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  De la liberté de parole à l'audience

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المدير أ/ طه العبيدي
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مُساهمةموضوع: De la liberté de parole à l'audience    De la liberté de parole à l'audience Emptyالخميس مارس 01, 2012 8:48 pm


Par Gascogne






Le parquet est hiérarchisé. On le répète assez, et les parquetiers
eux-mêmes disent le plus souvent que cette hiérarchie n’est pas en soi
choquante, afin d’assurer sur l’ensemble du territoire national
l’application d’une politique pénale cohérente et homogène. Ceci étant
dit, et cette justification de la hiérarchisation du parquet mise en
avant, rien ne justifie par contre que le pouvoir exécutif soit à la
tête de cette pyramide hiérarchique, en violation de la séparation des
pouvoirs. Les élections présidentielles qui arrivent seront l’occasion
de voir la vision qu’ont les candidats à la magistrature suprême de
notre justice.



Les magistrats du parquet ne rendent cependant pas compte au jour le
jour à leur hiérarchie de l’ensemble des décisions qu’ils prennent, que
ce soit à la permanence, dans le traitement des procédures qui leur sont
soumises, ou encore dans lors de la rédaction des réquisitoires
définitifs qu’ils rédigent[1].



Le devoir de loyauté qui doit exister au parquet vis-à-vis de la
hiérarchie porte essentiellement sur les dossiers les plus importants :
par leurs enjeux, leur portée, ou encore les risques de développement
médiatiques qu’ils comportent. Ce qui signifie que dans 99 % des cas, le
parquetier, dans la solitude de son cabinet, traite en toute
indépendance l’extrême majorité des dossiers qui lui sont soumis.
Malheureusement, les projecteurs médiatiques se portent sur les 1 % qui
restent, où le problème de l’indépendance du parquet se pose de manière
accrue.



Mais s’il reste une liberté quasi totale aux membres du ministère
public, c’est bien celle de la liberté de parole à l’audience, quelle
que soit cette audience. Cette liberté est garantie par l’article 33 du code de procédure pénale, qui dispose que si le lien hiérarchique impose que le procureur d’audience “est
tenu de prendre des réquisitions écrites conformes aux instructions qui
lui sont données dans les conditions prévues aux articles 36, 37 et 44
”, “il développe (par contre) librement les observations orales qu’il croit convenables au bien de la justice”. Tout comme la parole des avocats est protégée à l’audience, celle des parquetiers l’est tout autant.



Et pourquoi est-elle protégée ? Elle l’est pour que les réquisitions à
l’audience soient développées pour ce qui est convenables au bien de la
justice. Pas convenables à l’égo de certains élus. Ou de certaines catégories socio-professionnelles.



Le recueil des obligations déontologique des magistrats, édité par le Conseil Supérieur de la Magistrature,
évoque d’ailleurs l’application des dispositions de l’article 33 du
CPP, et leur articulation avec les dispositions du statut de la
magistrature relatives notamment au droit de réserve, en disposant que :
Le devoir de réserve, qui résulte d’une disposition statutaire,
est le même pour les magistrats du siège et pour ceux du parquet. Si
les articles 5 du statut de la magistrature et 33 du Code de
procédure pénale permettent au magistrat du parquet d’exprimer
publiquement à l’audience une position personnelle, cette prise
de parole doit être formulée dans des termes propres à ne pas nuire
à la dignité de la fonction de magistrat.




A partir de cette définition de l’instance disciplinaire des
magistrats, j’aimerais comprendre en quoi les propos du collègue de
Castres, rapportés par Médiapart, pourraient être de nature “à nuire à la dignité de la fonction de magistrat“ ?
Faut-il que le magistrat du parquet serve une soupe insipide à
l’audience, et ne pas parler du contexte, fut-il politique, qui peut
concourir à la réalisation d’une infraction ?



Et en allant un peu plus loin dans la justice fiction, peut-on
sérieusement penser que si un magistrat du parquet, requérant dans une
affaire de travail illégal, venait à parler de l’instauration des 35
heures pour expliquer les difficultés des entreprises, il ferait
immédiatement l’objet des foudres de la Chancellerie pour violation de
son obligation de réserve ?



La pression qui existe depuis quelques années, sans que les
politiques ne se posent la moindre question sur ce qui est une attaque à
l’indépendance de la Justice, sur la liberté de parole des magistrats
du parquet à l’audience, ne fait que renforcer la nécessité de plus en
plus prégnante de réformer le statut des magistrats du parquet. Et je
suis heureux de la jurisprudence de la Cour Européenne des Droits de
l’Homme qui me semble la seule à même de mettre la pression sur nos
hommes politiques nationaux. Malheureusement.



Et ce n’est sûrement pas le président de la République, garant de l’indépendance de la Justice[2], qui me contredira, lui qui vient de déclarer à Dijon que l’indépendance de la magistrature avait progressé durant son quinquennat.



Si une chose est définitivement claire en France en matière
d’indépendance de la Justice, c’est qu’il y a loin de la coupe aux
lèvres. Un gouffre.

Notes


[1]
Lorsque le juge d’instruction estime que son enquête est terminée, il
en informe les parties et transmet le dossier au parquetier qui le suit,
afin que celui-ci prenne des réquisitions, sous la forme d’une synthèse
du dossier, sur la suite qu’il souhaite voir donner à l’affaire.

[2] Art. 64 de la constitution

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