Allocution de Madame Rachida Dati, Garde des Sceaux, ministre de la Justice
Aujourd'hui, avec le lancement de l'acte authentique électronique, nous écrivons une nouvelle page : celle où la technologie la plus moderne est mise au service du droit.
Conseil supérieur du notariat, mardi 28 octobre 2008
Monsieur le Ministre, cher Eric,
Monsieur le député (Sébastien HUYGHE),
Monsieur le Président Reynis,
Mesdames et Messieurs les magistrats,
Mesdames et Messieurs les notaires,
Mesdames et Messieurs,
Aujourd'hui, avec le lancement de l'acte authentique électronique, nous écrivons une nouvelle page : celle où la technologie la plus moderne est mise au service du droit.
Aujourd'hui est aussi une page du Conseil supérieur du notariat qui se tourne, avec le départ de Bernard Reynis et du bureau qui l'entoure depuis deux ans.
Ces deux pages sont liées, car les deux années du Président Reynis à la tête du Conseil supérieur du notariat resteront celles d'une grande modernité. Il a su faire évoluer la profession de notaire pour qu'elle se développe, pour qu'elle réponde mieux au besoin du public, pour qu'elle s'ouvre sur l'Europe et le monde. La présence ce soir d'une délégation chinoise rappelle l'action que mène le CSN à Shanghai.
J'ai eu l'occasion de le dire en juin dernier lorsque je lui ai remis les insignes d'officier de l'Ordre national du mérite : Bernard Reynis est un grand serviteur du droit et de la Justice. Je tiens cet après-midi à lui rendre publiquement hommage.
Le lancement de l'acte authentique électronique s'inscrit pleinement dans le sens de nos réformes pour renforcer la justice.
Une justice renforcée, c'est une justice qui protège les Français, une justice qui sanctionne les délinquants et une justice au service des justiciables.
* Les nouvelles technologies contribuent à l'objectif de protection : elles garantissent une véritable sécurité juridique. C'est le cas de l'acte authentique électronique qui est établi par un officier public.
* Les nouvelles technologies participent à l'action de sanction : elles permettent à la Justice d'identifier et d'interpeller des auteurs. Je pense à l'apport inestimable de la police technique et scientifique, aux logiciels d'analyse criminelle pour les recoupements.
* Les nouvelles technologies améliorent le service rendu au justiciables : elles apportent de la rapidité, de la mobilité, de la facilité.
Vous le voyez, les nouvelles technologies ont toute leur place dans la réforme de la Justice. C'est pour cela que j'ai accéléré leur développement dès juillet 2007, pour qu'elles soient au service des Français ainsi que des professionnels du droit et de la justice.
Les nouvelles technologies rapprochent les Français de leur justice.
Les Français attendent beaucoup de la Justice : davantage d'efficacité, davantage de rapidité, davantage d'information. Car le grand public a parfois du mal à comprendre le fonctionnement de la justice.
Les Français ne savent pas toujours quels sont leurs droits ni pourquoi ils attendent plusieurs mois une décision de justice. Ils ont le sentiment que la justice est une institution de techniciens, un peu lente. Alors que dans le même temps, leurs exigences ont augmenté.
Notre société évolue de plus en plus vite : les frontières physiques s'effacent, l'information fait le tour du monde en quelques secondes, les rythmes de vie s'accélèrent...
Il faut que le temps de la Justice s'adapte au temps de la société.
Des réformes ont été conduites pour moderniser la Justice : la réforme de la carte judiciaire, la simplification et la déjudiciarisation de certains contentieux...
Les nouvelles technologies accélèrent les effets positifs de ces changements. Elles permettent à la Justice de mieux répondre aux attentes des Français.
Avec les nouvelles technologies, l'accès à la justice et à l'information est facilité.
Connaître le fonctionnement de la Justice, connaître ses droits, c'est vivre pleinement sa citoyenneté, c'est pouvoir se défendre contre les injustices.
Les notaires, les huissiers, les avocats sont des juristes de proximité. Grâce à votre maillage territorial, c'est vous que les Français viennent voir pour obtenir des conseils ou des renseignements.
Les nouvelles technologies ne remplaceront pas les notaires. Je peux vous l'assurer : l'ordinateur ne vaut pas la qualité et la convivialité des rapports humains. Et puis, comme l'a rappelé le Président Sarkozy, notre pays connaît encore une « fracture numérique ». Tout le monde n'a pas encore accès aux technologies de l'information et de la communication. Le Gouvernement y travaille. Eric Besson va nous en parler.
Les nouvelles technologies viennent compléter l'action conduite par les professions juridiques et judiciaires.
Le ministère de la justice travaille aujourd'hui à la réalisation d'un portail juridique grand public. C'est une révolution dans notre fonctionnement. Grâce à ce site internet, le justiciable pourra adresser en ligne des demandes aux juridictions. En quelques clics, il pourra obtenir plus d'une quinzaine d'actes :
* les demandes d'extraits de son casier judiciaire ;
* la copie d'une décision civile, commerciale, sociale ou pénale ;
* la demande d'un certificat de non-appel.
Ce portail internet sera mis en service fin 2009. Les justiciables n'auront plus besoin de se déplacer pour avoir accès à la Justice.
Celles-ci permettent aussi à la justice de fonctionner plus rapidement.
