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| موضوع: Éthique, transparence et lutte contre la corruption dans le système judiciaire M. Armand Riberolles الجمعة فبراير 26, 2010 9:51 am | |
| Éthique, transparence et lutte contre la corruption dans le système judiciaire M. Armand Riberolles « La corruption constitue une menace pour la prééminence du droit, la démocratie et les droits de l'homme, sape les principes de bonne administration, d'équité et de justice sociale, fausse la concurrence, entrave le développement économique et met en danger la stabilité des institutions démocratiques et les fondements moraux de la société » Ce cri d'alarme du Conseil de l'Europe est corroboré par les organisations internationales. La Banque Mondiale et le FMI évaluent les sommes détournées au titre de la corruption à plus de 1000 milliards de dollars par an, soit 5 pour cent du PIB mondial. Sur cette question de la corruption, les institutions judiciaires de tous les pays sont en première ligne. A double titre, puisque d’une part elles doivent, comme la femme de César, se tenir à l’écart du soupçon pour elles mêmes, et d’autre part être en capacité d’assumer leur responsabilité d’avoir à réprimer les pratiques de corruption qui pourraient toucher les acteurs publics au sens large. Dans certaines parties du monde, l’équation est particulièrement difficile à résoudre, puisque les acteurs de la justice sont au sein de l’Etat parmi les plus corrompus. C’est donc un double défi que doit relever l’institution judiciaire, pour selon les situations, conserver, renforcer ou créer ce lien de confiance avec les justiciables sans lequel la décision de justice n’est vécue que comme l’expression d’un rapport de force : - d’une part l’obligation d’être irréprochable et donc d’être dotée de mécanismes de détection et de sanction des manquements déontologiques commis au sein même de l’institution, qui soient efficaces et compatibles avec le principe d’indépendance de la magistrature, - d’autre part la nécessité pour la justice de s’organiser pour, sans déroger au principe du procès équitable, assumer la part prééminente qui est la sienne dans la lutte contre la corruption sous toutes ses formes. Indépendance, discipline et responsabilité des magistrats Aujourd’hui plusieurs éléments concourent à placer la question de la responsabilité des magistrats au devant de la scène : - alors que sur une injonction plus forte des justiciables, l’institution judiciaire met de plus en plus souvent en cause la responsabilité de nombreux décideurs publics ou privés, hommes politiques, élus, chefs d’entreprise, 2 responsables économiques, membres des professions libérales, elle ne peut rester à l’écart de la fin des immunités de droit ou de fait, - une exigence accrue de l’opinion envers le service public de la justice, - un niveau d’intolérance plus grand des justiciables aux erreurs ou aux ratés judiciaires, La façon de répondre à ces injonctions légitimes doit être à la fois déterminée et lucide quant aux conséquences qu’il pourrait en résulter pour l’indépendance des juges. Sur ce point quelques principes méritent d’être évoqués : - D’abord, la charte européenne sur le statut des juges de 1998, réaffirme le principe de la légalité des sanctions disciplinaires en prévoyant que seuls peuvent donner lieu à des sanctions les manquements à l’un des devoirs expressément définis par le statut des juges qui doit aussi prévoir l’échelle des sanctions susceptibles d’être infligées. En France l’ordonnance statutaire (article 43), qui ne contient aucun code de déontologie, fait cependant référence à un certain nombre d’obligations, que l’on pourrait qualifier de génériques. Ainsi prévoit-elle que tout manquement par un magistrat aux devoirs de son état, à l’honneur, à la délicatesse ou à la dignité, constitue une faute disciplinaire. C’est au conseil supérieur de la magistrature, dans sa formation disciplinaire, qu’il appartient de décliner ces principes et de désigner les pratiques constitutives de ces manquements. J’indique cependant qu’une réflexion est engagée au sein du CSM en vue de la constitution d’un recueil des obligations déontologiques afin de rendre plus claires et plus visibles les impératifs qui s’attachent à la profession de magistrat. A