Présentation
Les différentes branches du droit s'articulent autour de deux axes qui mettent en cause des notions importantes
a)il y a l'axe de l'Etat national et de la communauté internationale
b) et l'axe du bien public et du bien des particuliers.
Au cours de ce chapitre nous allons esquisser la classification habituelle des branches du droit en soulignant leurs particularités quant aux problèmes des règles de droit, des sources et de la nature des lois.
Sources :
DABIN, J., Encyclopaedia Universalis, vol.5
VILLEY, Michel, Philosophie du droit, 2è vol. Dalloz, Paris
1979
Le droit international public
Présentation de cette région du site sur le droit:
Définition --Particularités --Sources des règles de droit
--Sources de cet article:
ROUSSEAU,Charles, Droit Intern. Public, Précis Deloze.
REUTER, Paul, Collection Thémis
1- Définition: le droit international public est l'ensemble des règles qui régissent les rapports
des différents sujets de la société Internationale.
a) les règles sont des normes créatrices d'obligations. Il existe un consensus des nations à ce sujet.
b) les sujets, ce sont les Etats, les organisations internationales comme l'ONU et ses institutions.
Il existe des cours internationales: CPJI à l'époque de la S.D.N. et la CIJ de l'ONU; cette cour est consultative. Mais elles sont contraignantes dans la mesure où les Etats y font appel librement.
L'ONU est un sujet, car elle détient une personnalité internationale.
2- Particularités:
a) Il y a trois caractéristiques propres à la société internationale:
a)il n'y a pas de législateur;
b)la Justice est volontaire;
c)il y a peu de sanctions.
Dans la société Internationale l'État fait le droit à sa mesure et est enclin à le respecter. Mais si le gouvernement d'un Etat change, cela peut être différent.
b) l'État crée des règles de droit parce que le droit répond à des nécessités sociales; car la loi tient son applicabilité à son adéquation aux besoins.
Par exemple, À l'ONU, on peut parler d’une approche politique avec tout ce que cela implique d’échanges, de diplomatie , car il s'agit d'une organisation politique. Par contre, des institutions comme l'OACI répondent à des besoins plus facilement identifiables. On aura donc ici une approche plus pragmatique. Il faut remarquer que ce n’est pas la sanction qui crée l'obligation. On pourrait penser que le droit international public n’est pas un droit véritable en raison de l’absence de sanction efficace. (Il sera intéressant, à ce sujet, de voir ce qu’il adviendra des accusations portées par la juge L.Arbour de la CIJ, suite aux événements qui se sont passés au Kosovo dernièrement.)
3-Les sources du droit international.
Un tour d'horizon historique nous permettra de voir comment se pose la question des sources du droit international publique.
Ce droit est récent puisqu'il suppose l'existence d'États et de relations entre États.
a) avant le 16è s:
Avant la naissance et la réalité du concept d'État nation au 16è s. il n'y a que des embryons de droit international. La Chine antique, les anciens empires perses ont réalisé quelques traités, en particulier l'un en 1292 avant J.C.
La Grèce et ses Cités pratiquaient une forme de droit international par ses traités de paix, de commerce et d'ententes sur des Institutions consulaires. Le Consul prend fait et cause pour sa Cité dans une autre Cité. Une société des nations (Amphictyonie a existé à l'époque de Delphes considérée comme centre de la terre. Les cités grecques avaient des relations avec le reste du monde qu'elles considéraient comme des barbares.
Les Romains ont pris la relève, renversés par les barbares vers le 5è s.
Au XI et au XI s. l'Église cherche à fédérer le monde. Il y avait alors confusion des pouvoirs matériels (temporels) et spirituels. Le Pape était l'arbitre. Des bulles ont établi des droits; Il y avait des sanctions (excommunications), les Croisades étaient des entreprises d'armées internationales. Il y eut des Conventions de démilitarisation: l'Église interdit l'usage de l'arbalète.
b) au 16è s.
apparaissent les premières règles de droit International:
---création de l'État sous la responsabilité du roi;
---l'État est Justifié par le concept de souveraineté;
---les États sont Juxtaposés et les relations minimales.
---Selon Suarez, le droit international est du droit naturel d'inspiration divine.
--- Grotius (Hugo de Groth) pasteur protestant hollandais peut être considéré comme le père du droit International qu'il fait reposer sur le droit naturel, i.e. la raison humaine, la morale. C'est un droit positif ( celui que l'on constate) et volontaire (ce sont les rois qui font les lois, mais soumis à la morale).
C'est ce droit qui se développe jusqu'à l'époque moderne et au 19è s. on est positiviste et volontariste. v.g. Triepel (allemand) et Anzilotti (Italien). Cela jusqu'au premier grand conflit mondial.
C) En 1919, pour Wilson (Président des E.-U.) il suffisait de mettre sur pied un organisme international pour qu'il n'y ait plus de conflit. Ce fut la Société des Nations.
Elle n'a pas de pouvoir. N'adopte que des recommandations. N'a jamais été universelle. Elle comptait entre 40 et 60 nations membres.
Le Sénat américain a refusé le pacte qui était ajouté au Traité de Versailles.
D) Après 1930, cet organisme a périclité jusqu'à devenir totalement inefficace.
Pendant ce temps, la doctrine a évolué. On est positiviste, mais non volontariste: on devient plutôt objectiviste.
Après le 2è conflit mondial, on croyait que c'était le dernier et on avait foi en une organisation universelle: l'ONU.
on lui a demandé de s'occuper de l'économie et des droits de l'homme. on lui a donné les compétences requises. l'ONU est devenue et est restée universelle. Elle est passée de 51 à 185 États. (La Suisse ne fait pas partie de l'ONU).
