statut pénal du Président de la République désigne le statut de la responsabilité pénale du Président de la République française, en ce qui concerne les infractions qu'il pourrait commettre dans l'exercice de ses fonctions, mais également antérieurement à ou hors de ses fonctions.
Sommaire
* 1 La justification d'un statut dérogatoire au droit commun
* 2 Histoire constitutionnelle et politique
o 2.1 IIe République
o 2.2 IIIe République
o 2.3 Le procès de Pétain
o 2.4 IVe République
* 3 Sous la Ve République : un statut flou
o 3.1 Titre IX - La Haute Cour de justice (Constitution du 4 octobre 1958)
o 3.2 La faiblesse de l'article 68
o 3.3 Décision du Conseil constitutionnel relative à la Cour pénale internationale
o 3.4 L'arrêt Breisacher de la Cour de cassation
o 3.5 La Commission Avril
o 3.6 Le divorce
* 4 La réforme constitutionnelle du 23 février 2007
o 4.1 Le débat parlementaire
o 4.2 L'évolution de la protection du Président de la République
o 4.3 La nature de la responsabilité du Président de la République : politique, ou pénale ?
* 5 Notes et références
* 6 Voir aussi
o 6.1 Articles connexes
o 6.2 Liens externes
La justification d'un statut dérogatoire au droit commun
Il a toujours été constant que le Président de la République ou le chef de l'exécutif français bénéficie d'une situation dérogatoire.
En effet, le Président de la République a toujours été le garant de la continuité de l'État. S'il fait l'objet d'une instruction pénale, cette continuité serait remise en cause.
De plus, offrir aux juridictions pénales la possibilité de condamner le Président de la République en exercice devant les juridictions pénales offrirait la possibilité pour celles-ci de s'immiscer dans l'exercice du pouvoir politique, ce qui est interdit par la Loi du 16-24 août 1790.
Histoire constitutionnelle et politique
IIe République
La IIe République, en ce qu'elle est principalement inspirée par la Constitution des États-Unis de 1787, établit une responsabilité politique et pénale du Président de la République. La Constitution du 4 novembre 1848 dispose ainsi, à son article 68 :
« Le président de la République, les ministres, les agents et dépositaires de l'autorité publique, sont responsables, chacun en ce qui le concerne, de tous les actes du gouvernement et de l'administration.
- Toute mesure par laquelle le président de la République dissout l'Assemblée nationale, la proroge ou met obstacle à l'exercice de son mandat, est un crime de haute trahison. »
— Constitution de 1848
La formation de la Haute Cour de justice et la procédure devant elle font l'objet des articles 91 à 100 de la Constitution. Notamment, l'article 100 dispose explicitement que :
« Le président de la République n'est justiciable que de la Haute Cour de justice.
- Il ne peut, à l'exception du cas prévu par l'article 68, être poursuivi que sur l'accusation portée par l'Assemblée nationale, et pour crimes et délits qui seront déterminés par la loi. »
— Constitution du 4 novembre 1848
On peut donc observer d'une part, que la Constitution de la IIe République est claire et compréhensible, ce qui n'est pas nécessairement le cas dans la Ve République.
* Le crime de haute trahison est juridiquement défini : c'est, au vu de la lettre et de l'esprit de la Constitution, un coup d'État (ayant nécessairement échoué) qui est ici sanctionné.
* La procédure applicable est définie : la Haute cour est saisie pour les « crimes d'État », sans appel ni recours en cassation, sur la requête de l'Assemblée Nationale.
Cependant, l'esprit de cette Constitution est différent de celui que l'on a pu retrouver par la suite : établissant un équilibre des pouvoirs, il est possible pour le législateur d'effectuer, à l'instar de ce qui se passe aux États-Unis, une procédure d'impeachment, c'est-à-dire une responsabilité pénale pour les actes et les faits commis dans l'exercice du mandat de Président.
Toutefois, cette procédure-là n'aura pas pu être appliquée, Louis-Napoléon Bonaparte ayant réussi un coup d'État le 2 décembre 1851.