la lumière de sa jurisprudence et sans que cette énumération soit limitative, le CSM sanctionne l’entretien de relations incompatibles avec la mission de magistrat, la commission de faits pénalement répréhensibles, les faits moralement condamnables, l’abus de fonction, les interventions, les excès de langage, les manquements à la probité, mais aussi les insuffisances professionnelles ou la partialité. - L’intervention d’une instance indépendante « composée dans une grande mesure de représentants de juges choisis démocratiquement par leurs pairs », selon une procédure qui garantit pleinement les droits de la défense, est une autre exigence. La France a ces dernières années, et à la suite de dysfonctionnements intervenus dans le traitement d’une affaire judiciaire très médiatisée, entrepris une réflexion qui vient de déboucher sur une réforme constitutionnelle du Conseil supérieur de la magistrature. Outre une modification de sa composition, cette réforme prévoit qu’une modification du statut de la magistrature doit intervenir pour permettre la saisine disciplinaire du 3 Conseil supérieur de la magistrature par les justiciables eux-mêmes, avec des filtres appropriés, et non plus seulement par le Garde des sceaux et les premiers présidents de cours d’appel. Sur le fond, les faits reprochés à un magistrat s’appréciaient traditionnellement par le CSM à la lumière de l’atteinte à l’image ou à la bonne réputation de l’institution judiciaire. On constate aujourd’hui que l’intérêt supérieur du justiciable est davantage au centre des réflexions du CSM. C’est là sans doute un des effets de la Convention européenne des droits de l’homme qui présente les principes de bon fonctionnement de la justice comme un droit fondamental appartenant à toute personne qui souhaite accéder à une juridiction. Il va de soit que les atteintes à la probité commises par les juges et tous les comportements apparentés à de la corruption entendue au sens large, portent atteinte à l’image et à la bonne réputation de l’institution judiciaire, en même temps qu’elles privent le justiciable du droit fondamental d’accéder à une juridiction impartiale ; Une difficulté particulière réside dans la délimitation de « l’activité purement juridictionnelle du magistrat » qui doit demeurer extérieure au champ disciplinaire, et ne relever que du seul exercice des voies de recours prévues par la loi. C’est en effet avant tout dans l’exercice de leurs activités juridictionnelles que l’indépendance des juges doit être préservée de toute menace de sanction disciplinaire qui serait prise en raison du contenu de leurs décisions. Ce principe trouve cependant sa limite lorsque le juge a, de façon grossière et systématique, outrepassé sa compétence ou méconnu le cadre de sa saisine, de sorte qu’il n’a accompli, malgré les apparences, qu’un acte étranger à toute activité juridictionnelle. Un exemple : des considérations inutilement désobligeantes et injurieuses à l’égard d’une des parties dans un jugement sont considérées extérieures à celui-ci et peuvent valoir au juge qui en est l’auteur des poursuites disciplinaires. De la même façon les dysfonctionnements du service qui ne seraient pas imputables à un manque de moyens mis à la disposition des magistrats sont susceptibles d’engager leur responsabilité au plan disciplinaire. Les sanctions susceptibles d’être infligées par l’instance disciplinaire sont la réprimande, le déplacement d’office, le retrait de certaines fonctions, l’interdiction d’être nommé ou désigné dans des fonctions de juge unique, l’abaissement d’échelon, l’exclusion temporaire de fonction, la rétrogradation, la mise à la retraite d’office ou l’admission à cesser les fonctions, la révocation avec ou sans suspension des droits à pension. Rapidement, j’évoquerai le principe de l’indépendance des actions pénales et disciplinaires. L’une et l’autre prospèrent séparément. Simplement, la chose jugée au pénal s’impose aux instances disciplinaires en ce qui concerne les constatations de fait que les juges ont retenus. 