Donc, on peut dire que le droit international est universel et d'origine récente. On reconnaît qu'il existe des règles.
Conclusions sur le droit international public.
Le droit International public est une matière spécifique. Les règles ne sont pas toujours suivies, mais ... on peut dire qui c'est une branche importante du droit.
a) sur le plan économique:
Quand les États ont pris conscience de l'importance des matières contenues sous les mers, ils ont été obligés d'établir des règles. Il en fut ainsi dans plusieurs domaines où se manifestèrent des besoins et des réalités économiques. Une foule de traités bilatéraux ou multilatéraux frappent les produits; le GATT, accord général sur les échanges et le commerce lie une centaine de pays. C'est une institution internationale.
Une structure internationale s'élabore sur le plan économique. l'ONU est une plate-forme pour le TIERS-MONDE; elle regroupe actuellement 185 États pays.
Par les traités on effectue des transferts de technologie. Par la Convention de Montego Bay, sur les droit de la mer, les grands fonds marins sont le patrimoine commun de l'humanité.
b) le progrès social passe par le développement du droit international.
v.g. le terrorisme. Le nombre de détournements d'avion a diminué considérablement en raison d'un traité international. Il faudrait que tous les états signent pour que cela soit encore plus efficace.
c) le progrès culturel passe aussi par le droit international; sur le respect des droits de la personne il existe deux traités: 1948 sur les droits de l'homme, un pacte sur les droits civils classiques etc. rem: les pays d'Amérique latine demeurent en dehors de ces pactes. Malgré tout le droit international est utile même pour un pays respectueux des droits ...
d) utile aussi pour enrayer la guerre: nécessités d'ententes ou traités ou institutions internationales. cf. Art 43, chap.7 ONU: d'après sa charte, la guerre est impossible. Mais ça prendrait une armée internationale pour vraiment assurer la sécurité collective. C'est arrivée une fois en Corée en 1955. Actuellement, les casques bleus sont envoyés comme tampons.
Le droit international public est un droit Jeune: il fait appel à l'histoire, la géographie (le plateau continental est devenu un concept Juridique) Il fait appel à la politique: ses auteurs basent leur interprétation sur la puissance soit militaire (Raymond Aron) soit économique (Servan-Schreiber défi américain).
En droit, l'État est défini par sa souveraineté quelle que soit sa puissance ou sa population.
Enfin, soulignons que ce droit correspond à des préoccupations actuelles: v.g. le statut de l'espace, le traité sur la lune (1979) patrimoine commun de l'Humanité; le statut de l'Antarctique (1959) sera modifié en 1991; utilisation de l'espace; espionnage. Etc.
On peut aussi signaler les aspects négatifs suivants: la société internationale confond le gouvernant et le gouverné.
L'État fait et applique le droit international; De plus, le droit interne est plus rapide pour solutionner des problèmes;
Ajoutons que le droit international n'est pas toujours adapté; car parfois il n'existe pas sur un tel domaine (v.g. les accidents pétroliers depuis 1969--aujourd'hui il existe quelques règles);
Il a des lacunes; v.g. les multinationales. Il n'y a pas de règles à ce sujet. La pollution Etc. Parfois le droit international a pris les devants: v.g. le Traité de 1972 sur les lancements de satellites.
rem: depuis une dizaine d'années le droit international a subi plusieurs transformations qui feront l'objet d'un prochain article. Il sera question de la mondialisation, de la transformation de certains organismes et surtout de l'apparition de questions nouvelles comme celle des guerres préventives, des assassinats politiques, des attaques meurtrières pour raison de simples soupçons. (Palestine,Afghanistan,Iraq etc.)
Enfin, soulignons que les sources de ce droit sont difficiles à trouver.
Quelles sont les sources de la règle de droit internationale?
1- sources matérielles: le contexte social à l'origine d'une loi: v.g. le traité sur le terrorisme;
2- sources formelles: les techniques d'élaboration de la règle de droit, les sources formelles sont indiquées dans la charte de l'ONU à l'art. 38;
a) la première: ce sont les conventions internationales (les traités);
b) la seconde: la coutume;
c) la 3è: les principes généraux du droit;
d) la 4è: les décisions judiciaires;
e) la 5è: la doctrine; (comme moyens auxiliaires)
f) la 6è: l'équité.
Existe-t-il une hiérarchie des sources?
S'il y a contradiction dans les sources, cette énumération de l'art. 38 comporte une hiérarchie, mais les deux premières sont sur un pied d'égalité.
Est-ce que l'art. 38 épuise les sources?
Non. Car on peut parler du Conseil de Sécurité (embryon de législation internationale); OACI les actes des organisations internationales. L'article 38 date de 1919 et ces organisations internationales n'existaient pas alors.
Enfin, les prises de positions unilatérales d'un État: v.g. au sujet de l'Arctique, le Canada a pris position et seuls les États-Unis se sont opposés; ça signifie que les autres acceptent la position
Le droit constitutionnel
Présentation _
A- Avant d'aborder la question du droit constitutionnel, il serait utile d'apporter quelques précisions sur la classification de la règle de droit. Nous avons distingué le droit interne du droit externe; l'autre axe de classification est aussi important: la distinction entre droit public et droit privé.
B- Il sera question du droit national public:
1- le droit constitutionnel,
2- le droit pénal,
3- le droit administratif
et des principes qui les sous-tendent. Nous essaierons d'en faire une critique au fur et à mesure qu'on pourra les décrire.
