourir, pour le pouvoir politique, à des techniques de vente conçues pour des produits manufacturés ou pour des services (qu'on pense à l'offensive de la nouvelle religion de la «qualité totale»), la classe juridique lorgne à tort vers le discours rhétorique qu'est celui de la publicité...
Cette façon de faire est une importation américaine. Au début des années 60, à l'époque de l'élection du président J. F. Kennedy et voulant exploiter toutes les retombées de ce média relativement neuf qu'était la télévision (et ses «images» notamment), on a transposé les techniques de vente des produits manufacturés et de services — qui étaient des techniques de fabrication de l'image — sur la «fabrication» de l'image de personnages politiques. L'expression à la mode à l'époque : «the making of a president». Dès 1970, le

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tout premier gouvernement Bourassa, au Québec, avec ses wizz kids de la «communication», de triste mémoire, ont importé ici, sans aucun discernement, ce modèle dans le secteur de l'action politique.
L'échec fut presque immédiat, et monumental. Mais les politiques ont persisté néanmoins dans cette voie, avec les résultats que tous connaissent bien: les représentants politiques se sont convertis eux-mêmes en objets, et en objets souvent méprisables, sinon jetables. La plupart des organismes publics ont reproduit le modèle. Dans bien des organismes connus — les universités, par exemple —, le souci de l'image camoufle ce qui commence à friser la corruption pure et simple en matière de recherche. Si l'on pense que les citoyens sont dupes, on se trompe lourdement. Il suffit de lire sur une période continue les sondages périodiques d'opinion.
meLa création d'«images» est essentiellement éphémère. Ces techniques sont conçues pour des objets jetables. Les avocats, les juges, les médecins, les policiers... ne sont pas des marques de bière, ni de pâte à dents, ni des services bancaires... Les juges de la Cour du Québec ont fait en 1994 une expérience plutôt douleureuse du recours à un cabinet de relations publiques de Montréal. Après la dérision que cette firme a involontairement servie à la magistrature avec sa fausse menace publique de «syndicalisation», elle est intervenue de nouveau fin août, quand le juge Andrée Ruffo a choisi de se désister de quelques-uns de ses nombreux appels devant les tribunaux supérieurs. Les relationnalistes (agissant alors au service de M Ruffo personnellement) ont confectionné de toutes pièces une nouvelle toute cousue de faussetés. Des journalistes inexpérimentés l'ont reproduite avant que d'autres en signalent les pièges. Peu après, la direction de la Cour du Québec a rompu son contrat avec la firme.
Enfin, il n'est pas très prudent de postuler que les médias sont de simples courroies de transmission des fabricants d'images. Ayant affaire à des armées de relatonnistes à coeur de jour, la presse voit généralement de loin le loup venir. Quoi qu'il en soit, l'on parvient très vite au moment crucial où la réalité traverse, défonce l'image.
La préoccupation de l'image est une façon d'éviter les vraies questions, une manière de court-circuiter, voire de camoufler les questions éthiques. Dans

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une culture comme la nôtre, qui a longtemps vécu en régime idéologique (quant l'Eglise et l'Etat étaient en symbiose temporelle et culturelle), les réflexes éthiques sont lents, ils se cherchent souvent. C'est que le discours idéologique a cette propriété d'absorber les discours scientifique, philosophique, esthétique, éthique et religieux. Autant l'éthique rationnelle était naguère absorbée par le «religieux», autant elle n'apparaît plus naturelle après la déchéance du régime idéologique.
Il n'y a en somme qu'une seule façon d'avoir une réputation enviable : la compétence, la droiture et l'honnêteté, enfin rester branché sur le bien public. Les campagnes de publicité ou de relations publiques ne modifieront rien au traitement régulier, dans la presse, des travaux des comités de discipline des ordres professionnels.
Comme les politiques, les enseignants et les journalistes, les avocats et les juges sont des professionnels de la parole. C'est principalement en prenant la parole publiquement, en cour ou dans des documents, qu'ils agissent. On s'expose à de graves problèmes dès lors qu'on se met à dire n'importe quoi. On ne vit plus depuis belle lurrette à l'époque où ce qui se disait devant le tribunal ou ce qui s'écrivait dans des pièces de procédure n'évoluait qu'en circuit fermé.
Les professionnels du droit, comme tous les autres professionnels de la parole, doivent savoir apprécier les risques du discours rhétorique.
Les risques du discours rhétorique
Le discours rhétorique est un discours accrocheur, flagorneur, flatteur. C'est le discours caractéristique de la publicité et de l'entertaining, de la radio MF et des tribunes téléphoniques présidées par des animateurs vociférants ou, du moins, qui ont de l'«humeur». C'est le discours de la classe des «communicateurs» dans le secteur politique, dans ceux de l'administration publique, des affaires, des relations de travail, etc.
Le discours rhétorique est également un discours autoritaire. Il tend à court-cicuiter la discussion rationnelle. Au plan de la logique, il procède par des raisonnements incomplets. Il s'agit ou bien d'inductions tronquées, ou bien de déductions apparentes. Les premières progressent du particulier au... particulier

