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 Les nouveaux murs frontières

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مُساهمةموضوع: Les nouveaux murs frontières   Les nouveaux murs frontières Emptyالإثنين نوفمبر 30, 2009 8:15 pm

Les nouveaux murs frontières


Wendy Brown est professeure à l'université de Berkeley. Elle a publié notamment Les habits neufs de la politique mondiale (éd. Les prairies ordinaires, 2007). A lire Wendy Brown, Murs. Les murs de séparation et le déclin de la souveraineté étatique, éd. Les prairies ordinaires, sortie le 13 novembre 2009



Des murs ont surgi un peu partout. Ils prolifèrent, entre le Mexique et les Etats-Unis, Israël et la Palestine, l’Inde et le Pakistan, autour des enclaves espagnoles de Ceuta et Melilla... Sans compter les grilles qui entourent résidences et quartiers sécurisés. Ces frontières visent notamment à repousser pauvres et demandeurs d’asile. La politologue américaine Wendy Brown publie un essai sur le sujet. Bonnes feuilles.


« Ce livre défend la thèse que les murs de la modernité tardive se distinguent par leur caractère post-westphalien. Envisagés globalement, ils représentent une réaction à la désorientation et à la dissolution de la souveraineté nationale sous l’effet de la globalisation, et sont construits pour bloquer des flux de personnes, des produits de contrebande et des violences qui n’émanent pas d’entités souveraines. A cet égard, ils constituent l’itération d’un imaginaire politique en train de disparaître dans l’interrègne global qui caractérise l’époque actuelle, à la fois postérieure à la souveraineté étatique et antérieure à l’articulation d’un ordre global alternatif. Ces murs ont bien sûr été précédés par d’autres : les clôtures existent depuis toujours. Et l’on peut discerner dans les nouveaux murs des éléments de continuité avec des murs plus anciens. Les murs ont toujours, à travers l’histoire, spectacularisé le pouvoir ; et toujours ils ont produit des effets performatifs et symboliques en excès sur leurs effets matériels. Ils ont produit certains imaginaires politiques, et nié certains autres. Par exemple, les murs et les forteresses du Moyen Âge éparpillés dans les campagnes de l’Europe servaient autant à intimider les populations des villes qu’ils enserraient qu’à remplir leur fonction officielle de protection (1). Destinés à bloquer les dangers extérieurs, tous les murs délimitant des entités politiques ont aussi façonné des identités collectives et individuelles sur le plan intérieur. C’est aussi vrai de la Grande Muraille de Chine que des gated communities du Sud-Ouest des Etats-Unis. Les tristement célèbres projets de mur conçus en Europe au cours du xxe siècle combinaient eux aussi ces fonctions et ces effets. Il n’était pas prévu de bâtir entièrement la ligne Maginot qui devait défendre la frontière est de la France d’une invasion allemande ; il s’agissait plutôt de produire l’image d’une “impénétrable forteresse France” – la rhétorique du mur excédant donc largement les parties éparses qui en avaient été construites (2). Le Mur de l’Atlantique édifié par le Troisième Reich en prévision d’une invasion alliée emmenée par la Grande-Bretagne constituait lui aussi l’icône d’une Europe contrôlée par les Nazis. Il y a également le Mur de Berlin qui, bien qu’il en soit venu, rétrospectivement, à signifier l’emprisonnement d’une population censément désireuse de fuir la domination soviétique, fut conçu à l’origine comme un cordon de protection entourant une société nouvelle et fragile, fondée sur le travail, la coopération et l’égalitarisme, et non sur l’individualisme, la concurrence et la hiérarchie. Les architectes de la nouvelle société communiste croyaient que le laboratoire d’expériences sociales et psychologiques dont naîtrait cette société devait être isolé d’un dehors corrupteur et décadent (3).

Mais comme le Mur de Berlin, les murs d’aujourd’hui, et tout particulièrement ceux qui sont érigés autour des démocraties, produisent nécessairement des effets intérieurs : leur dehors devient leur dedans. S’ils ont officiellement pour but de protéger d’éventuels violations, abus ou agressions des sociétés prétendument fondées sur la liberté, l’ouverture, le droit et la laïcité, ils s’édifient sur une mise en suspens du droit, et produisent à leur insu un éthos et une subjectivité collectifs de type défensif, replié sur soi, nationaliste et militarisé. Ils encouragent l’avènement d’une société toujours plus fermée et surveillée, en lieu et place de la société ouverte qu’ils prétendent défendre. Les nouveaux murs ne sont donc pas simplement inefficaces et impuissants à ressusciter une souveraineté nationale fragilisée, ils engendrent aussi, dans une ère post-nationale, de nouvelles formes de xénophobie et de repli sur soi. Ils favorisent la production de sujets protégés du monde extérieur, mais de sujets auxquels fait défaut cette ampleur souveraine que la démocratie emmurée prétend protéger.