Sources
TREMBLAY, André, et WOEHRLING, José, Droit constitutionnel; recueil de jurisprudence, Montréal, Ed.Thémis, 1987-88
BRUN, Henri, et TREMBLAY, Guy, Droit constitutionnel, éd. Y. Blais, Cowansville, 1982
A- Quelques précisions utiles
La classification est un procédé utile qui se fait tout naturellement par les règles elles-mêmes. Au fond il s'agit d'organiser le droit parce que c'est ainsi .
1- Le droit privé est l'ensemble des règles qui portent sur les rapports des citoyens entre eux: famille, mariage, filiation, adoption, nom, rapports concernant les biens, ventes, locations, achats, donations, contrats, droit commercial etc.
2- Le droit public porte sur les rapports de l'Etat avec les individus: règles constitutionnelles, fonctionnement de l'Etat, règles administratives, l'appareil et les individus à qui l'Etat confie des pouvoirs, fonctionnaires. Les législations financières du gouvernement. L'impôt. Etc.
3- L'ensemble du droit pénal: un crime est un accroc à la paix du roi (tout ce qui est criminel). Ce ne sont pas les citoyens qui poursuivent mais les procureurs; les jugements sont ceux de la reine contre un tel.
4- Le droit de procédures civiles: c'est l'organisation des tribunaux; du droit public.
La division pure entre droit public et droit privé admet de plus en plus une zone grise. v.g. le médecin (l'Etat intervient dans son bureau). Toutes les situations où l'Etat intervient: pharmacien etc.
Dans ce domaine, on parle de la Judge Made Law. Depuis l'adoption de la charte des droits fédérale, ceci existe davantage.
5- Le droit national: ensemble des règles de droit régissant les rapports à l'intérieur de l'Etat.
6- Le droit international: les rapports débordant les frontières.
7- Le droit national privé s'applique à l'intérieur entre les individus.
8- Le droit international privé: entre les individus, mais avec un élément étranger:
Alors il s'agit de voir si le juge a juridiction; si oui, le juge doit qualifier son litige. Est-ce un litige concernant le statut, un contrat, une procédure, la nature d'un bien? Après cela, il faut chercher dans le droit du Québec la règle de rattachement qui va lui dire lequel des droits appliquer.
rem: quand on parle de droit national nous canadiens, la Constitution sépare les juridictions, car les lois sont territoriales. Si bien que en matière de droit civil, entre Québécois et Ontariens, il y a là un problème de droit international privé. Mais un problème de droit pénal est du droit national.
B- Le droit national public
1- Le droit constitutionnel
Définition: ensemble des règles qui régissent le fonctionnement et la structure de l'Etat et de ses rapports avec les individus.
rem: au Canada, tout le droit constitutionnel n'est pas dans la Constitution. Il existe 31 lois constitutionnelles dont à peine 2 sont connues (1867 et 1982) De plus, il faut ajouter ce qui est en dehors des lois constitutionnelles: les conventions constitutionnelles, la jurisprudence, les arrêts des tribunaux, les lois, la common law.
Notion de constitution:
a) notion matérielle: ce sont les règles qui définissent l'Etat, qui créent les organes et précisent leur fonctionnement et leur mission;
b) les règles qui organisent les relations des organes entre eux (séparation des pouvoirs);
c) les règles qui régissent les relations entre l'Etat et les particuliers (droits fondamentaux, libertés publiques);
au fond ces règles règlementent l'attribution, l'exercice et la limitation du pouvoir politique. Ces règles sont constitutionnelles par nature.
d) notion formelle: il s'agit ici de la valeur juridique prépondérante de ses règles.
1- Une constitution est souple ou rigide :
a) souple: il s'agit des constitutions dont le contenu peut être révisé ou abrogé par le pouvoir législatif ordinaire; v.g. Angleterre et Israël
b) rigide: dont le contenu ne peut être abrogé que par une procédure spéciale (procédure de révision ou d'amendement); v.f. France, E.-Unis.
Juridiquement, la rigidité confère une supériorité hiérarchique sur les autres règles de droit; politiquement elle protège les droits fondamentaux des citoyens contre les atteintes des législateurs.
c) Certaines constitutions sont mixtes: certaines de leurs dispositions sont rigides, les autres souples. v.g. le Canada
2- de caractère coutumier ou écrit
Les constitutions écrites sont celles qui sont inscrites dans un document ou un ensemble cohérent de documents, qui permet leur identification. V.g. La Constitution américaine de 1787 ; la Constitution française de 1958. Elles sont souvent modifiées par l'usage et par la coutume qui viennent adapter le texte à la réalité changeante.
Les constitutions coutumières sont celles qui sont formées progressivement par la pratique et qui sont composées pour l'essentiel de règles non-écrites (coutumes, usages, conventions). v.g. Angleterre.
rem: il n'y a que les règles formellement constitutionnelles (i.e. rigides) qui jouissent d'une supériorité hiérarchique, et seules par conséquent, elles donnent lieu au contrôle judiciaire de la constitutionnalité des lois.
3- Quels sont les grands principes du droit constitutionnel canadien?
On pourrait ramener à cinq (5) les principes du droit constitutionnel canadien:
a) le principe de la suprématie de la Constitution et le contrôle judiciaire de la constitutionnalité des lois. Ce principe est indiqué dans la loi de 1865. Mais il repose surtout sur le fait que le pays est une fédération. Le principe fédéral exige un arbitre.
b) le principe de la séparation des pouvoirs. La théorie de la séparation des pouvoirs se retrouve chez Montesquieu qui compare la constitution britannique et la constitution française et conclut à la supériorité de la première en raison de :
1- la rationalisation du travail
2- et la limitation du pouvoir étatique
en partageant le pouvoir, celui-ci est moins menaçant pour le citoyen.
