PERPIGNAN Me Vergès : "Je ne défends pas le crime mais celui qui l'a commis"

Le 13 novembre l'avocat des causes indéfendables passera une heure et demie sur la scène du palais des Congrès. "Serial plaideur", dont il est l'auteur et l'interprète, raconte la manière dont il ressent réellement cette profession d'avocat.

Jacques Vergès n'en finit pas de surprendre. Celui que l'on a surnommé "l'avocat de la Terreur", "le défenseur de l'indéfendable" monte ma intenant sur les planches des théâtres. Durant une heure et demie, depuis déjà une centaine de représentations, il étonne et interpelle un public toujours ravi de sa prestation.
"C'est une démarche rare, même exceptionnelle, sourit-il, car aucun de mes confrères ne l'a jamais mise en pratique. Je la dois au directeur du Théâtre de la Madeleine qui avait vu le film de Barbet Schroeder (NDLR : "L'avocat de la terreur",
un documentaire sur Jacques Vergès). Il a considéré que j'avais un talent d'acteur et il m'a dans la foulée proposé de créer un spectacle durant lequel je serais une heure et demie sur scène".
Sitôt dit, sitôt fait. L'avocat s'est mué en scénariste et a sorti de sa manche ce "Serial plaideur" qui sera donné le vendredi 13 novembre au palais des Congrès de Perpignan.
"C'est un texte sur ma profession, indique très modestement Jacques Vergès, j'y présente ma vision humaniste et éthique de la profession".
"Refuser la défense d'un accusé, quel que soit le crime qui lui est reproché, ce serait tout simplement être infidèle à la tradition française. Albert Naud a défendu Laval, M e Floriot a défendu le docteur Petiot, Badinter a défendu Patrick Henry. Oui, défendre l'indéfendable et même défendre son ennemi est une tradition française qu'il faut absolument respecter. " Sur scène, l'avocat s'attache à montrer la parenté existant entre l'oeuvre littéraire et le fait judiciaire. "Le fait divers et le fait romanesque ont la même base, il n'est pas rare que le judiciaire crée un personnage, ainsi le personnage central du Rouge et le Noir de Stendhal, Julien Sorel, est-il issu d'un individu qui a réellement existé. Ce dernier avait été présenté par son avocat comme un mythomane, auquel personne ne peut s'identifier, contrairement à Julien Sorel qui est, lui, un révolté social. C'est pour ça qu'il est devenu immortel".
Quand on lui demande pourquoi on lui a si souvent jeté à la figure qu'il avait défendu des causes abominables, Jacques Vergès a une réflexion toute simple : "Je ne défends pas le crime mais celui qui l'a commis. Ce faisant, j'aide la société à éviter que d'autres ne prennent le même chemin que l'accusé. Sou vent on fait de l'avocat le complice de son client, c'est pourquoi l'avocat doit plaider avec passion mais sans s'identifier à celui qu'il défend, même s'il est proche de nous. C'est là le paradoxe de la profession".
"Le spécialiste du forceps"En cent représentations, l'avocat a déjà recueilli des tonnerres d'applaudissement "car le public découvre un monde qu'il ne connaît pas, une justice qui lui fait peur".
En fait, Jacques Vergès, l'homme public, l'agitateur que l'on connaît trouve tout naturellement sa place sur les planches, lui qui est un habitué des déclarations fracassantes. Ses sorties sont célèbres, on se souvient qu'il avait comparé le procès d'Omar Raddad à celui de Dreyfus. "Car Raddad s'est retrouvé accusé en raison de son origine sociale, tout comme Dreyfus qui était juif", explique l'avocat. "Quand on proteste, il faut le faire fort, insiste-t-il, pour rallier à soi la presse comme l'opinion publique. Hassan II avait dit "La justice est là pour accoucher de la vertu. Et Jacques Vergès est un spécialiste des forceps".
Une figure des barreaux en tout cas, qui aime à parler de ses origines catalanes puisque sa famille paternelle est originaire de Villefranche-de-Conflent.
"Perpignan est une ville que j'aime et que je connais pour y avoir plaidé à plusieurs reprises", complète-t-il. Il y a une vingtaine d'années, il avait surpris bon nombre de Perpignanais qui l'avaient découvert au côté de Cheyenne Brando, la fille de Marlon Brando. Ainsi Jacques Vergès étonne-t-il encore et toujours, comme si surprendre les foules était chez lui une seconde nature.
Serial Plaideur de et avec Jacques Vergès. Créé au théâtre de la Madeleine le 21 septembre 2008. Adaptation Louis-Charles Sirjacq, Réalisation, L.-C. Sirjacq et Marie Nicolas. Décors et lumière M. Nicolas. Production : Théâtre de la Madeleine. Le 13 novembre au palais des Congrès. Réservations : Boitaclous.
Guy Bosschaerts