4 Il manque à ce tableau trop rapidement dressé l’évocation de la structure chargée de l’enquête disciplinaire dont le rapport sert de base à la poursuite. L’enquête administrative –ou enquête pré-disciplinaire- relève en France, comme dans la plupart des pays, de l’inspection des services judiciaires qui a pour autre tâche de contrôler le fonctionnement des juridictions. En France cette inspection est composée de magistrats et constitue un service à la disposition du ministre de la justice. Il est cependant des pays ou le corps d’inspection des magistrats est placé auprès de l’instance indépendante statuant en matière de discipline ou de nomination des juges. L’enquête consiste à « recueillir les éléments de connaissance d’une situation, à charge et à décharge, à en mesurer l’impact sur l’image et le fonctionnement de l’institution judiciaire et à éclairer l’organe de poursuite ». Dans la conduite des investigations, les inspecteurs doivent « s’attacher à rassembler, de manière complète, dans le plus court délai possible, les éléments à charge et à décharge, en s’interdisant d’user d’artifices ou de manoeuvres, susceptibles de tendre un piège aux magistrat ou au fonctionnaire concerné, ainsi qu’en respectant la confidentialité et la discrétion qu’impose la nature même de leurs investigations ». Le principe du contradictoire doit être respecté à tous les stades de l’enquête prédisciplinaire. Pour ce qui est des droits de la défense, ils ne sont prévus qu’au stade de la procédure devant l’instance disciplinaire susceptible d’infliger des sanctions. Je l’évoquais en introduction, si pour conserver la confiance des justiciables, l’institution judiciaire doit absolument disposer de structures d’enquête et de d’organes disciplinaires en charge de faire respecter la déontologie des magistrats, plus classiquement, la justice pénale doit aussi être en mesure d’assumer la part prééminente qui est la sienne dans la lutte contre la corruption sous toutes ses formes. Ce n’est pas tâche facile, tant les pratiques corruptrices peuvent être complexes, dissimulées et recourent parfois à des mécanismes financiers sophistiqués. L’organisation de la justice pénale pour lutter contre la corruption Très rapidement car le temps m’est compté, j’évoquerai la question de l’arsenal répressif puis celle de l’adaptation nécessaire de l’organisation de l’appareil judiciaire. - Concernant l’arsenal répressif, il doit, pour répondre à un phénomène aussi multiforme que l’est la corruption au sens large, être suffisamment diversifié. Cela signifie que le corpus des incriminations doit répondre à une variété de situations et de comportements. Je citerai pour mémoire parmi les atteintes à la probité, la corruption proprement dite, dont les preuves sont souvent difficiles à réunir, le trafic d’influence, la prise illégale d’intérêt (assimilable au 5 conflit d’intérêt), la soustraction et le détournement de fonds publics ou encore la concussion et le favoritisme dans les marchés publics. Mais il est aussi des infractions connexes à la corruption qui sont des outils indispensables à l’appréhension et à la répression du phénomène. Je citerai l’abus de bien social (l’équivalent du détournement) au sein des sociétés commerciales qui est le vecteur couramment utilisé pour dégager les fonds destinés aux pots de vin.. Mais sur cette question des incriminations, la réponse réside pour une large part dans la convention des Nations Unies contre la corruption, dite Convention de Mérida, adoptée par l’assemblée générale des Nations unies en octobre 2003 et entrée en vigueur en décembre 2005. A ce jour 140 états ont signé la convention et 136 y sont parties. Il s’agit d’un instrument remarquable à plus d’un titre. D’une part il s’agit du premier instrument universel en la matière. D’autre part il traite de la prévention, des incriminations, de la détection et de la répression, de la coopération internationale, du recouvrement des avoirs, de l’assistance technique et des échanges d’information. La prochaine étape sera celle de la conception et de la mise en place d’un mécanisme de suivi digne de ce nom. La Convention de Mérida devrait permettre à la communauté internationale, par delà des traditions juridiques différentes, de parler un même langage et de coordonner ses efforts en facilitant la coopération judiciaire internationale. -l’adaptation de l’appareil judiciaire à la lutte contre la corruption. Paradoxalement en France, il n’y a pas de traitement spécifique de la corruption. Le choix, que