La confusion du pouvoir est très dangereuse ( pouvoir législatif et pouvoir exécutif) qui se retrouvent dans la même personne dans la monarchie française. Il faut distinguer différentes fonctions dans l'Etat. C'est un principe plutôt philosophique que juridique.
Il existe deux grands modèles: le système parlementaire et le système présidentiel.
c) Nous nous arrêterons davantage sur le troisième principe du droit constitutionnel canadien: le principe de la primauté du droit (que nous retrouverons dans le droit administratif).
Que signifie ce principe?
---Cela signifie que tous les actes de l'Etat doivent se fonder sur une règle de droit connue d'avance.
Dans l'Etat qui respecte ce principe tout doit se faire sur la base du droit: ce n'est pas laissé à l'arbitraire. C'est le principe le plus élémentaire; il doit être connu d'avance par le citoyen.
---Cela signifie aussi que l'ensemble des organes infra-parlementaires ne peut agir qu'en conformité aux lois. Et cela peut être vérifié par les tribunaux.
--- cette conformité est vérifiée par les tribunaux de droit commun qui peuvent déclarer illégal un acte contraire à la Constitution ou au Parlement (Angleterre). Le contrôle judiciaire c'est la conformité des lois par rapport à la constitution; la conformité des actes de l'administration par rapport aux lois. Le contrôle de la constitutionnalité est garanti par la Constitution: il ne peut être ni abrogé ni amendé.
d) la souveraineté du Parlement: le Parlement peut tout faire par simple loi, y compris changer la constitution. Ce principe s'applique de façon partielle au Canada, à cause du partage des compétences et de la constitution en partie rigide.
e) enfin, on peut ajouter la protection constitutionnelle des droits fondamentaux soit par la charte implicite (le préambule de la loi de 1867) ou par la charte des droits et libertés de 1982.
2- Droit administratif
Voici quelques grands principes généraux du droit public qui s'appliquent à la fonction d'administrer par opposition à celle de gouverner (légiférer).
Rappelons que le droit administratif est l'ensemble des règles régissant l'organisation et le fonctionnement des institutions gouvernementales et administratives.
Les principes:
1- Rule of law: c'est le principe de la légalité (issu de la jurisprudence anglaise)
Il s'applique dans une société où le pouvoir s'exerce conformément au droit et non sous le signe de l'arbitraire. C'est là toute la philosophie du droit canadien et anglais.
L'organisation et le fonctionnement des institutions gouvernementales sont soumis au contrôle judiciaire qui découle de cette règle.
Toute l'organisation est basée sur des principes qui permettent de prévoir...Les principes doivent être connus, qui vont inspirer les fonctionnaires. Tout cela s'est développé lentement.
Par exemple, on sait sur quels principes le CRTC va se baser pour octroyer un permis. Il ne doit pas y avoir de pouvoir discrétionnaire.
Par exemple, attribuer au chef des pompiers le pouvoir de fermer les établissements et de déterminer les normes...
2- deuxième principe:
Il existe deux principes de justice naturelle dont doit tenir compte le pouvoir quasi-judiciaire...
rem: le pouvoir quasi-judiciaire est celui qui s'exerce d'une façon quasi-judiciaire: v.g. la régie du logement où l'on procède à des auditions avant de porter une décision....Or, les tribunaux ordinaires ont des règles très précises. Non les organismes quasi-judiciaires. C'est pourquoi les tribunaux ont créé et développé des règles pour donner aux fonctionnaires des règles à suivre.
a) audi alteram partem: il faut entendre l'autre partie
C'est le droit de se faire entendre, le droit à une défense pleine et entière, impartiale et sans préjugé.
Comment s'applique cette règle?
-- il y a obligation de donner un avis avant l'audition
-- l'heure, date, local, ce sur quoi va porter le litige, connaître les griefs ("accusation")
-- avoir l'occasion de faire valoir ses droits
-- obligation de communiquer le dossier
-- droit au contre-interrogatoire
-- droit d'ajournement: v.g. besoin de temps pour avoir les éléments de défense non disponibles actuellement. etc.
-- droit aux audiences publiques. Il faut que la justice ait l'air d'être rendue.
b) nemo judex in sua causa: Nul n'est juge dans sa propre cause. Il faut éviter les craintes raisonnables de préjugés: conflit d'intérêt d'argent, de parenté, de relation d'affaires etc.
v.g. le commissaire qui siège en appel à sa propre cause ou décision...
-- Etre juge et partie: le comportement antérieur (opinion) si on doit rendre décision dans le domaine...
Lorsqu'il y a manquement à ces principes, il y a excès de juridiction. Alors le système judiciaire va se mettre en branle pour que justice soit faite. Généralement on demande de recommencer. Techniquement, ça se fera par une évocation à la cour supérieure. Or, le législateur a toujours voulu restreindre cela, car c'est plus long et plus couteux.
3- Le droit pénal
Sources _
COTE-HARPER, Gisèle, MANGANAS, Antoine D., Droit pénal canadien, éd. Yvon Blais inc., Cowansville, 1984
Définition: "le droit pénal est une branche du droit public qui vise à réprimer certains comportements prohibés par la loi dans une société donnée en imposant une sentence et ce, à la suite d'une procédure spécifique."
Le terme droit pénal englobe à la fois le crime et la peine. Mais il réfère davantage à la peine, alors que le droit criminel réfère au crime.