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en exploitant l'analogie ou les ressemblances, qui dispensent d'énumérer tous les cas qui importent; les secondes sont amputées d'une de leurs prémisses et se fondent non sur des principes universels au sens de la science, mais sur des idées générales reçues par le grand nombre.
Les raisonnements fondés sur la rhétorique présentent une logique à rabais qui cherche à s'adapter à son public en se fondant sur la psychologie d'une classe moyenne, sur des lieux communs, sur une culture de masse, sur l'idéologie du grand nombre. La rhétorique s'applique à simplifier faits et concepts afin de persuader une foule, un auditoire non spécialisé ou, quand il s'agit d'un tribunal, un juge ou un arbitre tenu pour un «auditoire» par hypothèse ou par le jeu de la fiction. La rhétorique sait aussi bien plaider une chose et son contraire, que la victime d'une agression sexuelle, âgée de 16 ans, était «presqu'une adulte», alors que l'accusé, de 20 ans, «encore un adolescent».
Les juges aussi bien que les avocats doivent avoir des idées claires sur la nature du discours rhétorique, sa place et ses limites. Le registre de la rhétorique ne peut jamais être celui des juges. Il est plutôt celui des plaideurs, encore qu'il faut bien s'entendre.
En cour, les juges forment l'auditoire spécialisé de discours rivaux rhétoriques de la part des plaideurs. Adversative par nature, l'opération consiste à persuader le juge de telle ou telle relecture des faits. Le système des présentations concurrentes ou antagonistes permet mieux au juge d'en dégager ce qui risque de se rapprocher le plus de la vérité et d'en venir à une décision aussi objective que possible. Mais autant le registre rhétorique peut convenir aux plaideurs, autant il est irrecevable chez le juge.
D'abord, la rhétorique n'est pas un moyen de connaître ou de recher-cher la vérité, mais un moyen d'action sur le réel, une technique de persua-sion et, fondamentalement, une technique de preuves. Afin de produire un effet sur le juge, un plaideur choisit et multiplie, par exemple, les énoncés favorables à son client, il retient et énonce les éléments qui sont défavorables à celui qui a livré son client à la justice. Ce qu'il exprime n'est pas faux. Ce sont des arguments de rhétorique. En ce cas, on est en présence de la technique de l'exagération, qui use, entre les hyperboles et les euphémismes, de la gamme des allusions, des

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périphrases et des métaphores. (Si, au contraire, ce que choisit d'énoncer le plaideur est carrément faux, voilà une tout autre chose.)
Ensuite, les «orateurs», de par la nature même de la rhétorique, «négligent l'intérêt public, pour s'occuper de leur intérêt personnel», comme l'écrit très justement Platon (Gorgias, 502e). La rhétorique élabore de l'apparence de vrai. Le plaideur est un «chasseur intéressé», un «athlète dans les combats de parole ou dans l'art de la dispute» (Sophiste, 231c-e). On en voit aujourd'hui tous les jours de nouvelles aberrations, quand des preuves techniques, de plus en plus nombreuses et de plus en plus complexes, sont présentées devant le tribunal. La classe juridique, pour ne rien dire des jurys, est très loin d'offrir des garanties raisonnables de compétence pour savoir évaluer de telles preuves dans le cadre d'un système adversatif où la rhétorique et la démagogie ont une si large part.
Cela ne signifie pas que tout discours rhétorique est un discours sophistique (ou faux), guère plus que le discours poétique. L'un et l'autre, tout comme le discours dialectique ou scientifique, peuvent être ou vrais ou faux. Discours dialectique ou scientifique, discours rhétorique et poétique ne sont hiérarchisés que par leur degré de certitude ou de probabilité. C'est à ce point de vue seulement que le discours rhétorique porte une «logique dégradée». Dégradée en regard du discours scientifique, comme le discours poétique l'est en regard du discours rhétorique.
C'est parce que le discours du plaideur vise d'abord à persuader en s'appuyant sur les arguments les plus probables possible, mais dans un domaine où il est souvent difficile d'atteindre à du très probable, qu'il se distingue du discours du juge, qui, lui, n'a pas à persuader, mais à «voir» et à évaluer la valeur probante de ce qui est avancé.
Les manques à l'éthique pour des personnes qui, comme les avocats, les juges, les journalistes et les enseignants, sont des professionnels de la parole, tiennent le plus souvent à un recours suspect au discours rhétorique. Une bonne partie du discours public et officiel des juges à propos de leurs salaires, du prix de leur place de stationnement, de leur régime déontologique, de l'autonomie presque absolue qu'ils souhaitent au plan des budgets de gestion de l'appareil judiciaire, etc. est d'essence non seulement idéologique, mais encore rhétorique.