je pense pertinent, a été fait d’une organisation particulière pour la délinquance économique et financière en général, dont la corruption n’est qu’un mode d’expression. Dés les années 1970 la justice pénale a du s’adapter aux évolutions économiques et à un droit des affaires de plus en plus complexe. La réponse a été de constater que le juge territorialement compétent (celui du lieu de l’infraction la plupart du temps) pouvait ne pas être suffisamment formé pour traiter ces dossiers et qu’il fallait au sein de chaque cour d’appel un ou plusieurs juges spécialisés dans la matière économique et financière en mesure de faire face à la technicité de certains dossiers. Cette entorse au principe du juge naturel se voulait avant tout une réponse à l’enlisement des affaires économiques et financières due à l’impréparation des magistrats pour traiter ces matières. Au début des années 1990 plusieurs scandales de corruption ont poussé le gouvernement à créer une structure administrative spécialement dédiée à la lutte contre la corruption, le service Central de lutte contre la corruption, chargé de la prévention mais aussi doté de pouvoirs d’enquête et d’investigation. S’agissant d’un service administratif extérieur à l’autorité judiciaire, le Conseil constitutionnel a estimé qu’il s’agissait là d’une atteinte à la séparation des pouvoirs et au principe d’égalité. 6 Ce service a donc été amputé de ses pouvoirs d’enquête et aujourd’hui il est essentiellement chargé de la prévention de la corruption. Il développe aussi une importante activité de coopération internationale. Sans doute certains d’entre vous le connaissent ils. Cet épisode n’est pas qu’anecdotique. Il marque que si la corruption est dans bien des aspects un obstacle à l’Etat de droit, la lutte contre la corruption doit être engagée dans le strict respect de l’intégrité du système judiciaire et des principes constitutionnels de séparation des pouvoirs. Pour résumer, le choix a été fait de la spécialisation des juridictions en charge de la délinquance financière et de la corruption et du rejet de procédures spéciales c'està- dire d’exception. C’est finalement en 1999, sous la pression de scandales politico-financiers que l’institution judiciaire s’est dotée de véritables pôles économiques et financiers dont la vocation est de traiter les dossiers les plus complexes. Un pôle économique et financier est une juridiction non pas spéciale (elle obéit en effet aux règles de droit commun) mais spécialisée, intégrée à un tribunal de grande instance et dont la compétence peut être régionale. Des procureurs et des juges d’instruction spécialisés y sont regroupés. Ces magistrats doivent en principe leur nomination à une technicité particulière, acquise soit à l’occasion des plans de formation continue mis en place par l’Ecole Nationale de la Magistrature soit lors de périodes de détachement au sein de juridictions ou d’administrations financières. Au sein des pôles économiques et financiers ils disposent de collaborateurs en la personne des assistants spécialisés. Les ministères autres que celui de la justice peuvent en effet mettre un certain nombre de fonctionnaires à disposition du ministère de la justice afin d’épauler les magistrats des pôles financiers. Il s’agit pour l’essentiel de fonctionnaires du ministère des finances (impôts, douanes, concurrence, trésor), du travail (inspecteurs du travail). Ils donnent aux magistrats un avis technique sans qu’il soit besoin de recourir à la procédure d’expertise. Leurs notes d’analyse figurent dans le dossier et peuvent être contestées par les parties. Ils sont soumis au secret professionnel, prêtent serment et sont strictement indépendants de leur administration d’origine. Il y aurait bien d’autres aspects liés à la spécialisation nécessaire des juridictions à évoquer. Je suis conscient que le temps nous manque. Je terminerai simplement en rappelant que la lutte contre la corruption appelle un renforcement des moyens préventifs et répressifs nationaux mais aussi la mise en place d'un système transnational, policier et judiciaire, capable de franchir aussi efficacement les frontières que la criminalité mondiale, qui a, sur ce terrain, plusieurs longueurs d'avance.
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