Le domaine du droit pénal varie d'un pays à l'autre. Il s'agit toujours de réprimer certains comportements, mais selon les conceptions morales d'un pays, les valeurs et les objectifs que poursuivent les Etats.
En droit soviétique:
"(... est considéré comme infraction l'acte socialement dangereux (action ou omission) prévu par la loi pénale, et portant atteinte au régime social et politique soviétique, au système d'économie socialiste, à la propriété socialiste, à la personne, aux droits politiques, au droit au travail, à la propriété personnelle et aux droits des citoyens, ainsi que tout autre acte socialement dangereux portant atteinte à l'ordre légal socialiste et prévu par la loi pénale."
Il s'agit donc de protéger avant tout, en droit soviétique l'état et la société. En droit anglo-saxon, le common law s'attache en premier lieu à l'individu et à la protection de ses droits. Question d'accent probablement car la law and order and good government a aussi priorité dans la Constitution canadienne, lorsqu'il s'agit du fédéral.
D'autre part, le système judiciaire chinois lui aussi donne une priorité à la protection des intérêts collectifs sur les droits individuels tout au long du processus pénal."Le procès n'a pas pour fonction de déterminer la culpabilité ou l'innocence du prévenu, mais d'éduquer le public en exposant et en condamnant un comportement nuisible à la société. Cette fonction éducative s'exerce à deux niveaux: en premier lieu, l'accusé "apprend pourquoi son acte était blâmable et en second lieu, le peuple "apprend" comment s'exerce la justice pénale en Chine."
On voit que le droit pénal soviétique et le droit pénal chinois sont très différents du droit pénal des pays occidentaux où l'intervention judiciaire doit rester limitée pour ne pas porter inutilement atteinte aux libertés civiques, tout en assurant le respect des valeurs protégées par la loi.
"Il faut admettre que le droit pénal a subi à travers les temps l'évolution sociale, économique et culturelle dans différents pays. Parallèlement à l'évolution du droit pénal, d'autres sciences se développent telles que la criminologie, la science pénitentiaire et la criminalistique".
Quelques remarques sur les principes du droit criminel.
Au civil: il s'agit de déterminer la responsabilité et le dédommagement (idée de compensation)
Au criminel: il s'agit de déterminer la culpabilité; si elle existe il y aura sanction punitive et exemplaire. (idée de punition et de dissuasion)
Le procès est intenté par le procureur qui accuse quelqu'un d'une infraction.
La seconde étape, on enregistre un plaidoyer de culpabilité ou de non-culpabilité.
S'il y a non-culpabilité la couronne doit présenter sa preuve et le fardeau de la preuve est de prouver hors de tout doute raisonnable.
La défense: son fardeau de preuve consistera à créer un doute raisonnable quant à la culpabilité de l'accusé.
Quand il y a procès devant jury, les jurés vont apprécier les faits; le juge va apprécier le droit.
L'accusé n'est pas obligé de comparaître comme témoin, ni le conjoint, ni les enfants en bas-âge.
Un principe important: la présomption d'innocence.
Une personne qui a gagné au civil (preuve prépondérante) ne gagnera pas nécessairement au criminel (hors de tout doute).
Présentation
Nous essaierons au cours de ce chapitre d'esquisser les grandes lignes des courants de pensée qui ont marqué l'évolution de la philosophie du droit. Il faut se rappeler que toute catégorisation est un peu une trahison, mais cela est indispensable pour essayer de comprendre l'essentiel de la diversité de pensées.
Nous verrons 3 courants qui nous semblent importants:
1-Le courant rationaliste illustré surtout par Thomas d’Aquin(1226-1274)
2-Le courant volontariste et naturaliste représenté principalement par Grotius(1583-1645)et J.-J. J. Rousseau (1712-1778)
3-Le courant humaniste, avec Charles de Montesquieu (1689-1755)
rem: rappelons que nous avons étudié plus haut les courants du positivisme juridique et du marxisme.
(Il s'agira bien sûr de résumer à grands traits ces philosophies ... )
Sources
BRIMO,Albert,Les grands courants de la philosophie du droit et de l'État, Ed. A. Pedone , Paris 1978
VILLEY, Michel, Philosophie du droit, Dalloz, Paris 2 vol.
A- Le courant rationaliste
Thomas d'Aquin (1226-1274)
La philosophie thomiste du droit et de l'Etat occupe une place exceptionnelle dans toute l'histoire de la philosophie du droit et de l'Etat et conserve encore aujourd'hui selon Brimo et Villey toute son actualité.
1-Notion de droit
La conception du droit et de l'État de St.Thomas s'inscrit dans le cadre d'une théologie morale où il cherche à déterminer la nature de l'homme et de sa fin. Sa perspective est non seulement philosophique mais théologique, i.e. enracinée dans la Révélation et la Grâce. Mais il a le souci de construire une philosophie fondée sur la raison.
Chaque être a une nature qui est intérieure (essence) et une fin qui est sa nature réalisée. La loi naturelle c'est la mise en rapport de la nature avec sa fin: elle assure la présence de la forme.
Selon Thomas, le principe premier de l'agir humain c'est la raison, qui est la règle et la mesure des actes humains. Car l'homme ne peut agir en être intelligent sans la conduite de la raison. D'autre part, la rèqle des actes humains c'est la loi.
Donc la loi se trouve dans la raison: elle est une ordonnance de la raison.
« La raison humaine comme telle n'est pas règle, écrit-il. Ce sont les principes qui lui sont inculqués qui jouent le rôle de règle et de mesures générales par rapport à toutes les actions qu'elle-même a fonction de mesurer et régler."