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III. Les difficultés d'adaptation de l'appareil judiciaire
Affirmer que les professionnels du droit se doivent d'être branchés sur le bien public, c'est évoquer en même temps le fait que le système judiciaire d'ici refuse toujours de faire le saut dans l'ère moderne. Le problème a atteint la nature d'une question éthique fondamentale. Ici encore, les slogans creux («On a le meilleur système au monde!») tiennent lieu de discours officiel. Et ce discours se fait autoritaire («Vous n'avez point de formation juridique, vous ne pouvez donc pas comprendre l'utilité de ceci ou de cela!»). De nouveau, il importe de débusquer le mensonge.
7Depuis quelques années, la presse a saisi l'opinion publique d'un ensemble d'aberrations concrètes et quotidiennes qui marquent toujours la pratique judiciaire des juges, des avocats et des autorités gouvernementales. Le gaspillage éhonté de fonds publics dont est témoin tous les jours la pratique judiciaire démontre que l'appareil roule dans un monde autre que le moderne. Les justiciables, qui sont en même temps des contribuables, commencent à en avoir littéralement plein le dos. D'autant plus qu'on a atteint le point crucial où la grande majorité des citoyens se voit obligée de financer un appareil judiciaire auquel elle n'a elle-même nullement accès — le système judiciaire étant maintenant réservé dans les faits aux très très pauvres (qui savent bénéficier de l'Aide juridique) et aux très très riches.
Il est pertinent d'emprunter ici à Nietzsche la métaphore dont il use pour décrire la «mauvaise conscience» (das unglückselige Bewusstsein). Le philosophe allemand insiste beaucoup sur ce qu'il appelle, dans la deuxième dissertation de La généalogie de la morale, «l'origine de la mauvaise conscience». Il a recours à l'image des premiers animaux aquatiques qui sont sortis de l'eau et sont débarqués sur la terre ferme. Il évoque cette «pesanteur terrible» qui écrasait ces êtres appelés désormais à «aller sur leurs pieds et à se porter eux-mêmes», alors qu'ils avaient, jusque là, été portés par l'eau... Pour Nietzsche, la «mauvaise conscience» est en effet le symptôme d'un désordre dans l'évolution et de la mauvaise adaptation à son milieu.
7. Voir, entre autres, R. MORISSETTE, op. cit., pp. 114-122 et passim.

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Ahuris, sinon enragés, les citoyens sont en train de découvrir que la classe juridique, appuyée par la négligence chronique des gouvernements, fait persister des techniques de solution des litiges, ainsi qu'un processus de gestion administrative des affaires judiciaires, qui appartiennent à un autre âge, à un monde parallèle au monde réel. Depuis des lunes, enfin, les «comités» multilatéraux sont en train de s'épuiser dans les études et la «recherche», et dans la recherche de «causes» qui sont depuis longtemps évidentes. Or, autant la recherche est une démarche louable, autant elle ne saurait être un succédané à l'action.
Pour ne point alourdir un texte déjà lourd de problèmes, indiquons pour finir les solutions qui s'imposent de toute urgence à ce chapitre.
D'abord, il est anormal que la gestion quotidienne des dossiers judiciaires, criminels et civils, se fasse en salle de cour même et soit le fait des juges et des avocats. Il n'existe dans aucune juridiction un personnel clérical chargé de la gestion quotidienne des dossiers, de leur calendrier, de leur suivi. En matière civile, les prescriptions du Code de procédure civile ne sont, dans leur esprit, respectées par à peu près personne. Autant il est absurde de demander aux juges d'ajouter à leurs tâches ces fonctions de gestion, autant il est injuste d'en laisser l'initiative aux avocats. Il n'est pas normal que les tribunaux convoquent d'autorité les citoyens en cour pour 9 heures 30, et les fassent poireauter souvent des demi-journées à la porte, simplement pour leur assigner une date ultérieure de rendez-vous.
Ensuite, la multiplication des lois a créé un nombre risible de recours en appel dans certains domaines (les relations de travail, par exemple), ainsi que des recours abusivement automatiques en révision judiciaire. Ajoutés à l'engorgement chronique des cours et aux délais aussi interminables qu'injustes, de telles possibilités de recours finissent par aménager un pattern d'appels purement dilatoires.
A ces dernières dispositions qu'on néglige toujours de corriger, celle qui paralyse en principe l'exécution provisoire des jugements de première instance dans les matières civiles en cas d'appel constitue un autre mécanisme qui heurte gravement l'intérêt public tout en favorisant les appels dans le simple but de gagner du temps.