Un historien allemand, Greg Eghigian a qualifié d’“homo munitus” cette créature emmurée – nation ou sujet –, passive, paranoïaque et prévisible (munitus est dérivé du verbe latin munire, qui signifie fortifier, sécuriser, défendre, protéger ou abriter) (4). Eghigian examine la mythologie que l’Occident s’est créée autour de la subjectivité est-allemande à l’époque du Mur de Berlin, ainsi que la production effective de cette subjectivité. Tout en contestant la norme occidentale (libérale démocratique) à l’aune de laquelle cette subjectivité est mesurée, il corrobore l’image populaire de la personnalité emmurée produite par le mur, image ô combien semblable à la manière dont les Occidentaux d’aujourd’hui imaginent les sujets théocratiques obéissants et désindividualisés qu’ils appréhendent comme leurs ennemis, ou tout du moins, comme leur exact opposé (5). Eghigian nous montre comment les murs se retournent vers l’intérieur et mettent à bas les distinctions faciles – souvent établies par les actuels défenseurs des murs, soucieux de bien séparer ces murs-là du Mur de Berlin – entre les barrières qui protègent et celles qui proscrivent, ou entre les murs qui distinguent les sociétés libres des sociétés non libres.

Si les murs n’ont pas pour seul effet de protéger les nations qu’ils barricadent, mais s’ils en produisent également le contenu, alors on peut s’interroger sur les besoins psychologiques et les désirs qui alimentent leur construction, ainsi que sur leurs effets involontaires – comment ils définissent les nationalismes, la subjectivité des citoyens, et les identités des entités politiques qui se trouvent d’un côté comme de l’autre. On peut ainsi se demander si les murs actuels ne fonctionnent pas comme des symboles d’une contention collective et individuelle, comme des fortifications d’entités dont la globalisation efface les frontières réelles ou imaginaires. On peut encore se demander s’ils ne contiennent pas plus qu’ils ne défendent (si toute forme de défense implique une contention, et inversement, si toute forme de contention implique une défense) : quand ces murs cessent-ils d’être ceux, rassurants, d’un foyer, pour prendre l’aspect du confinement d’une prison ? Quand la forteresse devient-elle un pénitencier ?

Durant la Guerre froide, la gauche euro-atlantique posait inlassablement cette question, à l’époque où les leaders politiques occidentaux clamaient qu’il était nécessaire de construire des abris pour protéger les populations civiles d’une agression de l’Est. Même inutilisés, ces abris contribuaient à propager une mentalité bunkerisée dans le contexte d’une montée de tension nucléaire, une mentalité que renforcèrent, dans les années 1950 et 1960, les politiques étrangères et de défense menées par les États-Unis. A l’accumulation d’armes nucléaires dans des silos bunkerisés faisait écho une accumulation de biens de première nécessité dans des abris également bunkerisés ; la défense contre l’apocalypse devint un véritable mode de vie politique et civil, qui occultait la responsabilité des États-Unis dans cette dérive mortifère. Aujourd’hui, des Israéliens de gauche posent le même genre de questions, au moment où non seulement le projet qui vise à emmurer les habitants de la Cisjordanie et de Gaza rend de plus en plus lointaine une solution politique, mais intensifie la militarisation et la bunkerisation qui définissent la vie israélienne. Les murs construits autour d’entités politiques ne peuvent bloquer des dangers extérieurs sans affecter les populations qu’ils enceignent. Ils transforment un mode de vie protégé en un repli sur soi psychique, social et politique. À cet égard, le Mur de Berlin, dont, vingt ans après, le monde entier continue de célébrer la chute, était peut-être plus un prototype grossier que l’opposé des murs du xxie siècle. »

1. Hirst, Space and Power, op. cit., p. 171.

2. Roxanne Panchasi, Future Tense: The Culture of Anticipation in France between the World Wars (à paraître).

3. Greg Egighian, « Homo Munitus », in Betts et Pence (dir.), Socialist Modern: East German Everyday Culture and Politics, Ann Arbor, University of Michigan Press, à paraître.

4. Ibid.

5. Ibid. Pour une analyse de la figure occidentale de ce sujet, voir mon livre Regulating Aversion: Tolerance in the Age of Identity and Empire, Princeton, Princeton University Press, 2008, chap. 6.

Paru dans Regards n°66, novembre 2009
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