Aujourd'hui, il faut attendre près de 7 mois (6,
pour obtenir un jugement civil devant un TGI et près de 5 mois (4,
devant un tribunal d'instance. Nous devons faire mieux.
Pour préparer une audience, les avocats échangent des pièces, prennent des conclusions. A chaque fois, il faut que le greffier fasse des copies. Il faut venir au tribunal pour consulter le dossier. On attend souvent. Parfois, on vient pour rien. Nous ne pouvons plus accepter de perdre un temps si précieux.
Les nouvelles technologies donnent un nouveau rythme à la gestion des dossiers.
Je prends un exemple : l'instruction des dossiers civils. On n'a plus besoin des audiences de mises en état. Je l'ai vu, par exemple, à Narbonne. C'est le résultat de la convention que j'ai signée le 28 septembre 2007 avec le Conseil national des barreaux. Elle est déjà déclinée dans plus de 93 barreaux.
L'échange des pièces se fait par la voie électronique. Tous les tribunaux sont équipés. L'avocat peut consulter un dossier de chez lui et transmettre ses observations au magistrat.
Notre partenariat avec la Caisse des dépôts porte aussi ses fruits : la dématérialisation des injonctions de payer entre les huissiers et les tribunaux sera réalisée à la mi-2009. Un Groupement d'intérêt public va être créé très bientôt avec la Caisse. Il nous permettra de faire avancer plus rapidement nos projets, notamment en matière de signature électronique.
Avec les nouvelles technologies, c'est le justiciable qui est le premier gagnant : son affaire est traitée plus rapidement, plus efficacement.
Dans le même temps, nous modernisons la façon de travailler des acteurs judiciaires.
C'est le second objectif du développement des nouvelles technologies. Nous voulons que les professionnels disposent d'outils de travail adaptés, performants et qui offrent davantage de réactivité.
Il faut permettre l'accès à l'information en temps réel.
Aujourd'hui, l'information judiciaire est diffusée par un seul moyen : le papier.
Pour avoir accès à un dossier du juge d'instruction, l'avocat doit faire une demande de copie. Le greffier passe parfois des heures à photocopier un dossier de plusieurs tomes. C'est du temps pris aux dépens de son activité juridictionnelle. Si l'avocat veut une nouvelle pièce, il doit refaire une demande. Souvent, la copie n'arrive pas à temps et il faut reporter l'audition devant le juge d'instruction. Parfois, l'avocat accepte quand même d'aller à l'audience, mais il ne dispose pas de tous les éléments pour défendre son client.
Pour préparer une audience, pour suivre une affaire, les professionnels doivent pouvoir accéder à l'information en temps réel.
Depuis le 1er janvier, toutes les cours d'appels et tous les tribunaux de grande instance sont équipés de matériels de numérisation. Ces outils permettent de délivrer des copies numériques des procédures pénales. Elles sont gravées sur CD-ROM. Il n'y a plus besoin de faire de photocopies.
La numérisation des procédures pénales connaît un prolongement avec les services de la Gendarmerie nationale. Une expérimentation est en cours sur les ressorts des TGI de Poitiers, d'Angoulême et de plusieurs TGI de la Cour d'appel de Rouen. Les procédures sont transmises par voie électronique au parquet ou au juge d'instruction. C'est un gain de temps considérable.
Avec les nouvelles technologies, la sécurité est renforcée.
Je ne parle pas seulement de sécurité juridique. Je parle aussi de la sécurité des personnels : les magistrats, les greffiers, les surveillants, les policiers, les gendarmes.
La visioconférence est une bonne solution. Nous avons développé son utilisation. Cette technologie peut être utilisée par le juge d'instruction pour les confrontations ou par le juge d'application des peines pour prononcer un aménagement. Elle peut également être mise en œuvre pour assurer la sécurité des témoins lors des audiences particulièrement sensibles.
Enfin, les nouvelles technologies constituent une aide précieuse à la décision.
Avant d'engager des poursuites, un magistrat du parquet a besoin de connaître les antécédents judiciaires du mis en cause. Il dispose du casier judiciaire. Mais il faut souvent plusieurs mois avant qu'une condamnation ne soit inscrite au casier.
Entretemps, le gardé à vue peut avoir été condamné pour d'autres infractions. Chaque tribunal a son propre système de gestion des procédures pénales. Il n'y a pas d'interconnexion entre les juridictions.
Depuis plusieurs années, on promettait de mettre en place un système centralisé : l'application Cassiopée. Des études étaient en cours. J'ai voulu que ce système soit opérationnel dès que possible. C'est chose faite. L'application est expérimentée dans trois TGI pilotes. Elle sera généralisée en 2009.
Durant la présidence française de l'Union européenne nous avons obtenu un accord vendredi dernier pour mettre en place une interconnexion européenne des casiers judiciaires. Les magistrats des vingt-sept Etats membres seront mieux armés pour lutter contre la criminalité transfrontalière.
Mesdames et Messieurs,
Vous le voyez, nous assistons à l'émergence d'une nouvelle culture professionnelle : plus réactive, plus efficace, mais tout aussi sûre.
L'acte authentique électronique constitue une nouvelle étape de la modernisation de la justice qui est attendue par tous les Français.
Je veux remercier le Conseil supérieur du notariat pour son action déterminante dans la conduite de ce projet. Il fallait un capitaine pour tenir le cap : Bernard Reynis, marin émérite, était l'homme de la situation. Bravo pour ce beau projet !
Je vous remercie.