IIIe République
La IIIe République, le Président de la République a un statut pénal particulier. La loi constitutionnelle du 25 février 1875 relative à l'organisation des pouvoirs publics dispose, à son article 6 :
« Le Président de la République n'est responsable que dans le cas de haute trahison. »
— Loi constitutionnelle du 25 février 1875
Il est complété par l'article 9 de la loi du 24 février 1875 relative à l'organisation du Sénat.
« Le Sénat peut être constitué en Cour de justice pour juger soit le Président de la République, soit les ministres, et pour connaître des attentats commis contre la sûreté de l'Etat. »
— Loi constitutionnelle du 25 février 1875
On constate que cette constitution du Sénat en « Haute Cour » n'est que supplétive. On peut donc y déroger, et c'est ce qui sera fait lors du procès du maréchal Pétain. En effet, le procès de Philippe Pétain est le seul exemple de l'application réelle du statut pénal du Président de la République.
Le procès de Pétain
C'est sur le fondement des lois constitutionnelles de la IIIe République que Philippe Pétain fut traduit devant la Haute Cour de Justice à partir du 23 juillet 1945. Pétain est alors accusé d'atteinte à la sûreté de l'État et, bien sûr, de haute trahison.
Celle-ci était présidée par Mongibeaux, président de la Cour de cassation, assisté de Donat-Guigue, président de la Chambre criminelle de la Cour de cassation, et de Picard, premier président de la Cour d'appel de Paris. 24 jurés parlementaires étaient présents, composés essentiellement de députés n'ayant pas voté les pleins pouvoirs au Maréchal Pétain, ou s'étant abstenus. On remarque donc que ce n'est pas l'option du Sénat constitué en Cour de Justice qui a été retenue.
Mornet était le procureur général : président honoraire de la Cour de cassation, il était le seul des magistrats présents à ne pas avoir prêté serment à Pétain.
Pétain n'a pas été jugé selon le droit commun, bien que la composition de cette Haute Cour soit similaire à celle d'une Cour d'assises « spéciale ». Le nombre de jurés y est renforcé, mais c'est surtout la qualité de ces jurés qui prime, puisque ce sont des parlementaires, résistants, qui jugent Pétain. En l'espèce, on peut douter du caractère nécessaire d'une Haute Cour de Justice, eu égard à la gravité manifeste des faits qui lui ont été reprochés : une Cour d'assises de droit commun aurait suffi. De plus, c'est donner à Pétain la qualité de Président de la République.
Pétain y fut condamné à mort, mais le Général De Gaulle commua cette peine en prison à perpétuité, et il mourut en prison.
IVe République
Le constituant de 1946 pris donc, à la suite de ce tragique évènement, l'initiative de préciser directement dans la Constitution française le statut pénal du Président de la République. Ainsi, l'article 42 de la Constitution de la IVe République dispose :
« Le président de la République n'est responsable que dans le cas de haute trahison.
Il peut être mis en accusation par l'Assemblée nationale et renvoyé devant la Haute Cour de justice dans les conditions prévues à l'article 57 ci-dessous »
— Constitution de 1946
L'article 57 disposant, à son deuxième alinéa :
« L'Assemblée nationale statue au scrutin secret et à la majorité absolue des membres la composant, à l'exception de ceux qui seraient appelés à participer à la poursuite, à l'instruction et au jugement. »
— Constitution de 1946
Le Président de la République est alors justiciable de la même manière que le sont les ministres. Cette similitude ne fut rompue qu'en 1993, avec l'institution de la Cour de justice de la République.
Sous la Ve République : un statut flou [modifier]
Titre IX - La Haute Cour de justice (Constitution du 4 octobre 1958)
Constitution de la Ve République française
Constitution de la Ve République française
Dans sa rédaction originale, la Constitution de la Vème République portait :
« Article 67
Il est institué une Haute Cour de justice.
Elle est composée de membres élus, en leur sein et en nombre égal, par l'Assemblée nationale et par le Sénat après chaque renouvellement général ou partiel de ces assemblées. Elle élit son président parmi ses membres.