Troy Davis, un Noir de 39 ans, crie son innocence depuis dix-sept ans. Depuis qu'en 1991, un jury populaire l'a envoyé dans le couloir de la mort pour le meurtre, en août 1989, d'un policier blanc de 27 ans qui tentait de s'interposer dans une rixe sur le parking d'un fast-food, à Savannah, en Géorgie. Meurtre qu'il affirme n'avoir pas commis, même s'il ne nie pas avoir été sur les lieux du crime.
A l'époque, neuf témoignages ont suffi pour conclure à sa culpabilité. Et peu importe qu'aucune preuve matérielle, ni aveux, ni arme du crime, n'ait jamais été retrouvée. Que sept de ces neuf témoins se soient dédits, affirmant avoir subi des pressions de la part des policiers. Que l'un d'entre eux, illettré, ait raconté avoir signé sa déposition sans avoir pu la lire, selon Amnesty International... Peu importe.
Plus de recours possible
Ses avocats ont épuisé tous les moyens légaux de repousser son exécution pour apporter de nouveaux éléments susceptibles d'ouvrir un nouveau procès. En juillet 2007, par exemple, à 24 heures de son exécution, il avait gagné un "sursis", le Comité des grâces de Géorgie se disant "troublé" par les nouveaux éléments apportés par la défense.
Mais le dernier recours en date, visant à commuer sa peine, a été rejeté début septembre par ce même comité, en dépit du doute qui plane encore sur ce cas. Et la Cour suprême de Géorgie a validé l'exécution de Davis en lui refusant un nouveau procès.
"Nous avons été très surpris que [le comité des grâces n'ait] pas suivi un principe qu'il a reconnu l'an dernier, selon lequel il n'autoriserait pas une exécution en Géorgie s'il y avait un doute", a estimé Laura Moye, directrice adjointe d'Amnesty international Etats-Unis.
Coupable ou innocent, Troy Davis doit donc être exécuté ce mardi 23 septembre.
Des voix s'élèvent pour le soutenir
Son cas suscite une grande émotion, aux Etats-Unis et ailleurs. Amnesty international et l'association nationale pour la promotion des personnes de couleur (NAACP) ont organisé une marche de soutien, jeudi dernier, à Atlanta.
L'ancien directeur du FBI sous Reagan, William Sessions (partisan de la peine de mort) ainsi que le pape Benoît XVI et l'archevêque Desmond Tutu ont recommandé de réexaminer son cas. Des stars comme l'actrice Susan Sarandon demandent de suspendre son exécution et écrivent aux autorités géorgiennes compétentes. Un appel a été lancé, en France, par la présidente du groupe des sénateurs communistes, Nicole Borvo Cohen-Seat.
Quant au Parlement européen, il a demandé en juillet "que les tribunaux concernés, au vu de la quantité de preuves susceptibles d'annuler la condamnation de Troy Davis, permettent qu'il soit rejugé et que la sentence de mort soit ainsi commuée".
La Cour Suprême statuera peut-être en sa faveur... mais trop tard
A vrai dire, il reste bien une piste pour, peut-être, innocenter Troy Davis.
Ses avocats ont interjeté appel devant la Cour Suprême des Etats-Unis lui demandant de décider s'il est constitutionnel d'exécuter un innocent. La plus haute juridiction du pays doit statuer entre le 29 septembre et le 4 octobre sur l'éventuel réexamen de l'affaire.
Trop tard pour empêcher l'exécution de Troy Davis, qui doit avoir lieu ce mardi. Mais pas trop tard pour que la question de la peine de mort commence à déranger...
Dans un pays où deux personnes sur trois (68%) voient dans la peine de mort un juste châtiment, la question de son abolition n'a même pas été évoquée dans la campagne présidentielle. Et pourtant, "les choses sont en train de changer", a assuré Richard Dieter, directeur du Centre d'information sur la peine de mort.
"Les choses changent"
La crainte de voir un innocent exécuté, argument clé des partisans de l'abolition de la peine de mort, réveille les consciences. "La peine de mort est censée punir ceux qui ont tué des personnes innocentes, c'est le pire crime pour l'Etat que d'exécuter des innocents", analyse Dieter.
C'est sur cet argument que Craig Atkins, procureur du comté de Dallas, Texas, a pris une décision inédite aux Etats-Unis: réexaminer la totalité des dossiers des condamnés à mort sous sa juridiction. "Je ne peux pas tolérer que quelqu'un d'innocent puisse être exécuté", a-t-il affirmé.
Il explique avoir pris cette décision après que des tests ADN ont permis de disculper pas moins de 19 condamnés à des peines de prison, depuis 2001, dans son comté, et souhaite que d'autres procureurs suivent son exemple.
L'Etat fédéral a débloqué des fonds pour augmenter le nombre d'analyses ADN. Une manière de reconnaître que "les tests ADN ne servent pas seulement à identifier les criminels, mais également à disculper des innocents", selon le communiqué annonçant la mesure.