Brimo s'exprime de la façon suivante:
"Au sommet de l'échelle mystique, Saint Thomas place la lex aeterna, la loi éternelle. "La loi éternelle est le gouvernement du monde par la raison divine. La raison, dont la règle est le droit de la nature, est la raison divine." (Somme) La lex aeterna est immanente à la raison divine, l'image même de cette raison, elle exprime de la manière la plus parfaite l'idée de vo-lonté divine présente dans l'intelligence du monde.."
"Au-dessous, Saint Thomas place la lex naturalis, qui correspond dans l'échelle mystique à la raison spécu¬lative (ratio spéculativa), dont les fonctions sont definitio, enunciatio, syllogismus vel argumentatio, "la loi naturelle est la participation des créatures douées de raison à la loi éternelle". Cette loi natu¬relle, étant donné la doctrine du péché originel et la chute de l'homme, ne peut être qu'une image imparfaite de la lex aeterna, mais elle est accessible à l'homme par la raison spéculative; elle représente dans la philosophie thomiste le point de convergence entre la raison divine et la liberté rationnelle. Elle subit simplement l'action de cette inclination naturelle qui est au rentre de toute construction thomiste, "en elle se réalise une participation de la raison éternelle s'exprimant sous forme d'inclination naturelle à des fins dues".Cette volonté de St Thomas de ramener le problème de la loi naturelle au plan des fondements du droit, est très apparente dans la distinction qu'il établit entre la loi naturelle primaire et la loi naturelle secondaire. Seule la loi naturelle primaire présente un caractère d'immutabilité, mais elle se ramène à un seul principe, qu'il faut faire le bien et éviter le mal, "la nature raisonnable, du fait qu'elle connaît les notions universelles de bien et de l'être, implique un ordre immédiat au principe universel de l'être.
"La loi naturelle secondaire est faite de règles qui varient avec les pays, car si la justice doit s'observer universellement, la détermination des choses qui sont justes par institution divine ou humaine varie nécessairement selon les états différents de l'homme."...les principes communs de la loi naturelle ne peuvent être apploiqués selon un mode universel à tous, en raison de la grande variété des choses humaines. De là provient la divesité des législations chez divers peuples."
(...) la lex humana est l'oeuvre de la raison humaine élaborant les règles pratiques de vie individuelle et sociale, elle constitue à proprement parler le droit positif la loi est une prescription de la raison, se rapportant au bien général faite par celui qui gouverne la communauté, et promulguée."
• Le contenu du droit chez Saint Thomas
Le contenu est déterminé par la raison spéculative et la raison pratique dans leur contact avec le réel et la vie, c'est-à-dire, avec la nature des choses; cela rapproche le thomisme des juristes modernes qui ont pris conscience, à travers l'historicisme et l'existentialisme de l'importance de ce facteur "nature des choses" dont ils ont fait la base de leur construction.
La raison de l'homme ne lui indique que des directions. Ce que Saint Thomas appelle la raison droite n'est pas comme le pense Kelsen, la découverte certaine et précise d'un ordre du bien, ou du juste. C'est l'harmonie avec la nature; ce qui est très différent. Ce n'est pas un automatisme. Cet ordre juridique de Thomas se conçoit par rapport à l'inclination vers la justice qui se trouve innée en l'homme et par rapport à sa fin naturelle. La justice est conçue comme un idéal. Seule l'idée de justice a une existence véritable. Le droit positif n'est qu'une copie qui ressemble au modèle. Le droit positif n'a qu'une existence apparente. La justice ne vise pas le transitoire, mais l'éternel, afin d'y contempler la forme, le type parfait. Dans cette recherche de la justice, l'homme est aidé par la droite raison.
Le penchant à la justice a besoin d'être aidé par la Prudence. L'homme a des penchants au bien, mais le souci de perfectionner sa personnalité, mûrir ses jugements, réaliser un équilibre harmonieux dans l'existence individuelle ou sociale ne s'impose pas d'emblée, il faut y ajouter la syndérèse. (Brimo) La prudence construit le droit en partant des principes universels et des actions singulières.
1 Grotius (1583 1645)
Avec Grotius apparaît une façon nouvelle d'envisager le droit. On ne cherche plus à définir le droit en soi dans une perspective ontologique. Désormais on le définit comme la faculté d'avoir ou de faire quelque chose qui résulte du pouvoir sur soi(liberté), sur autrui, ou sur les choses. Cela devient un des moyens pour l'homme d’organiser la société et de dominer la nature pour la mettre à son service. Le droit est une création volontaire, guidée par l'instinct de sociabilité.
Cette pensée est bien illustrée par le credo nouveau: « pacta sunt servanda » : Il faut respecter les ententes, les contrats. Ce principe devient le fondement de toute vie juridique et sociale, nationale et internationale.
Bien qu'il admette l'existence du droit naturel qui est un « dictatum rectae rationis » il nie toute référence à la 1oi éternelle, contrairement à Saint Thomas d'Aquin. Grotius sépare le droit du la théologie comme Machiavel sépare la morale de la politique.
Dans son livre "De mare liberum" il affirme sa croyance en un droit de la nature "qui est également la mère de tous, dont l'emprise s'étend sur ceux qui commandent aux nations ... Il
Pour Grotius,la nature c'est essentiellement la nature humaine. "La mère du droit naturel est la nature même qui nous porterait encore à rechercher le commerce de nos semblables quand bien même nous n'aurions besoin de rien". C'est la nature de l'homme qui devient le principe fondamental du droit naturel et ce qui caractérise l'homme c'est d'abord la sociabilité;qui est contraire à la raison est contraire au droit naturel. « Le droit naturel est un décret de la raison droite indiquant que tel acte est valable ou non..."