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En matière criminelle, il est urgent que le gouvernement fédéral décide, maintenant que la procédure de la communication de la preuve est devenue à la fois indispensable et complète après la comparution, du sort de l'enquête préliminaire dans le cas de délits mineurs. Les enquêtes préliminaires bidon sont devenues la vache à lait d'avocats de pratique privée qui parasitent le régime de l'Aide juridique et empêchent, en raison des coûts exorbitants que la chose entraîne, un plus grand nombre de citoyens d'avoir accès aux services juridiques. Dans le même domaine, il est inconcevable qu'Ottawa tarde toujours à autoriser la comparution de simple forme par télévision interposée des détenus dans les centre de détention préventive. Les services provinciaux de transport et de «gestion» des détenus à ces fins sont au bord de la faillite. Quant à la gestion des dossiers criminels en dehors de Montréal, il est honteux que le gouvernement provincial tolère l'ouverture de dossiers multiples pour un même incident et s'oblige ainsi à financer des services de soutien et d'équipement qui seraient plus utiles ailleurs.
De plus, la négligence chronique de Québec à réformer la tarification du régime de l'Aide juridique, une tarification «à l'acte» (plutôt qu'«au dossier»), qui comprend des mécanismes pervers et archi coûteux, reste, après toutes les «études» décisives produites à grands frais aux dépens des contribuables, pour le moins étonnante.
En outre, au moment où il s'applique à désengorger, par un effet de dominos, les cours civiles en ajoutant à l'amplitude de la juridiction de la Cour des petites créances, Québec vient d'y démanteler le régime de médiation, comme il paraît avoir renoncé au régime promis de médiation en matière familiale — deux mécanismes pourtant prometteurs d'économies substantielles au plan économique et capables de simplifier la vie des justiciables. En parallèle, le gouvernement, dans une ronde de compressions effectuées à l'aveugle, a, à toutes fins utiles, à grands frais et avec des conséquences dont on commence à mesurer l'incroyable absurdité, démantelé le greffe central des tribunaux civils de première instance de Montréal. On y a remplacé la plupart des professionnels expérimentés par des personnes totalement dépourvues d'expérience, de sorte qu'on a installé la pagaille dans l'ensemble des dossiers comme dans l'ensemble des salles d'audience.

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Conclusion
L'obsession de l'image des professionnels du droit, pour peu qu'elle ait un sens, doit donc passer par un sérieux examen éthique des attitudes, puis des pratiques.
Le principe de l'indépendance judiciaire, cardinal en démocratie et conçu comme une garantie aux justiciables, ne saurait être détourné au service d'un groupe d'intérêts particulier. Le principe ne peut servir à justifier des privilèges incompréhensibles aux yeux des citoyens, ni à autoriser un processus de nomination des juges toujours aussi peu transparent quant aux critères de choix et dans lequel joue encore trop souvent l'arbitraire politique. Il ne saurait légitimer non plus, sinon au détriment de la crédibilité de la magistrature même, un régime déontologique où règne l'arbitraire et le secret.
Par ailleurs, si tous les acteurs du système judiciaire déployaient autant d'imagination à agir et à résoudre les litiges qui lui sont présentés, qu'ils en montrent à navrer les justiciables, à leur faire perdre leur temps pour des futilités et à les épuiser moralement et financièrement, ils mériteraient les plus grands éloges dans la cité.
L'avertissement de la philosophe Hannah Arendt, énoncé il y a 25 ans, a toujours sa pertinence :
8«Poussé au delà d'une certaine limite, le mensonge produit des résultats contraires au but recherché; cette limite est atteinte quand le public auquel le mensonge est destiné est contraint, afin de pouvoir survivre, d'ignorer la frontière qui sépare la vérité du mensonge.»
8. Du mensonge à la violence, dans Agora, éd. Poche Pocket, fasc. 37, Paris, Calmann-Lévy, 1991, p. 11.
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L'ETHIQUE DES PROFESSIONNELS DU DROIT par Rodolphe MORISSETTE*
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