"Cette conception se définit essentiellement en ce qu'elle fait de l'individu une fin en soi; c'est désormais la volonté individuelle qui est considérée comme l'élément fondamen¬tal du droit, et le meilleur moyen de recher¬cher "le juste",, car l'individu veut et sait ce qui est conforme à ses intérêts. Les solutions juridiques doivent d'abord être recherchées par un rattachement à la volonté individuelle. 1,1autonomie de la volonté est l'âme de tout le système Juridique. L'instru¬ment essentiel et idéal de la réalisation du droit, c'est le contrat, car "qui dit con-tractuel, dit juste". (Brimo, p.88)
2 Jean Jacques Rousseau (1712 1778)
Du 16è au 18è s., pendant toute la période de la Re¬naissance, toute la culture occidentale est en profonde mutation. Révolution copernicienne, développement des sciences, contesta¬tion radicale de la philosophie d'Aristote; au fond, la société change profondément, mais la structure politique demeure la même. .Il faut trouver des principes nouveaux de légitimité politi¬que, de pouvoir et de droit. Ce fut principalement Rousseau qui apporta ces idées (pas tout à fait nouvelles en réalité, puisque Epicure, le premier, formula une théorie du contrat social liée à l'état de nature à l'époque d'Alexandre le Grand): l'idée d'état de nature et de contrat social à l'origine de la société.
Les réflexions de Rousseau partent de l'homme naturel, i.e. non enqaqé dans les liens de la société civile. C'est un état pré social, une "véritable jeunesse du monde", "l’état naturel à l'espèce humaine".
"Avec la vie sociale commencent, pour Rousseau, le droit et la moralité. Il ne peut y avoir droit et moralité que là où il y a des règles universelles ; il n'y a pas de règle universelle là où n'existe pas de volonté générale. L'individu ne renonce à lui comme être sensible que pour s'affirmer comme raisonnable et moral. Par la volonté générale, il y a dépassement de l'homme qui devient un être nouveau. » (Brimo)
Pour Rousseau, la volonté générale n'a en vue que le bien commun, elle est toujours droite et tend toujours à l’utilité publique :
"On veut toujours son bien, mais on ne le voit pas toujours: jamais on ne corrompt le peuple, mais souvent on le trompe et c'est alors qu'il paraît vouloir ce qui
est mal. Il y a souvent bien de la différence entre la volonté de tous et la volonté générale; celle-ci ne regarde qu'à l'intérêt commun, l'autre regarde à l’intérêt privé et n'est qu'une somme de volontés particulières".(Contrat social).
"La volonté générale trouve son expression dans la loi… »
L'égalité juridique est la condition nécessaire de l'intégration de l'individu à la société
BECCARIA
Cesare Beccaria jouit, en 1766, d'une notoriété certaine auprès de l'élite intellectuelle européenne. Deux ans auparavant, ce jeune Milanais réussissait dans son traité Dei Delitti e delle pene (« Des délits & des peines ») à synthétiser les critiques (parfois anciennes) dirigées contre un système pénal périmé & proposait en quelques pages un nouvel ordre juridique en rupture avec la tradition médiévale.
La critique de Beccaria, centrée sur les aspects de la procédure criminelle devenus les plus étrangers à la mentalité du XVIIIe siècle, frappe d'autant plus juste qu'elle suscite l'émotion du public.
Sont ainsi dénoncés le recours à la torture comme moyen d'instruction, la cruauté disproportionnée des châtiments à commencer par la peine capitale, l'arbitraire des juges dans la détermination des peines, l'inégalité de traitement des condamnés selon leur rang social, etc.
Ces critiques ne sont pas neuves - dans les Caractères, La Bruyère définissait déjà la question comme « une invention merveilleuse & tout à fait sûre pour perdre un innocent qui a la complexion faible & sauver un coupable qui est né robuste » -, mais elles prennent ici plus de poids car Beccaria se réclame d'une logique radicalement nouvelle.
En effet, la rupture opérée par Beccaria consiste en une laïcisation du droit pénal qu'il revendique dès son introduction : le droit de punir doit être envisagé abstraction faite de toute considération religieuse ou morale, & ne peut se fonder que sur la seule utilité sociale.
De ces prémisses découlent un certain nombre de principes que reprendront vingt-cinq ans plus tard les rédacteurs de la Déclaration des droits de l'homme & du citoyen : « La loi n'a le droit de défendre que les actions nuisibles à la société » (art. 5) ; « Nul ne peut être arrêté, accusé ni détenu que dans les cas déterminés par la loi, & selon les formes qu'elle a prescrites » (art. 7) ; « La loi ne doit établir que des peines strictement & évidemment nécessaires, & nul ne peut être puni qu'en vertu d'une loi établie & promulguée antérieurement au délit, & légalement appliquée » (art.
; « Tout homme étant présumé innocent jusqu'à ce qu'il soit déclaré coupable, s'il est jugé indispensable de l'arrêter, toute rigueur qui ne sera pas nécessaire pour s'assurer de sa personne doit être sévèrement réprimée par la loi. » (art. 9)
Ce sont les principes mêmes qui constituent les fondements théoriques du droit pénal moderne.
Beccaria n'est cependant pas toujours un visionnaire inspiré. Des délits & des peines est l'œuvre d'un homme encore jeune & dépourvu d'expérience en matière judiciaire, non exempt d'une certaine rigidité intellectuelle.
Tout à son acharnement à dénoncer l'arbitraire judiciaire, il préconise la mise en œuvre d'un système de peines fixes, ne laissant aucune marge d'appréciation au juge & garantissant une stricte égalité entre les condamnés, ainsi que l'abolition du droit de grâce, autre manifestation de l'arbitraire.
En France, ces préconisations furent intégralement reprises par les Constituants de 1789, pour être abandonnées dès le début du Consulat car elles s'étaient vite avérées impraticables. Il fallut cependant attendre la loi du 28 avril 1832 pour que l'application des circonstances atténuantes soit généralisée à l'ensemble des infractions prévues par le Code pénal, inaugurant ainsi une tendance ininterrompue à l'individualisation des peines.
Le postulat de l'utilité sociale, fondement unique du droit de punir, ne semble pas non plus inciter Beccaria à se préoccuper outre mesure de la réhabilitation des condamnés. Certains passages pourraient même laisser croire qu'il attribue encore à la peine une fonction de dissuasion (justifiant le maintien de peines corporelles autres que la peine de mort, mais sans préciser lesquelles) plus que de rééducation du condamné.
Il est facile de juger les insuffisances d'une œuvre avec le recul du temps.
En 1764, Beccaria était en avance sur son siècle : ainsi que le lui écrivait Voltaire le 30 mai 1768, « les juges du chevalier de La Barre (...) ont puni d'une mort épouvantable, précédée de la torture, ce qui ne méritait que six mois de prison. Ils ont commis un crime juridique ».
Dénoncer de tels crimes & proposer des réformes qui empêchent qu'ils ne se reproduisent, tel est le combat que menèrent, chacun à leur manière, Beccaria & Voltaire. C'était pour l'époque un objectif ambitieux.
Charles de Montesquieu (1689 1755)
Juriste,homme de lettres, philosophe,figure principale de la philosophie des Lumières, rédacteur de l'Encyclopédie,il exercera une influence considérable sur la pensée de son époque. Il fut le premier à mettre en évidence la relativité du droit, le premier à faire du droit comparé. Ses oeuvres principales: Les lettres Persanes et L'esprit des lois
A la base de la philosophie de Montesquieu se trouve sa conception de la liberté politique:
"Ce mot de liberté dans la politique ne signifie pas, à beaucoup près, ce que les orateurs et les poètes lui font signifier. Ce mot n'exprime proprement qu'un rapport et ne peut servir à distinguer différentes sortes de gouvernements: car l'état populaire est la liberté des personnes pauvres et faibles et la servitude des personnes riches et puissantes; et la monarchie est la liberté des grands et la servitude des petits ( ... ) Ainsi, quand, dans une guerre civile, on dit qu'on combat pour la liberté, ce n'est pas cela: le Peuple combat pour la domination sur les grands et les Grands combattent pour la domination sur le Peuple. Un peuple libre n'est pas celui qui a une telle ou une telle forme de gouvernement: c'est celui qui jouit de la forme de gouvernement établi par la loi (...) De là il faut conclure que la liberté politique concerne les monarchies modérées comme les républiques, et n'est pas plus éloignée du trône que d'un Sénat; et tout homme est libre qui a un juste sujet de croire que la fureur d'un seul ou de plusieurs ne lui ôteront pas la vie ou la propriété de ses biens."
Montesquieu recherche les causes morales et physiques qui agissent sur le formation du droit et de l'État. Pour lui, les causes morales; (superstructure diraient les marxistes contemporains) sont plus déterminantes que les physiques (infrastructure) mais elles ont aussi une action nécessaire. Ainsi, les trois sortes de gouvernements se fondent:
a) le despotisme sur la crainte;
b) la monarchie sur l'honneur;
c) le régime démocratique sur la vertu.
Il doit y avoir un équilibre entre les pouvoirs obtenu par un contrôle. Le pouvoir exécutif participe du législatif par la faculté d'empêcher (v.g. veto présidentiel). Réciproquement il appartient au législatif de vérifier de quelle manière les lois qu'il a faites ont été exécutées.
"C'est chez Montesquieu que nous rencontrons une conception de la science juridique et de la science politique qui se rapproche le plus des préoccupations de nos humanistes. Il est parvenu de très bonne heure (...) à une définition du droit et de sa méthode dominée par un humanisme très en avance sur son temps (...)et à la formulation d'une théorie des équilibres constitutionnels, source de la sûreté et des libertés garanties par la loi".
Selon Montesquieu, la loi n'est pas seulement un commandement, mais elle a un fondement plus profond: "les lois sont des rapports nécessaires qui résultent de la nature des choses". "Plusieurs choses gouvernent les hommes: le climat, la religion, les lois, les maximes du gouvernement, les exemples des choses passées, les moeurs, les manières, d'où il se forme un esprit général qui en résulte."
Dans le domaine du gouvernement cette nature des choses "c'est ce qui le fait être tel, son principe, la passion qui le fait agir, considération qui débouche sur sa célèbre théorie des trois gouvernements. Quant à la nature des choses du pouvoir, elle est incluse dans la nature humaine, dans le fait que tout homme qui possède du pouvoir est porté à en abuser, ce qui explique et justifie son souci des équilibres constitutionnels."
On ne peut faire preuve de plus d'humanisme, note Brimo, dans l'analyse du phénomène juridique et étatique.
Si la loi résulte de la nature des choses, selon Montesquieu, elle est aussi la raison humaine, en tant qu'elle gouverne tous les peuples de la terre; et les lois politiques et civiles de chaque nation ne doivent être que les cas particuliers où s'applique cette raison humaine".